Algérie

Le temps perdu et le gâchis d'une gouvernance



Le temps perdu et le gâchis d'une gouvernance
En 2014, quand les prix du baril de pétrole entamaient leur chute sur les marchés internationaux, d'aucuns pensaient que l'Algérie, dont les revenus en dépendaient presqu'à 100%, n'avait pas les moyens d'éviter l'arrivée d'une grave crise. Experts et politiques prédisaient à juste titre, et le temps leur a donné raison, que nous nous dirigions droit vers l'impasse. Tout le monde avait compris, même les plus profanes en matière économique et en finances, que le pays n'avait pas les moyens de faire face à la crise. Il n'y était pas préparé. Tout le monde était inquiet, sauf le gouvernement.«Il ne faut ni s'alarmer, ni s'endormir, mais bouger dans la bonne direction avec ambition et courage», affirmait le Premier ministre Abdelmalek Sellal, lors d'une rencontre consacrée aux effets de la crise pétrolière en 2015. Le gouvernement et ses soutiens s'attaquaient même avec véhémence aux experts, à la presse et à l'opposition qui alertaient sur l'état de l'économie nationale. «Vous vous rappelez de plusieurs think tanks qui, encore tout récemment, prédisaient que dans six mois, trois mois, l'Algérie allait exploser et partir en feu. Je crois que le ciel est bleu, il n'y a pas de nuages.
Nous avançons correctement», disait l'ancien Premier ministre. Que de temps perdu depuis. Avant que la crise ne mette à genoux un pays qui avait pourtant les moyens de construire une véritable économie affranchie entièrement ou du moins en partie de la rente pétrolière. Pas plus de trois ans après, les Algériens apprennent à leurs dépens que «nous sommes en enfer». Les propos sont du nouveau Premier ministre, Ahmed Ouyahia. La situation est incontestablement grave.
Et si les responsables de l'Etat avaient pris les mesures idoines au moment opportun, on ne serait peut-être pas dans l'impasse actuelle. Abdelmalek Sellal a mis du temps pour admettre la situation de crise induite bien évidemment par les choix économiques opérés depuis l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en 1999. Jusqu'au début de l'année 2017, l'ancien Premier ministre continuait à penser qu'il n'y avait pas lieu de s'affoler.
«Nous avons résisté contre le contre-choc pétrolier malgré la baisse de 70% de nos recettes en devises», déclarait-il triomphalement, le 6 avril dernier, à l'occasion de la visite effectuée en Algérie par son homologue français, Bernard Cazeneuve. M. Sellal, dont la gouvernance est très discutable, disait même que le peu de dettes existant est le fait du secteur privé. «Depuis juillet 2014, les cours (du pétrole) se sont effondrés et on a perdu 70% de nos recettes pétrolières.
On a tenu, on tient et on tiendra», insistait l'ancien Premier ministre qui soutenait que «tous les indicateurs macroéconomiques montrent qu'on maîtrise les choses. On ne va pas renoncer à notre modèle de gestion du pays sur le plan social et économique». Ce n'est qu'en avril 2017 que Abdelmalek Sellal met un bémol à son optimisme en reconnaissant publiquement que «les ressources financières du pays ne permettent plus de satisfaire toutes les demandes des citoyens».
La réalité du pays a fini par le rattraper. Sellal est parti fin mai, et cinq mois après, l'on découvre l'étendue du désastre. Le Fonds de régulation des recettes qui était à 840 milliards de dinars à fin 2016 est complètement vidé, et depuis février dernier, les réserves de change ont considérablement fondu et le déficit budgétaire a atteint 20 milliards de dollars.
Il faut trouver chaque année cette somme pour renouer avec les équilibres. Le gouvernement n'a pas eu d'autre choix que d'opter pour le financement «non conventionnel» avec d'énormes risques d'entrer dans le cercle vicieux de l'inflation. Abdelmalek Sellal symbolise le temps perdu et l'échec de la gouvernance du pays depuis presque 20 ans.


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