Dans le temps, l'on se berçait aux douceurs du temps des cerises. On le fait, aujourd'hui autrement, car le temps est au temps des oignons. Nous pivotons dans une corbeille à moitié pleine le long des étals inabordables. Si un légume ordinaire court et jette ses fantasmes et fait soupirer la ménagère, l'autre sourit en faisant pleurer. Ainsi, c'est au tour de ces cageots d'observer le regard passif des clients et semblent les prendre en toute dérision. L'?il ne tombe à priori que sur le chiffre d'un écriteau avant de ne s'évaporer dans le tracas des autres produits. L'on ne regarde plus ni la qualité, ni la fraîcheur tant celles-ci sont en flammes, tant leur abord reste otage de combien ça coûte. Parfois, l'on ne pose plus de telles questions, l'on passe et parfois l'on repasse tout en zyeutant ou un fruit défendu ou un légume anobli. La banane qui se suspend en l'air et qui tente d'assurer un écart dans son envol, à tout autre fruit qui aurait frôlé un certain égalitarisme bien orchestré par un oignon devenu, en ces temps acides un monarque intouchable. Le problème n'est ni une question de semence ni une autre de rareté. Tout simplement, une affaire de spéculation. L'avidité a gagné sans raison le c?ur de l'on ne sait qui, du producteur, du grossiste ou du détaillant ' Il y a aussi ce parasite du circuit commercial qu'est l'entrepositaire, le stockeur ou le proprio de chambres froides clandestines. La justice est à saluer pour les lourdes peines infligées. Encore que ça reste apparemment peu dissuasif. Que faire face à cet oignon qui pue et que la saveur de la marmite désire ardemment ' Elle peut s'en passer des cuisses de poulet ou du jarret de b?uf car un cube de Jambo en donne du goût, mais de cet oignon-là, le zapper devient un casse-tête de potager, une problématique de haute complexité culinaire. La folie s'est emparée de tout. Pourvu qu'elle n'atteigne pas la mie du pain ou la poudre de lait. Le marché n'est plus un espace de satisfaction facile de tout besoin vital. Il est devenu pour beaucoup, presque un abattoir, un autel de sacrifice où l'on y va juste pour un scalpel ou un dépeçage obligatoire dans un sens et volontaire dans l'autre. Les gens ont peur de ce marché incendiaire, de ces emplettes déchirant davantage les poches trouées et vidant de jour en jour celles qui résistent encore. Est-ce cela la loi implacable de l'offre et de la demande ' Est-ce cela le concept d'un Etat social ' Est-ce cela l'harmonie théorique salaire/prix ' Est-ce cela la vertu de religieux qui prônent aux premiers rangs gratitude et mansuétude ' Est-ce cela une société d'entraide. De ce temps-là, on en est assez loin où l'oignon ne faisait pleurer que des femmes en cuisine. Il le fait maintenant pour les hommes et les femmes. Il trône aux hauteurs de l'indispensable et se pavane dans les caissons du luxe. C'est l'ère où le gâteau n'a plus besoin d'une cerise mais d'un pauvre et orgueilleux oignon. Heureusement que c'est cyclique, l'on a bien connu de telles situations et tout s'arrangera lorsque chacun n'aura qu'à s'occuper de ses oignons.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 25/04/2023
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com