Algérie

Le système algérien dans l'impasse



Le système algérien dans l'impasse
Le système algérien est dans l'impasse, comme en témoignent les déclarations officielles du ministère de la Justice le 22 septembre 2011, qui constatent l'extension du fléau de la corruption. Je le cite : « En 2010, les tribunaux algériens ont rendu 948 jugements sur des affaires de corrup-tion, et 1.354 personnes ont été reconnues coupables ».
Cela n'est donc pas une question de lois ou de textes, mais de pratiques du système, phénomène certes existant dans tous les pays mais qui, en Algérie, n'a jamais atteint un tel niveau depuis l'indépendance politique. Pour 2010, les organismes internationaux rétrogradent l'Algérie à 105e place, étant parmi les pays ayant un niveau très élevé de corruption au plus haut niveau de l'Etat (pots-de-vin, détournements d'argent public et abus de pouvoir). Il ne faut pas en incomber la responsabilité au peuple qui souvent ne suit que la pratique de ses dirigeants. Déjà, le grand philosophe Aristote et le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun insistaient sur le fait que l'efficacité des institutions et la moralité des dirigeants politiques sont fondamentales pour bien gouverner la Cité. I.-Etat des lieux en 2011, des dépenses monétaires colossales avec des impacts mitigés Le programme de soutien à la relance économique a été clôturé, selon les déclarations officielles reprises par l'APS, à 200 milliards de dollars dont plus de 70% allant aux infrastructures. Le programme d'investissements publics retenu pour la période allant de 2010 à 2014 implique des engagements financiers de l'ordre de 21.214 milliards de DA (ou l'équivalent de 286 milliards de dollars) dont toujours plus de 70% aux infrastructures, étant la continuité du précédent et concerne deux volets - à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés, notamment dans les secteurs du rail, des routes et de l'eau, pour un montant de 9.700 milliards de DA (équivalant à 130 milliards de dollars). Mais là, faute de transparence et donc de bilan 2004/2009, le problème posé est le suivant : ce montant représentant 45% du programme total 2010/2014 s'ajoute-t-il aux 200 milliards de dollars de 2004/2009 (la totalité a-t-elle été dépen-sée') où la dépense a été moindre. Le cadre macroéconomique relativement stabilisé est éphémère sans de profondes réformes structurelles qui ont commencé timidement, comme en témoigne la faiblesse des exportations hors hydrocarbures (moins de 2/3% des exportations totales), et un taux de croissance faible (une moyenne de 3% entre 2007/2011) avec une prévision de 3% en 2012 par le FMI, l'Algérie dépensant deux fois plus en référence à des pays similaires pour voir deux fois moins d'impacts et le tout tiré par la dépense publique via la rente des hydrocarbures à plus de 80%. Cela se répercute sur le taux de chômage réel, que l'on voile par des emplois fictifs, et le taux d'inflation réel, que l'on comprime par des subventions généralisées non ciblées, facteurs de gaspillage des ressources financières. Or le développement durable passe par des réformes devant encourager l'acte d'investissement créateur de valeur ajoutée impliquant la refonte du système financier - douanier, fiscal ' administration - et une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis. Et dans ce cadre peut-on parler de stratégie industrielle au sein d'un monde en plein et perpétuel bouleversement, devant tenir compte des services qui ont un caractère de plus en plus marchand' La logique des différentes organisations, passage des sociétés nationales, puis aux fonds de participation, puis en holdings, puis aux sociétés des participations de l'Etat ( SGP) et enfin, récemment, depuis janvier 2010, à la proposition en groupes industriels a-t-elle obéi à une logique économique ou à une logique administrative de partage de la rente ' Dans quelles filières l'Algérie a-t-elle des avantages comparatifs en dynamique et non en statique en termes de coûts/qualité ' Et tout cela renvoie à l'urgence d'un large débat national sans exclusive, à la fois sur la trajectoire de développement à suivre entre 2012/2020 au sein d'une économie ouverte, et également sur le futur modèle de consommation énergétique du fait de l'épuisement des ressources des hydrocarbures dans environ 25 ans. Or, si le bilan de ces dernières années est mitigé malgré des dépenses monétaires colossales, une des explications fondamentale est le changement périodique du cadre juridique des investissements, le manque de cohérence et de visibilité, du fait de la neutralisation des rapports de force. La politique gouvernementale se trouve ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulée par les tenants de l'import (13.000 mais en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80% du total) et la sphère informelle, malheureusement dominante contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation,contribuant à 30% de l'emploi et du produit intérieur brut. L'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986 : ni économie de marché, ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l'avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et au cours du dollar. Les réformes depuis 1986 sont bloquées en cas de hausse des cours des hydrocarbures ou timidement faites en cas de baisse avec incohérence. Or, les réformes sont indispensables