Algérie

Le temps du pouvoir et le pouvoir du temps en Algérie



1ère partie
Mardi 4 juin 1936, il est presque 16 Heures, un garçon vient de naître par un après midi où la chaleur accablante, typique des hauts plateaux algériens règne depuis plusieurs jours pour annoncer l'été torride qui arrive à grands pas.
La sage femme de ce gros bourg de Ras el Ma appelé Bedeau par les français, qui, en femme d'expérience accouchait les femmes du village se précipita pour annoncer la nouvelle a Aissa, l'heureux père, un homme de 36 ans, alerte et vigoureux.
Il s'empressa de manifester son soulagement et sa joie qui firent place à l'anxiété qu'un tel évènement engendre.
Certes, si les douleurs physiques furent pour la mère, les angoisses tenaillaient encore Aissa. Il rendit doublement grâce à Dieu en apprenant que son troisième héritier était un garçon bien portant qui faisait déjà entendre sa voix, mais aussi pour le fait que son épouse KHADOUDJA était sauve.
Depuis le déclenchement des signes précurseurs et premières douleurs, Aissa était hanté par le souvenir tragique et douloureux de la mort de sa s?ur aînée FATIMA lors d'un accouchement difficile.
En père d'abord, mais surtout en homme sensible il s'isola un instant pour prier mais aussi pour éprouver au plus profond de lui-même tout ce qu'il ressentait en cet instant.
Même s'il était père pour la troisième fois, un tel événement comportait des résonances d'une grande intensité, comme tout père peut en éprouver en un tel moment.
C'est tout son être qui se sentait interpellé. Le continuateur de l'espèce, maillon d'une longue chaîne venait d'en ajouter un autre.
Le contenu complexe du rapport homme/ nature se manifestait en lui.
L'aspect transcendant de la vie préoccupa vivement son esprit.
Il s'efforça de répondre clairement aux questions qu'il se posait mais dont la réponse était ardue. En homme croyant et logique il fit la part des choses.
Mais son âme vibrait comme pour renforcer tout ce qu'il ressentait d'essentiel dans la vie d'un homme, d'un père.
Il s'évertua à marquer un temps d'arrêt pour mettre sur le compte de l'émotion certaine qui était la sienne l'état dans lequel il se trouvait.
Il lui apparut clairement que l'émotion réelle qui était la sienne n'expliquait pas sa réaction qui s'ajoutait encore à toutes les interrogations qui l'assaillaient sur la vie ,ce couloir a deux portes, la naissance ,la mort donc sur toute l'existence.
Il se remémora vite la réponse à celle pourtant non négligeable qui définit la vie comme étant le résultat du jeu des organes concourant au développement et à la conservation du sujet ,ou encore celle qui a trait à l'espace du temps qui s'écoule depuis la naissance jusqu'à la mort.
Alors qu'il se trouvait dans une sorte d'état second où tout bouillonnait dans son esprit, son isolement fut interrompu par les youyous, ces cris de joie stridents des femmes qui fusaient vers le ciel bleu et limpide sous un soleil encore brûlant à cette heure.
Il reçut les félicitations de toutes les personnes présentes qui partagèrent sincèrement, spontanément, les joies qui peuvent naître dans une vie communautaire inconnue de ceux qui vivent leurs individualismes si contagieux au point d'être traumatisants dès lors qu'ils sont sa graine et son fruit amer.
Pendant ce temps là, le petit bonhomme , à l'intérieur de la chambre fut présenté à sa mère, laquelle en dépit de son épuisement, ouvrit ses grands yeux qui malgré les cernes restaient tellement expressifs et si beaux.
Un éclair de joie les traversa, puis un premier sourire chargé de tendresse et d'amour vint couver celui qu'elle décidât de prénommer Bachir alors que son père voulait l'appeler Mohamed.
Ils finirent par lui donner les 2 prénoms, ce dont Mohamed Bachir était bien loin de se préoccuper en cet instant.
Un deuxième sourire, celui là, chargé de reconnaissance fut adressé à la sage femme et aussi aux autres femmes qui l'assistaient.
Halima la servante noire, grande comme une perche et toute effilée voulait être la première à se saisir du bébé.
La crainte de la voir commettre une de ses maladresses dont elle était coutumière inspira les mises en garde qui lui furent prodiguées à profusion. Elle y était sourde. Elle n'avait qu'une seule envie, prendre le bébé, ce qu'elle fit avec une joie sincère et réelle comme on peut en rencontrer souvent chez les gens humbles et simples.
Après tout elle se sentait, elle aussi comme un membre de la famille et jamais personne n'avait songé à lui en faire grief, surtout pas en une telle occasion.
Elle voulait manifester sa joie , elle aussi , par des youyous qui n'étaient pas des plus heureux à entendre à cause de sa voix au timbre faussé par le sable du pays et à son manque de souffle manifeste.
Zaza la grande tante instinctivement grimaçait au moment où HALIMA donnait de la voix, ce qui mettait les rides de son visage un peu plus en évidence.
Les autres femmes s'affairaient à ranger et ordonner la chambre pendant que la sage femme donnait les derniers soins.
La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre.
Les parents et amis de Aissa vinrent le féliciter en attendant la grande réunion traditionnelle pour fêter l'heureux événement, celui de ma naissance, le premier jour de ma vie !
Il en fut de même pour les femmes.Parentes et amies s'empressèrent de rivaliser en attentions délicates jusqu'au jour où elles se réunirent pour honorer la mère, son héritier et toute la famille.
Les coutumes, les traditions s'exprimèrent avec tout ce qu'elles avaient de bien et de mieux en de telles circonstances. Leur nombre importait tellement peu.
Il y avait place pour tous.
Le plaisir de se retrouver, d'être ensemble était si spontané, si naturel, si fort qu'on pouvait le respirer dans l'air des cérémonies qui se déroulèrent le 7ème jour de ma naissance.
A suivre


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