Algérie

«Le système algérien évolue en clans mutants» L'Algérie face à une crise de gouvernance



«Le système algérien évolue en clans mutants» L'Algérie face à une crise de gouvernance
Maâmar Benguerba est convaincu qu'il n'existe pas d'hommes politiques en Algérie. La crise de gouvernance que le pays traverse, cinquante ans après l'indépendance, est liée à cette absence.
En 2006, cet ancien ministre du Travail et des Affaires sociales avait publié, chez L'Harmattan en France, L'Algérie en péril, dans lequel il analysait la situation politique et économique de l'Algérie à partir de l'initiative de la loi sur les hydrocarbures, prise à l'époque par Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines. Une initiative qui a été contestée. Les éditeurs algériens ont, selon lui, refusé de publier ce livre. «Et ce livre demeure interdit à ce jour en Algérie. Lisez-le et vous verrez que la situation de l'Algérie n'a pas évolué ces dix dernières années», a-t-il appuyé. Dans l'introduction de cet ouvrage, il est relevé que l'Etat algérien est littéralement fondu dans des appareils sans âme «et parfois sans règles impératives contraignantes pour leurs serviteurs». «La société réduite au sort d'une abstraction décorative pour des comportements singuliers ne dispose que du réflexe de rejet. Non affranchie totalement des appareils, elle réagit aux multiples crises qui l'assaillent par l'émeute. La culture régnante du tabou inhibe toute initiative susceptible de déranger les habitudes.
Les moyens déployés par un système de pouvoir omniprésent évoluèrent de la force brutale aux formes de manipulation les plus complexes. Il asservit la société civile et promeut les organisations archaïques. Il soumet l'ensemble des populations. Il s'estime source exclusive de la souveraineté nationale et accomplissement absolu du patriotisme», est-il noté. Il y a, selon Maâmar Benguerba, un problème global de gouvernance qui concerne tous les secteurs : infrastructures de base, transports, agriculture, industrie, formation, éducation, sécurité, etc. «Il faut un plan Marshall pour toute l'Algérie, pas uniquement pour le Sud. A-t-on fait le point sur les deux plans de développement appliqués depuis 2000 ' Qu'en est-il de celui en cours (jusqu'à 2014, ndlr) ' Je ne crois pas que l'Europe ait reçu autant d'argent à travers le plan Marshall en si peu de temps !», a-t-il observé. Selon lui, le détournement d'argent dans l'affaire du groupe Khalifa équivaut presque en valeur les fonds mobilisés par le plan du développement du Sud (plus de 800 millions d'euros).
«Ce n'est pas un problème d'argent, mais de gouvernance. C'est un problème de système de pouvoir. Comment les gens sont recrutés ou nommés. Pour peu que vous montriez un minimum d'autonomie, vous êtes cuits. Il faut faire partie d'un réseau. Et tous les réseaux ont leurs lois. Ce qui manque aujourd'hui, c'est l'ambition. Les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas d'ambition. On ne sait pas ce que veut l'Algérie. Il n'y pas d'aspiration nationale. Il n'y a pas de main étrangère, il y a une incapacité à défendre nos intérêts. C'est cela le monde d'aujourd'hui, chacun joue son jeu. Et qu'on arrête de se lamenter. Le système algérien évolue en clans mutants. C'est le même système, mais les hommes changent. Et les clans ont leurs règles. Un ex-chef de gouvernement avait même dit que le pays est dirigé par une mafia (Ahmed Ouyahia en parlant de «l'argent mafieux», ndlr) et a parlé de clans. Il est bien placé pour le savoir», a-t-il relevé.
«Bouteflika est responsable du choix de ses hommes»
Il a regretté le silence sur la destruction continue des terres agricoles en Algérie. «Des terres qui sont le capital réel du pays», a-t-il affirmé. «J'étais toujours contre Bouteflika. C'est un libéral. Moi, je ne le suis pas. J'étais toujours pour le secteur public. Bouteflika a été toujours été contre ce secteur. Il a continué à le détruire alors qu'il ne fallait pas détruire les entreprises publiques», a-t-il appuyé. Maâmar Benguerba refuse l'idée d'un Président mal entouré. «Bouteflika est président de la République. Il est responsable de tout. Qu'on ne me dise pas qu'il est mal conseillé. Il a promis de ramener des hommes d'Etat, je me demande où ils sont. Sont-ils toujours là ' Ces hommes d'Etat ont-ils existé ' Bouteflika avait même dit, en allusion à Liamine Zeroual, qu'il n'était pas un président stagiaire. Bouteflika est responsable du choix de ses hommes. En 2000, Bouteflika disait qu'il ne voulait pas de l'augmentation de l'importation de produits alimentaires.
A l'époque, la valeur des marchandises importées était de deux milliards de dollars. Aujourd'hui, la facture alimentaire est de 8,5 milliards de dollars !», a-t-il souligné. D'après lui, les effets collatéraux de la corruption sont plus graves pour l'image du pays et pour celle des cadres de l'Etat que les détournements d'argent eux-mêmes. «Qui est responsable ' Les hommes choisis ! Les gens sont aujourd'hui pétrifiés. Ils ont peur de prendre des décisions économiques. Il y a toujours des gens honnêtes. Ils sont obligés de prendre mille et une précautions avant de signer des contrats. Il y a un gel des institutions de l'Etat et de la machine économique. La corruption est devenue un système. Elle bloque tout. Et le système politique ne peut fonctionner qu'en étant corrompu. Il ne peut pas fonctionner autrement. La corruption a pris de l'ampleur ces dernières années parce qu'il y a plus d'argent. En dix ans, le PIB a été multiplié par quatre», a-t-il souligné.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)