pour s'adapter tant à la mondialisation de l'économie, dont l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain est son espace naturel, qu'aux mutations internes, réformes inséparables de l'Etat de droit et de la démocratie sociale et politique tenant compte de notre anthropologie culturelle. II- Une croissance innovante par la valorisation du savoir La dure réalité, comme le montre l'actuelle crise mondiale, ne signifie pas la fin du rôle de l'Etat régulateur car le marché a besoin d'être encadré. Aussi la nouvelle politique socioéconomique algérienne doit-elle tenir compte de l'adaptation aux mutations mondiales irréversibles. Je pense fermement que l'Algérie ne dispose pas d'autres alternatives que l'adaptation à la mondialisation dont les espaces euro- maghrébin, arabo- africain et euro-méditerranéen constituent son espace naturel. Prétendre que la mondialisation aliène le développement du pays et les libertés, c'est ignorer une évidence : sans insertion dans l'économie mondiale, l'Algérie serait bien davantage ballottée par les vents des marchés avec le risque d'une marginalisation croissante. C'est que la nouvelle politique économique doit être marquée par l'adaptation à l'universalisation de l'économie de marché, le commerce international n'étant pas un jeu à sommes nulles. L'ouverture peut être douloureuse à court terme car elle impose des changements mais elle est bénéfique à moyen et long terme, les gagnants de demain n'étant pas ceux d'aujourd'hui, d'où des résistances sociales et politiques au changement en ce monde en perpétuel mouvement dominé par le consommateur mondial et arbitré par les marchés financiers. (Suivra) Dr Abderrahmane MEBTOUL La compétition dans une économie globale fait que chacun a le monde pour marché et tous les consommateurs pour clients. La traduction d'un monde ordonné autour de la production est largement dépassée. Et l'introduction en lice de l'Inde et surtout de la Chine dans le commerce mondial représente une vraie révolution, caractéristique de l'unification des conditions de production dont la valeur ajoutée augmente mais dont les distances entre la production et la consommation diminuent avec là révolution dans le domaine du transport et des télécommunications. La libéralisation des mouvements de capitaux transgresse les frontières géographiques. Il y a lieu de revoir les concepts erronés de stratégie industrielle et d'imaginer une nouvelle politique de l'entreprise. Car à l'intérieur des entreprises se mettent en 'uvre de nouveaux modes d'organisation éloignés du taylorisme, des grosses sociétés avec leurs lourdeurs bureaucratiques, fondés sur le raccourcissement des chaînes hiérarchiques, sur l'amélioration de la qualification, sur l'implication des personnes, sur la décentralisation interne, l'organisation en réseaux et la gestion prévisionnelle des compétences. La nouvelle politique socio- économique en Algérie devra être marquée en ce début du XXIème siècle par l'innovation et dans ce cadre il y a urgence d'un système d'éducation performent évolutif s'adaptant à la nouvelle conjoncture internationale par des réformes depuis le primaire jusqu'au supérieur en passant par la formation professionnelle supposant une formation permanente afin d'éviter des diplômés chômeurs avec la baisse du niveau, et donc améliorer la qualité, la majorité des salariés n'ayant pas à ce jour bénéficier de formation professionnelle et se pose cette question combien d 'entreprises publiques et privées ont des laboratoires de recherche pour améliorer les coûts et la qualité innovante ' Pour l'amélioration, il est souhaitable une décentralisation de la gestion de l'éducation et l'émergence de grandes écoles afin de faire jouer la concurrence régionale et son adaptation aux besoins de la société, avec quatre (04) grand pôles d'excellence et éviter ce mythe d'une université par wilaya. Mais se posera toujours la question de la qualité des enseignants. L'innovation est dépendante d'une nouvelle politique de l'emploi et des salaires. Or, la politique actuelle est de préférer la distribution de revenus (salaires versés sans contreparties productives) à l'emploi, c'est à dire contribuant implicitement à favoriser le chômage dont le calcul autant que celui du taux de croissance sont artificiels biaisés par la rente de hydrocarbures. La solution la plus sure est de s'appuyer sur la qualification des salariés allant de pair avec la spécialisation de l'économie. L'avenir est dans les gisements importants d'emplois sur les activités de services, des emplois de proximité ce qui impliquera le développement important dans les années à venir des services marchands rendus nécessaires par l'élévation du niveau de qualification. La stratégie des ressources humaines, richesse bien plus importante que toutes les ressources d'hydrocarbures est d'introduire l'initiative économique de tout le monde et les capacités entrepreneuriales caractérisées par les prises de risques industriels et économiques. Or, avec la suspicion
