Le temps du pouvoir et le pouvoir du temps en Algérie

5ème partie
Le pillage et les actes crapuleux qu'il généra fut fréquemment paré des motifs «les plus vertueux» voulant que la colonisation apporta à l'Algérie les bienfaits et les mérites d'une des plus grandes civilisations émanant de la France dite «patrie des droits de l'homme».
Pierre Péan mentionne en page 11 : «Louis- Philippe et le nouveau ministère issu de la révolution de juillet soupçonnent Charles X et le ministre de la guerre du gouvernement déchu , le maréchal de Bourmont , d'avoir détourné une partie du Trésor de la Régence d'Alger.»
Entre les actes et les intentions proclamées il y a un gouffre.
En janvier 1830 De Bourmont ordonna de rédiger une proclamation au marquis de Clermont Tonnerre, colonel d'état major, arabisant, aidé en cela par l'orientaliste Sylvestre de Sacy.
«Nous, les Français, vos amis, partons pour Alger. Nous allons en chasser les Turcs, vos tyrans... Nous ne conquérons pas la ville pour en devenir les maîtres. Nous le jurons par notre sang... Soyez unis à nous, soyez dignes de notre protection .et vous régnerez comme autrefois dans votre pays, maîtres indépendants de votre patrie(...) . Les Français agiront avec vous comme ils agissaient il y a trente ans avec vos frères bien-aimés les Egyptiens.
Nous nous engageons à respecter vos trésors, vos propriétés et votre sainte religion. (...) Nous sommes vos amis sincères, et le resterons toujours (...).
Venez à nous, vous nous ferez plaisir et notre amitié sera avantageuse (...).
Nous vivrons en paix pour votre bonheur et pour le nôtre».
Fin mai 1830, la menace s'exprima sans équivoque par une deuxième proclamation et dont :
«Votre pacha va subir l'humiliant châtiment qui l'attend...Je vous garantis que votre pays restera dans l'état ou il se trouve...Je vous garantis et vous fais la promesse solennelle et inaltérable que vos mosquées grandes et petites ne cesseront d'être fréquentées, et plus encore...que personne n'apportera d'empêchement aux choses de votre religion et de votre culte.
Hâtez vous de saisir l'occasion. Ne soyez pas aveugles à l'éclat lumineux de la délivrance. Musulmans, ces paroles viennent d'une entière amitié et de sentiments pacifiques. Si vous préférez résister et combattre, sachez que tout le mal qui en résultera viendra de votre fait. Le Seigneur inflige les plus rigoureux châtiments à ceux qui commettent le mal. Si vous vous opposez à nous, vous périrez tous jusqu'au dernier. C'est un conseil bienveillant.
Personne ne pourra détourner de vous la destruction si vous ne tenez pas compte de nos menaces. C'est un arrêt du destin, et l'arrêt du destin doit finalement s'accomplir».
Enfin une troisième proclamation est imprimée le 5 juin 1830, caressant les algériens dans le sens du poil et visant surtout le ralliement des tribus.
Elle devait être affichée dans Alger après sa conquête.
«Je vous assure sur mon honneur que j'exécuterai fidèlement toutes mes promesses.Votre Pacha a encouru son châtiment...Je prends devant vous d'une manière solennelle l'engagement et vous promets d'une manière irrévocable et sans équivoque que vos mosquées, vos chapelles seront respectées, que votre culte sera toujours exercé librement, comme auparavant. Envoyez nous vos parlementaires.
Nous nous entendrons avec eux. Nous prions Dieu pour vivre en accord avec vous ...Si vous voulez nous tenir tête , vous vous exposerez à des dangers incalculables .Ne vous exposez pas à notre fureur. Sachez, Seigneurs et amis , que le langage que je tiens est la pure vérité .C'est une promesse solennelle et irrévocable».
A ces trois déclarations mentionnées en pages 75 et 76 de son livre Pierre Péan ajoute en page 77 son commentaire : «Les Algériens prirent ces proclamations au pied de la lettre alors qu'elles n'étaient que ruses de guerre. Comment pouvaient ils supposer une telle félonie chez une «nation connue pour être magnanime et équitable», comme l'écrivait trois ans après les faits l'Algérien Hamdane Khodja ' Nous verrons plus tard comment ces manipulations pesèrent gravement sur les relations entre la France et les Algériens et rendirent difficiles, voire impossibles les tentatives ultérieures de dialogue».
La rivalité traditionnelle franco-anglaise n'explique pas tout.
Expansion, domination, cruautés innombrables incarnées par des hommes tels que Bugeaud (homme corrompu selon des historiens français) ,Pelissier, Montagnac, Saint-Arnaud génocidaires sans ame ni conscience, tristement célèbres par les enfumades, ancêtres des fours crématoires nazis.
Chez les hommes d'Etat qui prônaient la colonisation à outrance il y avait toujours deux personnages en eux dont celui de la figure patriotique, cocardière.
Leur langage était pompeux, emphatique, grandiloquent et prisé par des foules assoupies, manipulées, menées sur les champs de bataille comme des moutons a l'abattoir, prêtes chaque fois à recommencer en dépit des dures leçons de l'histoire. Ou alors y avait il une partie agressive déterminante enfouie au fond de tout un chacun '!. La réponse affirmative ne fait aucun doute.
Il y a l'autre figure, celle de l'être humain, de l'individu au visage commun à tous les hommes.
Mais la différence c'est qu'il est caché par un masque de grande qualité.
L'histoire a mis bas tous les masques de ce type, mais les hommes sont incorrigibles, puisque toujours prêts à recommencer les mêmes erreurs, enfanter les mêmes mythes dont certains sont désastreux pour les peuples chez qui ils naissent puis pour l'humanité entière .Je pense à cette citation d'un grand homme : «La seule chose que j'ai apprise de l'histoire, c'est que les hommes n'ont rien appris de l'histoire»
Le mythe et l'homme sont généralement inséparables.
Certaines de leurs manifestations sont significatives relativement au personnage, à ses actions historiques.
L'histoire de l'humanité est jonchée de beaucoup trop de cadavres qui ont servi de piédestal, y compris ceux originaires des peuples de ces hommes pour édifier des monuments à la gloire de tous «ces grands noms» qui sont tachés de sang et qui évoquent tant de cruautés et de souffrances.
A suivre