Algérie

Le temps de l'oubli



Notre pays semble être fâché avec son Histoire, écrite pourtant douloureusement avec le sang d'un million et demi de martyrs et avec le sacrifice et la souffrance du peuple algérien. Il est bien loin l'engagement des années 70 quant à la commémoration de l'indépendance de l'Algérie. Les blessures et la mémoire encore fraîches évoquaient la très longue nuit coloniale ainsi que la mobilisation des Algériens, à travers la lutte armée, pour briser le joug qui les enchaînait au mépris et à l'injustice. Le souvenir et l'émotion étaient à fleur de peau, il ne pouvait y avoir d'anniversaire sans une célébration officielle digne des immenses sacrifices consentis et des affres subis par les populations, et sans un nombre respectable de documentaires, de films et d'ouvrages. Aujourd'hui, il n'en est rien. C'est à croire que l'on veut occulter un évènement aussi important que le cinquantenaire de notre Indépendance, chèrement payée. Que signifie ce silence et cette absence d'entreprise en termes de productions (audiovisuelles et autres) et de rencontres (séminaires, colloques, tables rondes?) qui devraient marquer cette occasion ' On s'excuserait presque d'évoquer le «sujet» du bout des lèvres. De là à afficher une volonté d'organiser des festivités officielles et des commémorations à travers le pays, c'est un pas qui ne doit vraisemblablement pas être franchi. Il est surprenant de constater la même froideur au niveau des médias «lourds» (le qualificatif n'a pas lieu d'être). L'Entv ne cesse d'amoindrir sa crédibilité tout en continuant son petit bonhomme de chemin (aride), des ?illères en guise de boussole, ne s'émouvant de rien. Un accord tacite semble lier toutes les parties qui devraient être déjà engagées dans de grandes réalisations pour la célébration du cinquantenaire, de la même envergure que l'évènement qui a marqué l'année 2011, «Tlemcen capitale de la culture islamique». Le demi-siècle écoulé depuis le recouvrement de notre liberté ne doit pas nous éloigner de la tragédie vécue par notre peuple, des enfumades, des massacres, des bombardements au napalm et de tous les crimes commis par la France coloniale. Des crimes contre l'humanité restés impunis et qui n'ont pas suscité une demande d'excuses. Il (le demi-siècle) doit être celui du souvenir et non celui de l'oubli. Il est permis de croire que c'est le second (l'oubli) qui est privilégié. Nos martyrs sont à peine évoqués, presque avec de la gêne, quand il faut commémorer l'anniversaire de leur mort durant la guerre pour la liberté, à l'image de Larbi Ben M'hidi dont on a escamoté l'hommage. Le recueillement sur sa tombe est en effet passé inaperçu. A défaut de productions nationales, les Algériens auront, dès la semaine prochaine, les yeux rivés sur les chaînes françaises qui ont mis le paquet cette année pour évoquer «la guerre d'Algérie». A travers des documentaires, des émissions et des débats (de nombreux ouvrages et magazines y seront également consacrés ainsi qu'un numéro spécial du journal Le Monde), nos téléspectateurs pourront suivre une lecture française (objective ou subjective, cela reste à découvrir) de la guerre qui a conduit notre pays vers l'indépendance. Pendant ce temps, chez nous, motus et bouche cousue.R. M.


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