Algérie

Le temps des prédateurs...



Le temps des prédateurs...
La Présidence ne veut pas donner suite à la demande d'audience formulée par le groupe des 19 qui a perdu en cours de route trois de ses signataires. Trois membres, après s'être en toute conscience engagés dans ce qu'il est convenu d'appeler une «initiative citoyenne», se sont donc résolus à quitter la barque en restant très vagues sur la raison de leur désistement, bien qu'ils aient parfaitement le droit de le faire. Cela a néanmoins été suffisant pour entendre dire, dans les cercles politiques ou dans la rue, que leur décision n'est pas innocente et qu'ils ont dû forcément subir des pressions pour se retirer. Sinon pourquoi ce changement brutal qui vire à un comportement d'abandon, voire de lâcheté au moment où la délégation qui a demandé à rencontrer Bouteflika avait besoin d'un maximum de solidarité et de soutien 'On imagine que l'entourage du Président ? qui a d'entrée de jeu violemment stigmatisé cette démarche, employant toute la panoplie de la surenchère politicienne pour la discréditer ? a cru trouver la bonne stratégie pour affaiblir le groupe en tentant de le miner de l'intérieur, d'affaiblir son potentiel pour le rendre vulnérable.Ainsi, en dressant une double ceinture de sécurité autour du Président pour lui éviter tout contact qui pourrait donner matière à interprétation politique, ou tout simplement révéler des choses devant être gardées secrètes, sa garde rapprochée espérait tuer dans l'?uf l'esprit même de cette action partagée par les membres restants, et donc de la désintégrer avant qu'elle ne prenne une autre allure, voire une autre dimension alors qu'elle avait un objectif précis : communiquer de vive voix avec le premier magistrat sur les appréhensions des algériens.Le calcul était cynique, mais avait peu de chance d'aboutir face à des personnalitéspolitiques ou citoyennes, résolues à mener leur mission jusqu'au bout. En effet, face à une délégation où figurent des militants historiques insensibles aux pressions, rompus à l'évidence aux coups tordus et aux manipulations, la tâche d'avorter l'initiative devenait compliquée.D'autant que l'entreprise ? qui se gardait d'être une contestation politique ou un acte d'opposition non assumé ? a été rendue publique pour prendre à témoin les Algériens qui partagent les mêmes inquiétudes sur la situation du pays et se posent désormais des questions ouvertes sur les capacités physiques et intellectuelles du Président à assumer les lourdes charges qui lui incombent dans la direction de l'Etat.Il ne sert à rien de revenir en détail sur le contenu de la lettre adressée par le groupe des 19 au président de la République. Devant le blocage des institutions et la montée en puissance d'une oligarchie qui s'incruste sans aucune gêne et en toute impunité dans la gestion des affaires du pays, c'est carrément un pouvoir parallèle qui est suspecté d'exister et de prospérer à l'ombre de l'impotence qui affecte ce dernier, de plus en plus avérée mais dissimulée par un entourage qui veille au grain et qui a évidemment ses propres raisons d'agir de la sorte. Une chose est sûre : si l'action du groupe a, par son originalité, fait l'actualité depuis son déclenchement, elle a surtout réussi là où on ne l'attendait pas, autrement dit à ébranler sérieusement les travées du pouvoir où pullulent les farouches défenseurs de l'opacité. En se posant en interface pour la protection du système sans qu'ils aient le statut officiel de le faire, les chefs des deux partis majoritaires à l'Assemblée ont sans le vouloir confirmé, d'une certaine façon, que les suspicions des signataires de la lettre destinée à Bouteflika sont légitimes et donc bien réelles.Qui a mandaté Saadani et Ouyahia pour répondre et interdire de facto toute suite favorable à leur démarche ' En qualité de quoi ont-ils pris la liberté d'attaquer violemment une initiative qui exigeait simplement de la clarté dans le mode de gouvernance actuelle ' En résumé, que signifie cette réaction foncièrement défensive des hommes forts du régime, visiblement pris de court par le sujet sur lequel ils n'avaient aucune justification plausible 'Selon les observateurs avertis qui ont accueilli de manière plutôt positive le geste des compagnons de Zohra Drif-Bitat, contrairement à certains partis de l'opposition qui ont vu dans cette démarche une man?uvre grossière de recyclage dans le système ?allusion faite surement à la présence de Khalida Toumi dans le groupe, qui a paru surréaliste et velléitaire compte tenu de ses accointances passées avec le régime ? cette offensive citoyenne pour forcer le pouvoir à se découvrir démontre que de plus en plus la société algérienne refuse le diktat qu'on veut lui imposer et réclame fortement plus de transparence entre les gouvernants et les gouvernés.A travers l'initiative des 19 ? c'est le chiffre symbolique qu'on garde ? c'est le refus du mensonge érigé en raison d'Etat que les Algériens tiennent à exprimer. La société algérienne bouge, le monde bouge? mais notre sérail reste profondément ancré sur sa culture de l'opacité qui lui permet de délivrer ses propres vérités en ne tenant aucunement compte des aspirations populaires. Mais les temps ont changé et les citoyens ne veulent plus rester des sujets inactifs dans une société où ils se sentent exclus.Finalement, le côté le plus méritoire de cette histoire d'audience ratée avec le Président est, d'une part, la confirmation que ce dernier est, comme l'a dit Louisa Hanoune, «pris en otage» par un cercle occulte qui veut décider à sa place ; d'autre part, la mise à nu d'une politique soutenue de non-transparence prouvant que l'Algérie ne dispose pas encore d'un vrai projet de société démocratique. Dans le cafouillis du système, toutes les dérives sont permises? à l'image des sorties insensées et dangereuses du patron de FLN, qui se croit tout permis dans un pays livré aux prédateurs.




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