Algérie

Le tiers «régalien»


Beaucoup de contributions ont été rédigées sur le rôle et l'utilité du Conseil de la nation et ses missions par les juristes et les politiques en même temps. L'expérience d'un Parlement à deux chambres est récente en Algérie, ce qui veut dire que le pays ne connaissait pas cette tradition occidentale en général et anglo-saxonne en particulier. C'est dire que le paradoxe est manifeste chez nous quand il s'agit d'aborder le sujet sur cette ancienne institution parlementaire dans le monde. Elle est vue sous un angle étroit qui cache une lecture politicienne et idéologique de certaines franges de la classe politique dont l'enjeu dépasse la faisabilité et la légitimité constitutionnelle de l'auguste chambre.La connotation qui est donnée au Sénat de par le monde fait consensus dans les pays de vieille démocratie. Elle sert comme matrice et socle de la démocratie qui régule et organise le fonctionnement des pouvoirs et de leur équilibre. Cette explication trouve son expression dans le contexte historique et politique du pays qui amène les experts en droit constitutionnel de prévoir un levier susceptible de parer à toute menace visant le fonctionnement démocratique des institutions. Le contexte des années 90 du siècle écoulé est édifiant en la matière. Le Parlement qui disposait d'une seule chambre, à savoir l'Assemblée populaire nationale, se trouvait face à une situation de blocage et d'impasse institutionnels qui allaient aggraver davantage la pérennité de l'Etat et de ses institutions à cause de l'émergence d'un courant obscurantiste dont les visées s'exprimaient contre la nature démocratique et républicaine même dudit Etat. C'est dans ce contexte tragique et gravissime que l'idée d'asseoir un fonctionnement législatif s'arc-boutant sur un Parlement constitué de deux chambres pour s'assurer de la continuité de l'Etat et pour parer à tout risque de voir le pays plonger dans la spirale de la violence émanant d'un choix politique en contradiction avec la Constitution et les valeurs démocratiques et républicaines. Le Conseil de la nation (CN), existe depuis 26 ans, c'est-à-dire depuis 1996. Sa mission dans son ensemble se manifestait par le caractère consultatif, mais son efficacité et son indissolubilité résidaient toujours même après la révision constitutionnelle de 2020, dans le tiers bloquant qui est à même de stopper tout projet ou toute démarche législative émanant de la chambre basse (APN).
Ce pouvoir (régalien) confère à la deuxième chambre (CN) un rôle prépondérant et déterminant dans la reconfiguration du paysage politique et ses retombées. La dernière révision constitutionnelle de 2020 a vu la dotation du Conseil de la nation de plusieurs missions aux côtés de la chambre basse. D'autres missions ont été données au Conseil de la nation dans la nouvelle Constitution en vigueur. En effet, l'article 155 octroie au Conseil de la nation le droit de demander au gouvernement d'opérer un contrôle en bonne et due forme en l'alimentant d'informations et de la documentation nécessaire en la matière. Il y a une autre nouvelle attribution qui est explicitée dans l'article 156 qui stipule que «le gouvernement rend compte, à chaque chambre du Parlement, de l'utilisation des crédits budgétaires qu'elle a votés pour chaque exercice budgétaire. L'exercice est clos en ce qui concerne le Parlement, par le vote par chacune des chambres, d'une loi portant règlement budgétaire pour l'exercice considéré».
L'élargissement des prérogatives du Parlement en général et du Conseil de la nation en particulier s'expriment aussi à travers les articles 157 et 158 qui définissent la procédure et les modalités dont le CN pourrait auditionner et mettre en oeuvre une commission d'enquête relative à l'action gouvernementale et sa prestation. La nouvelle Constitution stipule dans son article 157 que «les commissions du Parlement peuvent auditionner les membres du gouvernement sur toute question d'intérêt général» et de préciser dans l'article 158 que «les membres du Parlement peuvent adresser, par voie orale ou en la forme écrite, toute question à tout membre du gouvernement. La question écrite reçoit en la même forme une réponse dans un délai maximal de trente (30) jours. Pour les questions orales, le délai de réponse ne doit pas excéder trente (30) jours. L'Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation tiennent, alternativement, une séance hebdomadaire consacrée aux réponses du gouvernement aux questions orales des députés et des membres du Conseil de la nation. Si l'une des deux chambres estime que la réponse, orale ou écrite, du membre du gouvernement le justifie, un débat est ouvert dans les conditions que prévoient les règlements intérieurs de l'Assemblée populaire nationale et du Conseil de la nation. Les questions et les réponses sont publiées dans les mêmes conditions que les procès-verbaux des débats du Parlement».
Il faut dire que, malgré le caractère consultatif dans beaucoup de questions liées à la législation, le Conseil de la nation dispose d'un «véto» incontournable sur les questions qui touchent aux enjeux stratégiques et vitaux qui concernent le pays et sa Sécurité nationale. Le tiers bloquant résume l'ossature et le fer de lance de tout l'édifice parlementaire national comme prolongement de la sauvegarde de l'Etat-nation.
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