Algérie

Le Système, ce grand fantôme...



Tout pays a son propre système sur lequel repose la vie politique et sociale. Ce système est un ensemble de valeurs induites par la longue histoire des peuples et leurs cultures. Mais il n'est jamais parfait. Un Américain se plaindra de la bipolarité qui gomme la différence idéologique nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie et dira que le système est bâti sur la négation des autres tendances qui sont pratiquement combattues par le discours dominant. Quand Trump taxe son rival d'être «socialiste» alors qu'il n'a absolument rien pour mériter ce qualificatif, il fait peur à beaucoup d'Américains parce que ce mot est lié, dans leur imaginaire, aux ennemis prêts à envahir le pays comme les envahisseurs de David Vincent.En France, les manigances visant à faire passer le candidat du système sont cousues de fil blanc. On a monté une cabale contre le favori de la dernière présidentielle, accusé de corruption pour avoir reçu une... montre et des costumes ! On voulait arriver à un duel Macron-Le Pen pour remobiliser les électeurs contre le «danger fasciste». Reprise du vieux scénario Chirac-Le Pen père. La presse, aux mains des oligarques, mène toujours campagne pour le favori du système. Et puis, personne ne viendra dire que la cinquième République, elle-même, est née d'un coup d'Etat et de la volonté d'un général porté au pouvoir par les militaires.
Chaque système a son histoire propre qui lui est particulière. On peut l'accepter ou la critiquer, on ne peut la gommer. Les philosophes et les partis progressistes souhaitent des aménagements pour changer le système mais les forces oligarchiques, les partis de droite et ceux des gros possédants, bien servis par une politique totalement à leur profit, s'opposent catégoriquement à tout changement.
En Algérie, comme partout ailleurs, il y a un système, encore qu'il n'a pas la continuité idéologique qu'on lui prête. Il faut être vraiment aveugle pour ne pas voir de différences entre la politique socialiste au profit des masses populaires des années 70 et les errements droitiers menés par l'oligarchie des années 2010 ! Ceci étant, ce système a beaucoup de défauts. Il faut les corriger par une mobilisation pacifique permanente qui devra dépasser les «circuits» citadins du vendredi pour prendre la forme d'actions mobilisatrices permanentes au sein des partis et des associations. Le but est de faire avancer la cause de la démocratie mais pas n'importe laquelle.
Nous avons essayé la démocratie des riches qui a eu pour effet les élections de la «chkara». Il nous faut inventer une démocratie à l'algérienne, c'est-à-dire inspirée de la proclamation du 1er Novembre. Grosso-modo, une démocratie qui ne donne pas le droit aux oligarques et à leurs pions de dominer la vie politique, une démocratie pour la justice sociale et le progrès pour tous, une démocratie qui ne remet pas en cause l'anti-impérialisme qui est une valeur clé de Novembre. Tant que nous nous réclamerons de Novembre, ce seul guide idéologiste de la République algérienne démocratique et populaire, nous sommes, malgré nous, dans le même système.
1962 est la date de notre indépendance et le système en place depuis cette date est donc le système de l'indépendance. Veut-on revenir à la colonisation et à ses effets inhumains dévastateurs sur les Algériens ' Quelles que soient ses faiblesses, le système de 1962 a permis beaucoup de réalisations au profit du peuple mais il est accusé de tous les maux parce que la classe politique et les militants d'une manière générale refusent de voir leurs propres déboires. Il est commode de se blanchir en accusant les autres. Et si ce système a reposé d'emblée sur la force militaire, n'est-ce pas à cause des échecs des civils justement, n'est-ce pas parce que de véritables affrontements sécessionnistes commençaient à gangrener le pays ' Personne ne souhaite le pouvoir militaire mais quand il n'y a plus rien à faire pour sauver l'essentiel, quand le chaos est aux portes du pays, n'est-ce pas légitime que l'on fasse appel à la seule force pouvant peser sur les évènements : l'armée '
