Algérie

Le tamazight, juste un rappel!



Publié le 03.10.2024 dans le Quotidien l’Expression
Il n'est rien au monde d'aussi urgent que l'apprentissage d'une langue porteuse d'une longue histoire et d'une vaste mémoire.
Selon le ministère de l'Éducation nationale, le nombre d'élèves qui apprennent le tamaziht s'élève à cinq cent mille répartis sur une trentaine de wilayas.
Certes nous enregistrons un retard dans la réconciliation de tous les enfants de la nation avec leur langue, la plus ancestrale.
La constitution du pays est claire et juste. Elle a fait de tamazight une langue nationale et officielle au même titre que sa soeur la langue arabe.
L'enseignement de la langue amazighe dans l'école algérienne a débuté en 1995/1996, après une longue lutte identitaire farouche et noble.
Aujourd'hui, l'enseignement de cette langue n'est plus une question idéologique, elle est d'ordre historique et moral. Pour que nos martyrs, dans leurs tombes, jouissent d'un sommeil du juste, ils attendent de nous une généralisation sereine et réfléchie de l'enseignement de la langue de leurs ancêtres.
Depuis plus de treize siècles, La Kahina nous scrute! Dans sa sagesse, Mouloud Mammeri médite sur ce que nous faisons.
L'enseignement de la langue amazighe n'est pas une démarche politique uniquement mais civilisationnelle. Tous les Algériennes et les Algériens sont fiers de leur identité. Ils sont fiers de leur langue qu'ils reprennent petit à petit. Les Algériens ne veulent pas d'une amazighation à la manière de l'arabisation dans les années soixante-dix, mais ce qui est demandé: c'est de mettre les moyens nécessaires à la disposition des acteurs de l'enseignement de cette langue ; nombre suffisant d'enseignants, formations, livres et volonté centrale des décideurs politiques.
Apprendre le tamazight ne signifie en aucun cas faire barrage ou déclarer la guerre à la langue arabe, bien au contraire apprendre le tamazight c'est renforcer la fraternité linguistique fertile en Algérie moderne.
La langue arabe n'a rien à craindre, elle est bien adoptée, bien installée dans l'administration, dans l'école, dans la diplomatie, dans les medias, dans la religion. Le tamazight n'a pas à hésiter, l'avenir n'est qu'à deux pas. La généralisation de l'enseignement de tamazight renforce la pluralité et la cohabitation linguistique dans notre pays. La pluralité linguistique est une richesse pour la démocratie et pour renforcer l'énergie de l'imagination collective.
Le tamazight avance sur tous les fronts culturel, artistique, pédagogique et scientifique, difficilement mais sûrement.
Depuis la première rentrée scolaire 1995/1996 où l'Algérie a débuté l'enseignement de tamazight, beaucoup de choses ont été réalisées, et beaucoup d'autres attendent, en arrêt ou en panne. Mais les Algériennes et les Algériens n'ont pas le droit au pessimisme intellectuel ou politique. Chaque citoyen a sa part de responsabilité vis-à-vis de la place de la langue amazighe dans la société. Si la Constitution algérienne donne à la langue amazighe le statut de langue nationale et officielle, les partis politiques, de droite comme de gauche comme des islamistes, de leurs côtés ont oublié ou presque cette cause noble pour les martyrs de la révolution du premier novembre 54, les martyrs du printemps berbère d'avril 1980 et du printemps noir du juin 2001.
Il faut le mentionner et avec fierté: les écrivains et les artistes producteurs dans cette langue ont donné une visibilité riche, renouvelable et prometteuse, des milliers d'oeuvres écrits par des plumes des différentes générations, des écrivaines et des écrivains, tous genres confondus; roman, nouvelle, poésie, théâtre et critique, des milliers de chansons modernes et folkloriques, des partitions musicales, ont vibré le public.
Si la littérature en tamazight est présente en force, l'académie de la langue amazighe créée le 27 décembre 2017 a été oubliée. Cette institution scientifique longtemps attendue par les spécialistes est restée lettre morte!
Loin de toute approche politico- politicienne, si l'enseignement de tamazight est de plus en plus une réalité pédagogique visible, malgré les difficultés et les obstacles, les pédagogues et les linguistes du pays, de leur côté, n'ont pas avancé sur la question du choix scientifique du caractère convenable, efficace et consensuel adopté pour l'écriture de cette langue. Et nous sommes en retard! Pour que la paix sociale soit en toute immunité politique, que le pays soit épargné de toute sédition, il faut encourager la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe. La paix est une occasion pour booster le dynamisme dans une société avide de changement comme la nôtre.
Prendre la langue amazighe en charge, dans l'école, dans les medias, dans la création est une arme contre toute ingérence étrangère dans nos affaires identitaires ou politiques.
Trois domaines ont enregistré une avancée remarquable dans la promotion de la langue amazighe: la littérature, la musique et la traduction.
On ne rêve que dans la langue de notre mère. Et quand la langue amazighe est portée par la littérature cela signifie que les créateurs rêvent dans leur langue maternelle, que cette langue est toujours vivante: les mamans et leurs langues ne meurent jamais..
Les sentiments transparents et véridiques ne se disent que dans la langue de l'amour de la mère, et quand les musiciens à l'image d'Idir ou d'Aït Menguellet créent dans la langue amazighe, cela signifie que les coeurs battent dans cette langue et pour cette langue.
Voir des textes de la littérature universelle traduits en langue amazighe, tels que les romans d'Hemingway, de Camus, de Khalil Jobran, de Nizar Kabany, ou le texte sacré Le Coran...est un indice que toutes les langues sont belles, et elles sont majeures.
Toute langue, quelle qu'elle soit, représente une fenêtre ouverte sur le monde et sur soi-même.
Amin Zaoui




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