Algérie - Tanezrouft

Le Tanezrouft, Une gehenne, relique d'un paradis



Le Tanezrouft, Une gehenne, relique d'un paradis

En 1809 on trouva 2000 cadavres de caravaniers et 1800 carcasses de chameaux appartenant à une caravane perdue dans le Tanezrouft.

Le plus grand danger, le plus terrifiant que pouvaient encourir les caravaniers du moyen âge, était de sombrer dans un naufrage en plein désert. La mort par la soif en était l'aboutissement irrémédiable.

Cette fin atroce tant redoutée devenait une vraie menace à l'approche du Tanezrouft région dont la limite est représentée par une ligne qui passe par Erg Echech au Nord-Est et le Tidikelt au Nord-Ouest.

Le Tanezrouft est borné au Sud-Ouest par l'Ahaggar et l'Adrar des Iforas tandis qu'au Mali, le Djouf, en est le prolongement Ouest.

Pendant la dernière période humide, un réseau hydrographique dont les oueds de Tamanrasset et d'Amekni, drainait ses eaux vers ce vaste territoire, formant un lac en plein Tanezrouft. Les reste d'animaux marins sont d'ailleurs assez nombreux dans les gisements néolithiques*.

L'ancien lac du Tanezrouft fait suite aux nombreux autres réservoirs hydriques du néolithique comme le lac Touat, alimenté par le fleuve Saoura, le lac Taoudéni et le lac Aouker au Mali, tous deux alimentés par la branche occidentale du fleuve Igharghar issu de l'Ahaggar etc. Le lac Tchad actuel est une relique de cette période.

La désertification du Sahara, au 3ième millénaire ne se fit pas ressentir de manière uniforme.

Ainsi le Tanezrouft fut touché plus durement que le Hoggar par exemple. Les facteurs tels que l'altitude ou la position géographique jouèrent un rôle essentiel dans cette différenciation.

Plus tard, après un dessèchement progressif, le Tanezrouft devint une véritable tombe à ciel ouvert pour des milliers de voyageurs égarés. Ainsi au 19 ième siècle une caravane de 2000 hommes, fut complètement anéantie.

Dans les années 80, grâce aux indications d'un guide, une équipe de la Télévision retrouva un petit groupe de combattants algériens qui s'était perdu à la fin des années cinquante.

Les hommes avaient gardé leurs postures pendant tout ce demi-siècle. Ils avaient encore leurs peaux et leurs chevelures, restées comme figées par le temps car l'activité microbienne est vraiment ralentie en raison de l'extrême aridité.

C'est pour toutes ces raisons que Tanezrouft fut à juste titre surnommé « le désert des déserts » et « le pays de la soif » !

Les caravaniers d'antan avaient foré des puits tout au long des nombreuses pistes traversant ce pays mais ils redoutaient toujours cette géhenne, relique d'un paradis perdu.

D'après Camps , Civilisations préhistoriques, 1974 p 221.


UNE DESERTIFICATION TOTALE

L'une de ces pistes conduisait et conduit toujours en remontant vers le nord à In Ziza, puis à Abalessa et Tit, carrefour essentiel de l'Ahaggar. A partir de là, on pouvait rejoindre de nombreux itinéraires de la Boutonnière du Hoggar, comme on pouvait se diriger vers le Tassili ou In Salah.

Pendant la période médiévale, la route des chameliers venant duTidikelt ou de Gourara, passaient par In Ziza, point d'eau inévitable et Tim Missao, permettant ainsi de rejoindre Tin Azzou Azzaoua.

La piste bifurquait brusquement vers le Sud-ouest de Tirek pour se diriger sur Tim Iaouine et terminer en terre malienne à Tassalit, autre grande porte du marché de l'or.

Tout cet entrelacement de pistes, un maillage qui se superpose évidemment au maillage hydrique comme il a été dit sur ce site, et qui entretient à son tour une couverture végétale en conséquence, a été pensé en fonction des difficultés naturelles. Le but évident était d'éviter un maximum d'espace à parcourir en terre Tanezroufi, là où l'eau et les pâturages sont indisponibles toute l'année.