Evidemment, ce n'est pas le meilleur choix mais l'actualité de nos pays est riche en enseignements sur ce plan. Ce sont les militaires égyptiens qui ont récemment sauvé le pays du chaos des frérots. C'est l'armée syrienne, avec l'aide des Russes, iraniens et libanais volontaires, qui a libéré son pays de la domination barbare de Daesh et des autres mouvements liés au Qatar, Turquie, Arabie Saoudite et autres. La belle fraternité arabe est visible au Yémen où même les malades et les enfants ne sont pas épargnés.
Et c'est parce que l'armée irakienne a été corrompue et a cessé le combat et que les Libyens ont cru à la démocratie made in Sarkozy et BHL, que ces nations ont été anéanties; c'est quand l'armée nationale est désunie ou détruite que les forces du chaos, dont le but n'est jamais la démocratie, sont satisfaites. Evidemment, il y a le risque d'une dictature militaire quand les armées s'impliquent dans la vie politique.
En Algérie, le pouvoir militaire ne date pas de 1962. Il s'est incrusté dans la vie politique bien avant. Depuis que la force armée est utilisée pour régler les différends politiques, avec son lot de dérives et d'actes répréhensibles. Ce fut une réalité et il ne sert à rien de l'occulter et d'ailleurs un tour d'horizon sur toutes les révolutions et les guerres nous apprend que ces situations extrêmes ne sont jamais propres.
Ceci étant, ce pouvoir militaire s'est retourné à temps contre l'homme qu'il a installé lui-même, Ben Bella, sauvant le pays d'un glissement vers l'anarchie nourrie par la confusion idéologique d'un «islamo-socialisme» peu convaincant. N'est-ce pas la force militaire qui a vaincu les terroristes et annihilé le projet d'un émirat islamiste ' N'est-ce pas l'ANP qui a calmé la situation à Ghardaïa quand le pouvoir «civil» de Saâdani s'est montré incompétent ' N'est-ce pas l'armée qui a mené manu militari le Président déchu au Conseil constitutionnel pour acter son départ ' Evidemment, c'est le peuple et personne d'autre qui a renversé Bouteflika mais il est toujours utile de rappeler que l'armée ne s'est pas mise en travers de cette volonté de changement.
Mais ? il y a toujours un mais ? les choses se compliquèrent au lendemain du départ de Bouteflika. Contre toute attente, des activistes du Hirak, des personnes ayant commis pour tout crime le port du drapeau amazigh, des jeunes, des vieux, sont arrêtés et jetés en prison. Les explications quant à un complot contre le pays n'arrivent pas à convaincre l'opinion. Ce n'était pas le bon choix ; c'est même le plus mauvais.
Tebboune arrive au moment où cette répression s'exacerbe. Il n'a pas beaucoup de marge de manœuvre car, autour de lui, c'est le même langage de la conspiration qui continue de circuler, justifiant les mêmes pratiques. C'est peut-être cette continuité qui fait dire aux opposants que c'est toujours le système de 1962.
Pourtant, l'idée même de l'Algérie nouvelle repose sur la réponse aux revendications du Hirak. Hélas, il n'y a pas eu de main tendue aux représentants du mouvement du 22 février et c'est bien dommage. Parce que, en même temps, le Président, qui refuse un soutien trop visible du FLN et ses roues arrière, n'a pas le cautionnement de l'opposition qui maintient ses positions radicales.
On le voit, le recours à la «société civile» pour jouer un rôle politique n'est pas la meilleure des solutions. C'est un pari risqué de compter sur des associations et organisations trop présentes lors des campagnes pour les mandats de Bouteflika.
Si l'opportunisme est ancré dans les m'urs et qu'il continuera à pourrir la vie politique, il faut peut-être relever les immenses défis de cette mandature parce que M. Tebboune ne peut pas gouverner sans le soutien des forces politiques réelles. La Constitution va préciser les limites de chaque pouvoir mais, à elle seule, la loi fondamentale ne suffit pas. Il faut les hommes qui lui donneront corps dans la vie de la Nation. Où les trouver '
M. F.


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