Un des plus célèbres d'Algérie, le tapis de Babar continue d'être tissé par les femmes de la localité éponyme (30 km au sud de la ville de Khenchela) dans la pure tradition résistant au temps et aux risques de disparition liés surtout aux difficultés de commercialisation qui menacent ce savoir-faire séculaire intrinsèquement liée à l'identité culturelle de la région.A Babar, les femmes demeurent attachées à ce métier et ?uvrent à en faire la promotion ainsi qu'à transmettre à leur descendance les techniques, les outils et les petits secrets de cette activité ancestrale. Dans cette localité, chaque maison possède son propre tapis de cette «marque authentique» tissée par les femmes mêmes de la famille pendant que plusieurs autres villageoises font du tissage de ce tapis une activité qui leur procure des revenus d'appoint dans cette région rurale où peu d'opportunités économiques s'offrent à la femme.
Ici, les jeunes filles reçoivent de leurs mères l'art du tissage, du filage et de la teinture des fils, recourant à des produits 100 % naturels. Dans cette formation de la relève, les femmes babariennes semblent avoir réussi au regard des jeunes tisserandes présentes au 9e Salon du tapis, tenu en février dernier à la maison de la culture Ali-Souaï de Khenchela, ainsi qu'à l'exposition du printemps organisée depuis deux semaines au Centre des loisirs scientifiques du chef-lieu de wilaya.
Artisane de renom pour avoir remporté le Prix national de l'artisanat traditionnel pour deux années de suite (2012 et 2014) outre sa contribution à la formation des jeunes filles, Nacira Chenouf exprime toute sa fierté de cet héritage dont la renommée tient, assure-t-elle, du fait que toutes les phases de confection recourent exclusivement à des produits naturels et des procédés entièrement artisanaux. Selon elle, tout commence avec la sélection minutieuse de la laine qui doit être de «haute qualité» et d'une «malléabilité extrême». Vient ensuite la maîtrise de l'installation du métier à tisser et le bon usage du kerdach (la carde) pour peigner les fibres de laine et la khelala pour tasser les fils colorés harmonieusement. Il existe plusieurs variantes du tapis de Babar dont eddaraga, el-ogda et el-houli lesquelles de distinguent par leurs couleurs et dispositions des motifs, assure savamment Mme Nacira qui précise qu'eddaraga reflète ainsi la décence des gens des Nememcha puisque ce type de tapis sert à séparer l'espace réservé aux femmes de celui des hommes dans une même pièce.
Les motifs figurant sur ce tapis sont en rapport avec la vie sociale et la nature, note cette artisane qui cite ainsi el-kherebga qui renvoie à un type ancien de jeu de dames, el-mechref, un genre de bijoux féminin, et abad chams (tournesol).
L'idée superficielle que la teinture des fils de ce tapis recoure à des colorants synthétiques industriels est totalement erronée, assure encore Nacira Chenouf qui affirme que des colorants naturels extraits de certaines plantes dont le henné, la peau de grenades, de l'écorce de noyers, du safran et des feuilles d'eucalyptus servent à la teinture des fils de laine à Babar.
De son côté, le directeur du tourisme et de l'artisanat traditionnel de la wilaya, Zoubir Boukaabach, considère que la tapisserie traditionnelle lutte actuellement pour se perpétuer même si au cours de ces dernières années, ce métier a repris quelque vigueur à l'instar d'autres métiers artisanaux.
Cette tendance a été favorisée par les mécanismes d'appui de l'Etat destinés à encourager les artisans à lancer de micro-projets de préservation et de valorisation de ce patrimoine et à faciliter la commercialisation par la participation à certaines expositions dont celles de Berlin (Allemagne). Pour lutter contre la contrefaçon du tapis de Babar pratiquée par certains «faux artisans» et sa commercialisation dans des pays voisins, les services de la Direction du commerce en concertation avec la Chambre de l'artisanat traditionnel et des métiers (CAM) et des associations locales d'artisans, ?uvrent à parachever les procédures d'estampillage du produit patrimonial, a assuré en outre le directeur du commerce, Djamel Hazaoui.
Le tissage du tapis de Babar semble désormais ne plus être l'apanage des femmes de cette partie méridionale de la wilaya de Khenchela, assure Nasraoui Djenoudi, conseiller pénitentiaire à la prison de Babar qui affirme qu'un atelier de formation des détenus au tissage de ce tapis a été ouvert dans cette prison sous l'égide de l'Office national des travaux éducatifs et d'apprentissage (Ontea) relevant de la Direction générale de l'administration pénitentiaire.
Mue par le souci de préserver ce métier séculaire patrimonial et entrant dans le cadre de la politique de formation et insertion des détenus, cette initiative offre aux bénéficiaires de cet apprentissage et activité productive une assurance sociale globale et une rémunération à leurs efforts, a-t-il précisé.
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Posté Le : 02/05/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : R C
Source : www.lesoirdalgerie.com