Le témoin d'une époque

L'écrivain revient cette fois-ci avec un journal intime. « Chant d'angoisse et de colère » vient de paraître aux éditions Dalimen. Commissaire aux comptes de profession, l'enfant de Tizi Ouzou a depuis longtemps fait de la littérature sa passion. Pour ce cinquième ouvrage, qui s'étale de 1971 à 2001, l'auteur a tenu à ce qu'il soit édité en trois tomes et non pas en un seul. « Cela aurait fait, autrement, une sorte d'encyclopédie de 1.000 pages. Mais comme les manuscrits étaient fin prêts, je ne voulais pas retarder leur publication », nous dira l'auteur. Par des notes prises au quotidien, alternant tous les aspects liés à la vie familiale, au point de prendre parfois les allures d'un journal intime, régionale ou nationale, l'auteur nous replonge dans l'histoire de l'Algérie avec ses hauts et ses bas. 30 années de l'histoire de l'Algérie contemporaine défilent, nous permettant de se remémorer des faits oubliés ou ayant marqué la mémoire de toute une génération. « Le journal a été entamé il y a plus de 30 ans, durant lesquels, j'ai écrivais au jour le jour, tout ce qui se passait dans ma région, autour de moi et en Algérie », nous confie l'auteur. Une longue période au cours de la quelle Mohamed Attaf ratissait large et allait chercher la moindre information, le moindre événement qui avait marqué la journée. « Je raconte tous les événements, politiques, économiques, sociaux, culturels et sportifs, information générale. Je ne laissais rien au hasard, tout était noté », soulignera, encore, l'auteur qui considère l'ouvrage comme une vitrine de l'histoire contemporaine de l'Algérie.Mémoire vivaceCeux qui ont connu et vécu les événements relatés s'identifieront ou replongeront sans se rendre compte dans cette période. Elle fut angoissante et stressante, mais aussi pleine de joie et de bonheur. L'Algérien, empêché, certes, de s'exprimer, a vécu avec enthousiasme l'ouverture du champ médiatique, le pluralisme politique, la liberté d'expression. L'équipe nationale de football et tous ses titres régionaux et internationaux, comme cette médaille d'or aux JM d'Alger, et la victoire face à l'ogre allemand ou encore la CAN de 1990 et les exploits de Morceli et de Boulmerka aux JO ont été des moments inoubliables . « J'ai abordé tous les événements ayant marqué le pays, avec ces pénuries de tout, les événements d'avril 1980, ceux d'octobre 1988, l'ouverture du pays sur la démocratie et la liberté d'expression mais aussi cette décennie noire qui a ensanglanté et endeuillé le pays », nous dit M. Attaf. « J'ai consacré tout le troisième tome à la décennie noire », ajoute-t-il. L'auteur considère son « nouveau-né » davantage comme un journal intime qu'un récit. On y trouve aussi des passages de sa vie privée et de celle de ses amis et proches « . Mohamed Attaf se considère, à travers cette dernière œuvre, comme « un témoin de l'époque, de son époque ». Sa démarche est classique. « Je racontais les faits qui se déroulaient. Presque tous les soirs, je prenais mon cahier et j'écrivais ce qui se passait dans la journée. » Le recours à un journal est intéressant. « Il nous permet d'observer une jeune nation, vivre ses joies et ses angoisses, ses réussites et ses erreurs, partager ses désirs, son mal de vivre et ses révoltes », souligne M. Attaf. « C'est aussi, pour lui, inscrire le présent dans le futur pour en faire un pan de l'histoire d'un passé que nul n'a le droit d'occulter ou d'oublier. » C'est un devoir que de « coucher » sur une feuille blanche les péripéties et les pérégrinations d'une nation. Mieux, il estime aussi que « son œuvre peut aussi faire office d'une encyclopédie ». Le livre retrace, en effet, le patrimoine historique des trois décennies, les plus mémorables et les plus décisives pour le destin de l'Algérie. C'est comme un dictionnaire multifonction ou encore un document de recherche, « tant les sujets authentiques sont par milliers », dit-il. Les trois tomes de ce livre paraîtront pour beaucoup long et fastidieux. Pourtant, mais dès que l'on plonge dedans et ne s'arrache plus à ce miroir qui reflète une part de nous même.