Algérie

"Le taux de chômage pourrait atteindre 15%"



Daoud Sidhoum, enseignant à l'université d'Alger, revient dans cet entretien accordé à L'Expression, sur la politique d'emploi du gouvernement et le taux de chômage qui a pris une tendance à la hausse depuis une année.L'Expression: Quelle lecture faites-vous des données de l'Office national des statistiques sur le marché de l'emploi en Algérie'Sidhoum Daoud: Les créations d'emploi en Algérie ont nettement ralenti ces derniers temps suite à la chute vertigineuse des cours du pétrole sur le marché international. Cette situation a imposé au gouvernement un plan d'austérité qui oblige la Fonction publique, qui demeure le plus important recruteur en Algérie, de réduire d'une manière drastique les embauches. On peut dire que le marché de l'emploi est la première victime de la conjoncture économique actuelle. En un an le taux de chômage est passé de 9,8% à 11,20%. Cette tendance à la hausse du taux de chômage se poursuivra dans les années à venir et pourrait même atteindre 15% dans deux ans. Les voyants sont au rouge, la situation risque de s'aggraver davantage si le gouvernement maintient cette politique. On a aujourd'hui plus de 4,5 millions d'employés dans la précarité (ne sont pas déclarés à la sécurité sociale), on ajoute, à cela, les 1,5 million de postes d'emplois créés dans le cadre des programmes Anem, Cnac, Ansej, avec des CDD dont la durée est fixée dans le temps, qu'on peut considérer comme des postes en voie de disparition et les 250.000 diplômés qui quittent les bancs de l'université chaque année qui attendent. Qui est-ce qui va assurer l'insertion de tout ce monde dans le marché du travail' La situation est vraiment inquiétante. Le nombre de personnes ne trouvant pas d'emploi à plein temps est toujours élevé depuis plus de deux ans comme le confirme l'affluence qu'a connue le concours de recrutement dans le secteur de l'éducation avec plus d'un million de concurrents pour 28.000 postes d'emploi, pour dire que ceux qui cherchent activement un emploi sont en constante augmentation.Le ministère du Travail avait justifié récemment la hausse du taux de chômage par le refus des jeunes de travailler. Etes-vous d'accord avec cette lecture'Effectivement, les jeunes refusent de travailler, mais il faut se poser des questions: les conditions de travail sont-elles améliorées' Les employés sont-ils déclarés à la sécurité sociale' la réponse est par la négation. Ces jeunes refusent de travailler dans la précarité, de mettre leur vie en danger pour des salaires minimes et dans des conditions de travail lamentables. Ni sécurité sociale ni sécurité sur les lieux de travail, etc. Au lieu d'accuser les jeunes, il faut d'abord que le ministère du Travail assume et admette son échec dans la régulation du marché de l'emploi et la préservation des droits des travailleurs, notamment dans les secteurs du bâtiment et de l'agriculture boudés par les jeunes chercheurs d'emploi, et souffre d'un déficit de plus de 1,2 million de postes. Si l'Etat arrive à résoudre cette problématique, il pourra, à la fois, absorber le taux de chômage et remplir les caisses de la sécurité sociale en déficit. Il faut que le ministère du Travail frappe avec la force de la loi pour imposer aux employeurs le respect des droits des travailleurs, les commissions d'inspection du travail sombrent dans leur sommeil, le contrôle est absent. Dans le cas actuel, on ne peut parler d'un refus du travail, mais de refus de l'exploitation.La lutte contre le chômage est fixée comme l'une des priorités du gouvernement à travers l'encouragement de la création de petites et moyennes entreprises, mais à présent le taux de chômage a pris une tendance à la hausse cette année. Comment expliquez-vous cette situation'En dépit de toutes ces mesures dites importantes, par le gouvernement, prises dans le cadre de la lutte contre le chômage et les dispositifs de soutien à l'emploi, l'encouragement à la création de microentreprises, la politique nationale de sécurité sociale encourageant les employeurs à déclarer les travailleurs, la situation demeure dans la zone rouge, faute d'une vision claire, réfléchie. L'urgence est de revoir la politique d'emploi adoptée par le gouvernement.Certes, le pays est touché par une crise économique aiguë dont l'impact est visible sur le terrain, mais c'est une occasion d'entamer des réformes sérieuses permettant de sortir de cette dépendance de la rente des hydrocarbures et d'arriver à mettre en place une assise économique forte permettant la création de la richesse et d'emplois. Ces différents dispositifs et mécanismes n'ont pas réussi, non seulement, d'absorber le taux de chômage, mais ces entreprises sont devenues un fardeau sur le dos de l'Etat. 35% des PME créées dans le cadre de ces dispositifs sont en difficultés financières et 10% de PEM ont déclaré faillite. Le nombre de postes d'emploi créés dans le cadre de ces programmes est d'une moyenne de trois postes de travail par entreprise, ce qui est bien en-dessous des attentes du gouvernement, et des aspirations des jeunes.




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