Algérie

Le temps de la rupture



Le temps de la rupture
Trois semaines après le départ précipité de Blaise Compaoré, établi depuis au Maroc, le compte à rebours a commencé pour le Président intérimaire, Michel Kafando, officiellement investi, le vendredi 21 novembre, lors d'une cérémonie marquée par la présence de personnalités coutumières et religieuses, des leaders politiques, de présidents d'institutions, des membres de la société civile, des responsables dans la hiérarchie militaire, des représentants du corps diplomatique et des chefs d'Etat des pays limitrophes (Mali, Niger, Bénin, Sénégal, Nigeria et Togo). La transmission pacifique du pouvoir, répondant aux exigences de la société burkinabè, de l'opposition et de la communauté internationale redoutant la « confiscation du pouvoir » par les militaires, scelle le compromis qui conforte le rôle prédominant de l'armée présente au plus haut niveau de l'Etat, en la personne du nouveau Premier ministre, le lieutenant-colonel Yacouba Issac Zida, tenu de présenter dans la soirée d'hier, un gouvernement dont il reconnaît « la lourde tâche ». La nécessaire cohabitation, perçue par le président de la Cédéao comme « un beau jour qui marque la fin d'une période d'incertitude », suscite encore des inquiétudes clairement exprimées par le président en exercice de l'Union africaine. Le chef de l'Etat mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, a mis en garde contre « toute tentation susceptible de remettre en cause la transition ». Mais l'après-Compaoré signe inéluctablement la rupture avec les dérives d'un régime marqué par l'injustice, la gabegie et la corruption, violemment dénoncées dans le discours d'investiture aux relents « sankaristes ». Les promesses du président intérimaire valident un message tourné vers la réconciliation tributaire de la manifestation de la vérité, une nouvelle gouvernance à fondement moral et éthique et la concrétisation des attentes populaires pour le changement. L'effet d'annonce tonitruant a pris la forme des investigations menées pour identifier le corps de Thomas Sankara, le « Che africain », tué lors du putsch qui porta au pouvoir Blaise Compaoré, en 1987. « Nous réglerons bientôt nos comptes », a lancé Michel Kafando déterminé à restaurer « la morale à la première place dans l'exercice du pouvoir ». Mais, pour l'heure, les chantiers du gouvernement sont lancés pour consolider l'édifice institutionnel fondé sur une répartition équilibrée des responsabilités entre les différents acteurs politiques. « Il reste quelques petits réglages, mais les choses avancent », a conclu un proche du nouveau Premier ministre, perdant en conséquence son poste de ministre de la Défense. Pour l'essentiel, tous les membres du nouveau gouvernement ne sont pas éligibles à la présidentielle, en vertu des dispositions de la charte de transition. Sur les 25 portefeuilles, l'opposition (8 à 9 postes) et la société civile (5 à 6) se taillent la part du lion. Les 11 ministres restant, dont 5 (Défense, Economie, Finances, Affaires sociales et Mines), seront désignés par le Président et le Premier ministre. Dans cette architecture voulue consensuelle, la transition sera nécessairement à l'épreuve du changement démocratique incontournable.




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