Graine des rois, dessert du raffinement, rond, charnu, sucré et difficile à cultiver, la cerise est le fruit de l'éphémère par excellence. Elle vient d'apparaître sur les marchés, les routes et les campagnes, cédée entre 600 et 1000 DA le kilo. Comme toutes les primeurs recherchées, les premières fournées sont destinées aux riches, c'est-à-dire ceux qui se servent les premiers. Les classes moyennes devront attendre quelques semaines que les prix baissent, et les pauvres une autre vie pour se le permettre.
La cerise est pourtant un fruit cultivé en Algérie, et le PNDA, Plan national de développement de l'agriculture, n'a rien à voir avec elle, puisque ce fruit existait bien avant Saïd Barkat, l'ex-ministre du secteur, aujourd'hui milliardaire sans n'avoir jamais été inquiété pour ses achats et ventes sur le marché des terres et du premier servi. Car les fonctions, tout comme les cerises, sont aussi éphémères. Quand on est ministre, il faut être plus rapide qu'une saison, encore plus rapide que cette bonne et éphémère idée de l'obligation de déclaration de patrimoine, avant et après avoir été ministre ou député. On raconte que seul Benbitour, éphémère chef de gouvernement, aurait accompli cette formalité, c'est-à-dire publier son patrimoine avant (d'être nommé) et après (avoir démissionné).
Les autres ne l'ont pas fait et ne le feront probablement jamais, trop occupés à gérer l'éphémère et manger des cerises. A ce titre, le président Bouteflika, bien que vieux, et le système, bien qu'âgé, auront paradoxalement raté la maîtrise du temps. Un pays, un homme, une femme, une idée ou une idéologie se juge sur le long terme, et il faut bien reconnaître qu'aucun homme du sérail désigné par la Présidence n'aura eu une vision plus lointaine que celle de l'avenir de ses propres enfants, préférant empocher rapidement des cerises. Avec un seul slogan, il faut faire vite, et mal.
Posté Le : 28/05/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Chawki Amari
Source : www.elwatan.com