Quand il le fallait, on n'hésitait pas à creuser des puits. Il restait cependant à résoudre les problèmes liés à la nourriture du bétail, les caravanes ne pouvant être chargées de fourrages et de marchandises à la fois. Cette contingence à été contournée par les grands détours des pistes caravanières, détours incompréhensibles de nos jours, si on ne se rend pas compte des changements climatiques qui ont affecté la région.

Certaines régions très riches en eau et en pâturage sont aujourd'hui sont totalement désertifiées.

Par ailleurs, il faut absolument garder à l'esprit aussi qu'une caravane est composée de plusieurs centaines, voire de quelques milliers d'hommes. C'est une petite armée en campagne dont il faut calculer tous les paramètres. Elle est assujettie aux difficultés de l'espace mais aussi à celles du temps. Sa vitesse est calculée mathématiquement au rythme du chameau.


LA REVANCHE DU DESERT

Au début du 20 ième siècle, les Français arrivèrent avec des engins motorisés ne souffrant pas des mêmes besoins que les caravanes de nos épiques chameliers.

La fatigue du "vaisseau du désert" fut assimilée à l'usure des pièces de rechange qu'on peut d'ailleurs stocker à satiété, le pâturage qui a demandé tant d'ingéniosité en matière de connaissance du terrain eut pour équivalent tant de litres d'essence, le regard puissant du maître et guide incontesté de la caravane a été remplacé par le "Manar", le puissant phare du Tanezrouft qui avait pour mission d'orienter la nuit, les voyageurs téméraires.

Bref, tout avait son équivalent en plus puissant, en plus fiable !

La piste tracée au scalpel sur le visage du monstre "tanezroufi" est triomphalement rectiligne. Elle ne souffrira aucune résistance, la technologie régnant en maître.

Sur la route on a même pris le soin de pourvoir les haltes en fûts d'essence pour véhicules et pour avions. Les fûts serviront plus tard à baliser la piste : Tous les 10 km, deux grands fûts entretiennent le regard du conducteur à cause du Fech-Fech. Il s'agit d'un sable mou qu'aucun véhicule au monde ne peut vaincre... sauf le chameau ! Cela peut coûter une panne de plusieurs jours en attente des secours ou tout simplement la vie !

La piste roulante qui envahit le Tanezrouft commençait dans la région de Reggane.

Après un parcours de 260 km sur un Reg d'une monotonie éprouvante, à 24° 28' de la latitude Nord et à O° 44' de longitude Est, le regard est enfin accroché par le poste Weygand. Hélas, ce poste ne risquera pas d'éveiller le lyrisme du voyageur, au contraire : le désert est endeuillé à cet endroit par de la ferraille inutile et des boîtes de conserves rouillées.

La piste semble matérialiser la désolation de ces espaces sinistrés. Plus loin, à environ 260 km, le poste Maurice de Cortier ne fait pas mieux pour égayer le Tanezrouft. Les Français débaptisèrent le poste Cortier au profil d'un nom plus approprié : Bidon 5. C'était en effet la cinquième balise posée sur la piste joignant Reggane à Tassalit.

Aménagé comme un port de sauvetage, parfaitement conçu pour accueillir des troupes d'urgences, Bidon 5 souffre de son passé contre nature dû à sa vanité. Rien n'a subsisté de sa grandeur technologique. Seule une antenne désarticulée est restée comme le témoin muet de la revanche du Tanezrouft, décidément invincible.

Après avoir parcouru une distance de 120 km environ, on arrive enfin à Bordj Badji Mokhtar. Il faut faire très attention au Fech-Fech qu'il faut contourner à certains endroits. Le bordj est un poste frontière où l'on doit accomplir toutes les formalités douanières.

La frontière malienne n'est plus très loin. Au-delà, à une centaine de km, on trouve

Tassalit, un bordj malien blotti au pied de l'Adrar des Iforas : la porte du Soudan occidental, le rêve des marins du désert est là dans son infinie simplicité.




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