Algérie

Le temps de l'unanimisme



Le temps de l'unanimisme
Il n'y a pas que la perspective de la chute du pouvoir d'achat qui inquiète les Algériens. Le retour à l'unanimisme, doublé d'un mouvement d'allégeance totale, est un syndrome qui n'augure pas d'horions politiques rassurants. Même en temps de crise, la liberté de penser, de proposer et d'agir est une valeur sûre et un gage de réussite, tandis que la démagogie et la langue de bois constituent un début d'échec, annonciateur du naufrage.Alors que la situation est officiellement «préoccupante», le Premier ministre décrétait, mercredi dernier, que «la politique éclairée du chef de l'Etat a permis de trouver une sortie à l'impasse financière qu'a connue le pays et préserver la justice sociale et la solidarité nationale». Une proclamation sujette à caution, car, dans l'esprit des Algériens, il y a eu plus de prédation que de justice sociale et de paupérisation que de solidarité nationale. De plus, il était entendu qu'il fallait s'affranchir du déni de la réalité et se persuader que l'on est à l'entame de la crise financière et non à son épilogue.
Si le discours s'inscrit à rebours des réalités, la démarche risque d'être problématique, sinon calamiteuse. Il est pareillement contreproductif et vain d'entretenir l'illusion et l'artifice d'une supposée coalition gouvernementale ou d'alliance présidentielle dans un système politique reposant sur des appareils exclusivement soumis aux injonctions. En déclarant, à l'issue de la réunion entre le gouvernement et sa «base politique», que le débat allait se poursuivre au niveau des groupes parlementaires, l'exaspération s'ajoute à l'inquiétude au sein de l'opinion publique. Le débat n'a jamais été politique dans les rangs de la majorité au Parlement et il ne peut pas le devenir à la faveur de la crise. Les décisions sont déjà prises et elles seront entérinées. Un débat factice pour occuper une galerie accablée par la peur des lendemains qui déchantent n'est pas recommandé à l'heure des rééquilibrages décisifs des modes de gestion. L'avis de l'opposition politique est, comme de tradition, accessoire pour le pouvoir. Le «non» de l'opposition est une sorte de «oui» pour le gouvernement et la défiance est perçue comme un soutien. «C'est normal», a commenté Ouyahia.
C'est parce que le contexte national est totalement normalisé que les organisations patronales peuvent se réunir au siège de la centrale syndicale et produire une déclaration complètement décalée, jurant «l'estime, l'attachement et la fidélité» au Président. Un concert de louanges pour conjurer la crise. Si les patrons produisaient des richesses, le syndicat défendait les travailleurs et le gouvernement s'attachait à la bonne gouvernance et non à la conduite des élections, la crise ne serait jamais survenue dans un pays comme l'Algérie.
Le seul débat autorisé dans cet unanimisme national a trait à la formule d'introduction dans les manuels d'arithmétique ou de mathématiques. Le syndicat des zaouïas s'attaque vertement à l'Association des oulémas et le Haut-conseil islamique (HCI) réclame d'être consulté lors de l'élaboration des prochains manuels scolaires. L'intégrisme islamiste a été vaincu dans les maquis et les casemates, il ressurgit dans le temple de la République, le système éducatif.


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