Algérie

Le titre Alliance Assurance titille une Bourse d'Alger toujours inanimée



Y a-t-il une vie de l'action après l'entrée réussie d'une entreprise en Bourse ? Sept mois après l'entrée d'Alliance Assurance à la Bourse son PDG Hassan Khelifati note que les banques publiques, seuls intermédiaires des opérations de Bourse (IOB) agréés avant l'accord provisoire donné à BNP Paris, ne s'impliquent pas. Et ne font pas leur travail. Il a laissé entendre qu'Alliance Assurance pourrait revoir sa position d'ici une année ou deux si la stagnation du marché financier devait perdurer.

Hassan Khelifati ne regrette pas la «décision stratégique» d'aller vers la Bourse alors que d'autres voies pour assurer l'augmentation du capital de l'entreprise étaient plus aisées. Il en retient une donnée significative : il existe bien un marché pour la Bourse en Algérie. Les affaires et les scandales qui ont émaillé la marche des entreprises privées n'ont pas constitué un frein à l'engouement des épargnants pour les actions d'Alliance Assurance. «La confiance ne manque pas, les investisseurs privés l'ont montré. Et nous souhaitions que d'autres nous suivent». Que s'est-il passé depuis le 7 mars dernier, date officielle de la cotation d'Alliance Assurance à la Bourse d'Alger. Rien ou presque. Une stagnation qui n'est pas due à la situation intrinsèque de l'entreprise mais au fait que les intermédiaires des opérations de Bourse (IOB) n'assument pas leurs fonctions. «La Bourse, c'est d'abord des acteurs qui jouent leur rôle. Nous avons un problème. Depuis que l'action a été cotée le 7 mars dernier, nous recevons des appels de tout le territoire national de la part d'épargnants algériens qui disent qu'ils sont allés chez les banques pour acheter des actions et qu'on leur répond que l'opération Alliance Assurance a pris fin le 1er décembre !». C'est ainsi qu'une action cesse pratiquement de vivre en Algérie après que l'entrée en Bourse de l'entreprise. Alliance Assurance a passé le cap, «primaire» de la souscription, elle végète désormais, malgré elle, sur un marché secondaire dont les acteurs, les banques publiques- IOB, ne semblent pas être en mesure d'animer le marché.

L'inactivité des Intermédiaires en Bourse

Du coup, la «stabilité» du cours de l'action ne reflète pas l'état de marché – offre d'achat et de vente – mais est la traduction de l'inaction des IOB. Qui, rappelle, le DG de la Bourse d'Alger, Mustapha Ferfara n'ont pas pour seule vocation de relayer les ordres de vente et d'achat des actions mais d'agir auprès des opérateurs pour les inciter à chercher des financements à long terme sur le marché financier. Les banques publiques ne resteront plus tout à fait seules intermédiaires en Bourse. BNP Paribas El Djazaïr qui a reçu en juillet dernier un agrément provisoire de la Commission d'organisation et de surveillance des opérations de Bourse (Cosob) ne devrait pas tarder à s'engager dans ce secteur. Une autre demande d'agrément en tant qu'intermédiaire en opération de Bourse formulée par UGFS-Algeria (United Gulf Financial Services) est en attente d'un accord préalable du CNI (Conseil national d'investissement). Il est question de permettre à d'autres institutions privées d'exercer l'activité d'IOB. Les choses bougent donc, mais trop lentement. Le PDG d'Alliance Assurance ne tire pas de conclusion définitive des sept mois de présence à la Bourse mais il fait preuve d'un certain pessimisme. La stagnation de la valeur de l'action est «inquiétante» estime-t-il. Cette situation est d'autant plus frustrante car la stagnation n'est pas le reflet de l'état de santé de l'entreprise. «Elle montre que le climat nécessaire pour créer une dynamique sur le marché boursier n'est pas propice». Pour lui, les banques publiques ne sont tout simplement pas motivées pour dynamiser les transactions et pousser le marché vers l'avant. L'assureur ne pense pas qu'il s'agit en l'occurrence d'une simple affaire de compétence mais de conception économique globale. Le début de déception de «l'éclaireur» Alliance Assurance dont l'action est suivie avec beaucoup d'intérêt pourrait, s'il était suivi d'une remise en cause de la présence en Bourse, avoir un effet dissuasif sur les autres entreprises privées. Deux entreprises privées, NCA Rouïba et Salama Assurance, se préparent, sans se presser, à aller en Bourse. Les données chiffrées ne sont guère incitatrices.

0,20% du PIB

Le capital des entreprises cotées à la Bourse d'Alger (Eriad Sétif, Saïdal, Aurassi, dernière opération enregistrée en février 2000) ne représente que 0,20% du PIB alors qu'il est de 20 à 25% en Tunisie et au Maroc. Le patron d'Alliance Assurance souligne qu'il ne suffit pas de créer un cadre et d'élaborer des textes qui sont, selon lui, tout à fait appropriés. Ce qui manque est une orientation de politique économique claire. La Tunisie et l'Arabie Saoudite ont créé pendant une certaine période une «obligation légale» pour les entreprises d'aller en Bourse. Cette obligation a été mise en Å“uvre le temps de créer une dynamique. Une fois que cette impulsion donnée, les législateurs dans ces deux pays ont laissé la liberté aux entreprises le choix d'aller ou de ne pas aller sur le marché boursier. En Algérie, estime Khelifati, il n'y a que deux voies possibles. La première consiste à compter sur l'évolution mécanique de la confiance des entreprises privées et le fait que certaines trouvent le courage d'y aller. Et, souligne-t-il, «Alliance Assurance a subi beaucoup de pressions pour nous dissuader de tenter l'aventure». En termes clairs, cela signifie que l'on risque d'attendre longtemps. Pour lui, la meilleure option est que l'Etat assume une «orientation claire» en décidant de privatiser, via la Bourse, des entreprises publiques. C'est le vrai moyen de donner vie à la Bourse d'Alger, selon lui, car l'entrée de quelques opérateurs privés ne pourra pas transformer une réalité atone.

«La politique économique du pays est déterminante. L'entrée en Bourse des entreprises implique effectivement des obligations importantes : publicité des comptes, gouvernance, transparence… Tout cela inquiète, mais l'Algérie ne peut rester figée dans de vieilles méthodes de gestion…». Et s'il ne nie pas que le secteur privé présente également un problème de transparence, il note cependant que celui-ci ne compte pas sur le parapluie de l'Etat. Les 180 milliards de dollars dépensés depuis 1970 dans la restructuration, vaine ; des entreprises lui paraissent une absurdité. Le DG de la Bourse d'Alger, Mustapha Ferfara n'est pas partisan d'obliger les entreprises à aller en Bourse. «Il est préférable de laisser les entreprises faire leur choix librement. Une telle contrainte pourrait tuer la Bourse avec trop d'entreprises présentes sans contrepartie liquide». Le recours au marché financier doit être le choix des gestionnaires. Il admet cependant que les ouvertures de capital des entreprises publiques (Banques, sociétés d'assurances, une partie de Sonatrach) pourraient se faire par le biais de la Bourse sans qu'il soit nécessaire de céder complètement l'entreprise. Décidemment, «Le problème n'est pas dans la Bourse, il est dans l'absence de clarté et de visibilité de la politique économique globale…»




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