Algérie

Le syndrome Al Djazira



«Nos vraisennemis sont en nous-mêmes.» (Bossuet)Les surenchèrestriomphantes affichées à longueur de journaux, de communiqués, de forums entredes amis provisoires, en attendant l'amertume de la disgrâce, ne séduisent plusque les gogos. L'économie algérienne dite de marché ne profite nullement auxconsommateurs, mais seulement à quelques monopoles qui ne se font aucune vraieconcurrence. La téléphonie mobile est une des plus chères du monde,l'électricité, le lait, l'eau, les fruits et légumes subissent et vont subirdes hausses que personne n'arrive à réguler ou à contrôler. L'anomie règne enmaîtresse de la maison Algérie que des saltimbanques de la politique dans saversion tribale et clanique régulent dans leurs seuls intérêts sonnants ettrébuchants, avec une sorte d'insouciance dangereuse. L'Etat est à l'encan. Les zaouïas, depuissantes tribus et confréries, les importateurs de pétards, de services clésen main, des guichets de banques étrangères formatent une gouvernance en déshérencedans laquelle des partis égrènent, sans programme aucun, leur classement auxfutures législatives. Des structures d'avant la colonisation sont courtisées,hier par un gouvernement, et aujourd'hui par une formation politique dite«grande» (sur quels critères), pour mieux occulter le travail de fond sur lelong terme, la modernité d'un pluralisme fertile à hauteur des exigences dusiècle, des enjeux mondiaux qui s'imposent à tous les pays. La vitesse et laqualité imprimées à l'économie mondiale, aux droits de l'homme, à la placecentrale de l'individu, à la norme environnementale, à la recherche desénergies nouvelles, à l'eau, tout cela laisse indifférents nos «parlementaires»et nos dirigeants. Ceux-ci servent à la carte un programme pour lequel ils n'ontjamais été consultés et militent à mort pour reproduire des élections qui nelaisseront ni des souvenirs de débats, ni d'empoignades pacifiques et encoremoins l'exposé de programmes différenciés. Dans l'ordre ou le désordre, le FLN, le MSPet l'administration RND vont arriver, selon un ordre établi, à l'endroit ou latête à l'envers, pour continuer à faire semblant de diriger un pays qui perd latête. En fait, les prestataires de service jouent une pièce, écrite ailleurs etque le seul intérêt qu'ils ont est celui d'assumer une prestation conforme auxdésirs des commanditaires qui leur vouent un mépris absolu et qui savent quedans le cheptel chacun a un prix, une casserole qu'il traîne, une dette àpayer, une promesse à tenir, et éventuellement un poste lointain à saisir. La critique recherchée, sinon suscitée pardes pouvoirs démocratiques et patriotiques, est évitée comme la peste. Ilsuffit à des communicants serviles et surtout incompétents de verser dansl'incantation semi-religieuse, celle de résultats contradictoires dans un paysoù chaque averse d'une journée bloque la circulation, quand ce n'est pas undéplacement officiel qui plonge la capitale dans une violente crise de nerfsdue à une gêne qui dure des heures et des heures. Une averse de deux heuresfait s'écrouler des bâtisses construites sans aucune norme, sans qu'aucunesanction ne tombe sur ceux qui ont avalisé des permis de construire et encoremoins des responsables directement concernés. Et comment le seraient-ils dansun régime aussi centralisé, plus que celui du parti unique ? Les envoléeshystériques nationalo-passéistes gangrènent même des personnels «qui ont faitdes études» et censés connaître ce qui se passe dans le monde. Les récents attentats perpétrés à Alger, enKabylie et ailleurs sont venus encore une fois de trop confirmer deuxinvariants. Comme pour la maladie du président Bouteflika et son transfert enFrance, la communication et celle, pathétique, des médias publics qui naviguentà vue, ont été absolument défaillantes remplacées par des médias étrangers,professionnels et hautement performants. Les officiels algériens (médias etresponsables) ont été laminés, dépassés, décrédibilisés, ridiculisés, au profitde l'ambassade des Etats-Unis, d'Al Djazira, de LCI et autres acteurs. Laritournelle sur la «nocivité» d'Al Djazira fait sourire et celle sur la«méchanceté» des médias occidentaux fait plus pitié qu'autre chose. A unecommunication doit répondre une autre, crédible, professionnelle et réactive aumoment voulu et pas quelques jours plus tard. Une information ne dure que letemps de sa diffusion. Au-delà, elle est définitivement périmée. L'autreinvariant est le détournement. Identifier un kamikaze est chose facile. Trouverses commanditaires est autrement plus compliqué. Trouver des antécédentsd'homosexualité, de drogue ou de maladie mentale à un terroriste est simplementdérisoire. Un terroriste est programmé pour obtenir un résultat. Et commedisait un sage «heureusement qu'il était homo, s'il ne l'était pas, il auraitfait cent fois pire». Les gènes, l'origine sociale, la relation avec la drogueque peut avoir un terroriste n'intéressent nullement les victimes ou l'opinion. Les attentats orchestrés de manièreprofessionnelle et qui ont visé le Palais du gouvernement et d'autres ciblesont remis sur le tapis les deux problématiques «oubliées» et qui ne remontent àla surface que dans les moments de crise. Quand il est trop tard, et sans entirer des leçons fertiles. Les deux problématiques intimement liées déterminentet en même temps indiquent le fonctionnement démocratique ou non d'un pouvoiret d'un Etat et renseignent sur le regard porté par ces derniers sur lasociété, les citoyens et sur les obligations-responsabilités des pouvoirspublics qui ne sont ni tuteurs ni propriétaires d'un pays ou d'une nation. Cequ'oublient de façon systématique tous les dirigeants arabes bien ou mal élus,parce qu'une élection n'est jamais une carte blanche délivrée à des gouvernantsqui ne sont que des fondés de pouvoir qui rendent des comptes, régulièrement,en restant soumis à toute remise en cause. Tout est là, et pas ailleurs. Ici etpas ailleurs. Les médias étrangers font leur travail selonles lois qui régissent leur espace, leur éthique et leur esthétique. Ici, ilserait temps d'avoir du répondant qui soit crédible, professionnel, libre etréactif. Parallèlement à des invariants qui font lamarque de fabrique d'une gouvernance et de son fonctionnement, il y a lesyndrome. Un pays qui a une administration qui contrôle tout, une armée, unepolice et une foule de partis qui soutiennent est cependant frappé, maisheureusement juste au sommet, par le syndrome qui fait fureur dans lesappareils et dans de nombreuses rédactions. Al Djazira n'aime pas, quoi ? Lemystère est insondable dans la mesure où les nationaux suivent une chaîneprofessionnelle, présente partout. C'est le fantôme du palais. Mais qu'importeque cette chaîne ménage les régimes du Qatar, d'Arabie Saoudite ou du Koweïtalors qu'ici les médias publics ménagent d'obscurs chefs de daïra défaillants !Ce qu'il faut, c'est chaîne contre chaîne, film contre film, liberté face à uneliberté. Et sans Al Djazira, comment les Arabes sauraient les crimes américainsen Irak et le martyr des Palestiniens ? La chaîne est sur le terrain, lescourtisans se cachent sur la côte en Algérie. Faut-il ajouter que toutes leschaînes arabes obéissent ?


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