actuelle et les scandales financiers, les managers prendront 'ils ce risque qui est le propre à toute entreprise compétitive ' IIl. Etat de droit et nouvelle gouvernance comme facteurs d'adaptation L'évolution d'une société plus ouverte et plus individualiste exige des traitements plus personnalisés, avec comme toile de fond une croissance plus sélective et rend urgent de mieux articuler les rôles respectifs et complémentaires de l'Etat et du marché afin d 'éviter qu'une économie qui produit la richesse ne détruise les liens sociaux dans un univers où la plupart des structures d'encadrements, (familles, religion, syndicats) sont faibles surtout en Algérie où bon nombre d'organisations sont des appendices bureaucratiques sans impacts de mobilisation mais monnayant leurs soutiens contre une fraction de la rente pétrolière et gazière. Il n'y a pas de citoyens sans projet social et il n'y a pas de projet économique durable qui ne soit pas lié à un projet social nécessitant de restaurer à l'Etat sa vocation naturelle, le soumettre au principe d'efficacité conçu selon une démarche démocratique, la puissance publique dépendant trop des corporations rentières ce qui conduit à un éparpillement et un accroissement des dépenses de l'Etat qui ne sont pas proportionnelles à leur efficacité. Comme, la société de marché incitant naturellement à plus d'efforts et de dynamisme et la solidarité dans la compétition implique de cesser d'exclure sous peine de devenir une société de décadence. Ainsi les problèmes doivent être absorbés différemment et cela passe par une réflexion collective sur la justice au sens sociétal, remettant en cause le traitement statistique global qui correspond de moins en moins à la réalité plus complexe comme l'atteste actuellement l'effritement du système d'information. L'universalité de la justice n'existant pas, elle dépend du moment daté et du mouvement historique. Une société dynamique en forte croissance offre des espoirs individuels plus grands en tolérant certaines inégalités qu'une société dont l'économie en stagnation où l'avenir est incertain. Paradoxalement, en dynamique, certaines inégalités à court terme profitent aux plus défavorisés à moyen terme si l'on respecte les droits fondamentaux. Dans un tel contexte il faut identifier lés inégalités qui doivent être combattues (inefficaces et injustes) et trouver le niveau acceptable d'inégalités nécessaires pour assurer le dynamisme de l'économie. Il ne sera plus question de la simple égalité d'accès à des prestations banalisées mais l'équité par la discrimination positive privilégiant le renforcement des relations professionnelles, la relance des négociations collectives branches par branches grâce à de nouvelles méthodes de travail fondées sur l'innovation continue. Il s'agira de favoriser de nouvelles structures sociales dynamiques pour impulser le changement et impulser celles traditionnelles par définition plus conservatrices. En fait, l'objectif stratégique est de redonner confiance à la population algérienne en instaurant un Etat de Droit, base du retour â la confiance passant par des actions concrètes de luttes contre la corruption, le favoritisme, le régionalisme, les relations de clientèles occultes qui ont remplacé les relations contractuelles transparentes, l'application de la règle de Piter qui fait que l'on gravite dans la hiérarchie en fonction de sa servitude et de son degré d'incompétence. Car il est utile de signaler que les raisons du faible flux d'investissement étranger et du privé national hors hydrocarbures pourtant indispensable pour renouer avec la croissance durable hors hydrocarbures et donc d'atténuer les tensions sociales me semble être essentiellement imputable au système bureaucratique sclérosant tant central que local, étouffant les énergies créatrices, ce qui explique les mauvais classements internationaux(2006/2011) en terme d'attractivité pour l'Algérie malgré ses importantes potentialités. Le pouvoir bureaucratique sclérosant a ainsi trois conséquences nuisibles au développement en Algérie : 1ère conséquence une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays ; 2ème conséquence, l'élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique ; 3ème conséquence : la bureaucratie bâtit au nom de l'Etat des plans dont l'efficacité sinon l'imagination se révèle bien faible, le but du bureaucrate étant de donner l'illusion d'un gouvernement même si l'administration fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire. En résumé, l'entrave principale au développement en Algérie trouve son explication en une gouvernance mitigée (l'entropie) , impliquant la refonte de l'Etat , largement influencée dans ses nouvelles missions par l'internationalisation de l'économie, le défi majeur étant de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable grâce à une nouvelle gouvernance, le blocage étant systémique. Aussi, le compromis des années 2011/2020 devra donc concilier l'impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d'une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l'efficacité et l'équité. Et l'égalité n'est pas celle du modèle de l963-2010 mais recouvre la nécessité d'une transformation de l'Etat providence et gestionnaire à l'Etat régulateur, par la formulation d'un nouveau contrat social. Au XXIème siècle, les batailles économiques ayant des incidences sur le poids dans les relations internationales des Etats, se remportent grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir condition sine qua non d'entreprises compétitives dans le cadre des valeurs internationales. Aussi, s'agit- il de dépasser la logique rentière actuelle par une nouvelle gouvernance et la valorisation de la connaissance.


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