Algérie

Le syndicalisme entre hier et aujourd'hui : Des revendications au Partenariat



Le syndicalisme entre hier et aujourd'hui : Des revendications au Partenariat
L'histoire du syndicalisme algérien est intimement liée à celle de la guerre de libération. Aïssat-Idir considéré comme le fondateur de l'UGTA, le 24 Février 1956, ne pouvait concevoir l'épanouissement du travailleur sous le joug du colonialisme. Cette pesanteur historique détermine encore une large part pour l'évolution du mouvement syndical. Ces dernières années, l'UGTA, longtemps seule organisation légale dans le champ social a conservé des bases dans le secteur économique public comme chez les pétroliers, où les travailleurs des grands complexes à  l'exemple d'El Hadjar ou de la SNVI de Rouiba, les professions libérales ont opté davantage pour les syndicats autonomes. Aujourd'hui les paramédicaux, les pilotes, les enseignants, les médecins ou les personnels de l'administration publique militent dans d'autres structures syndicales. Leurs actions de protestation rythment davantage la chronique sociale du pays. Pour Nasser Djabi, auteur d'un ouvrage sur les grèves et l'histoire du syndicalisme dans notre pays et reconnu comme l'un des meilleurs connaisseurs de la question sociale, «ce rétrécissement de l'implantation de l'UGTA est un handicap dans la mesure où de nos jours, plus de la moitié des emplois sont créés dans le secteur privé». Pour lui, l'UGTA doit «accompagner cette mutation sous peine de se retrouver exclue des larges pans de l'activité économique». Elle doit surtout, investir un peu plus, cet univers où les droits sociaux des travailleurs sont piétinés. Le travail au noir y prospère, la violation de la réglementation est monnaie courante. C'est à  partir de là, et pour la défense des travailleurs dans certaines filières de multinationales qu'elle peut se redéployer. Nacer Djabi qui a consacré plusieurs ouvrages et articles aux mouvements sociaux dans notre pays explique ce relatif recul de l'UGTA par son manque d'autonomie vis-à-vis de la sphère politique dont elle avaliserait les décisions. Elle reste toutefois présente et influente. L'UGTA n'a pas été sérieusement concurrencée dans de grandes entreprises publiques comme la Sonelgaz, la Sonatrach ou les services publics comme les PTT. Ces dernières années, elle a même mis en place des structures dans des corporations qui connaissent malheureusement un vide syndical, tels les journalistes ou les artistes. Elle a tout de même reconquis une place dans le secteur de l'enseignement supérieur. Elle s'est également intéressée au sort des femmes travailleuses et la section qui s'occupe de cette catégorie de travailleurs a rencontré un écho positif. Certes, les syndicats autonomes évoluent dans un environnement hostile pour reprendre le mot de Meziane Meriane mais ils ne sont pas à  l'abri des tiraillements comme le montre le CNES et le CNAPEST dont les adhérents se sont entre-déchirés.   CONQUÚTES POSITIVES La Centrale syndicale est également demeurée le seul partenaire des Pouvoirs publics et ses conquêtes sont perçues positivement par des centaines de travailleurs. Selon son actuel responsable, «elle n'est pas seulement un syndicat qui s'occupe de revendiquer mais elle défend les intérêts du pays avant ceux des travailleurs». Les droits des travailleurs ne peuvent exister si le pays est menacé dans ses fondements. L'UGTA a été ainsi à  l'avant-garde du combat pour préserver le caractère républicain de l'Etat. Ses dirigeants disent ne pas privilégier la surenchère, mais la prise en charge des préoccupations des travailleurs du pays. Elle a arraché des augmentations de salaires et la revalorisation du SNMG. Lors des tripartites, grands moments de la vie sociale et politique du pays, les responsables de l'UGTA ont défendu bec et ongles les droits des travailleurs à  un pouvoir d'achat plus digne. La proximité de ses responsables avec les centres de décision permet aussi de régler plus rapidement des problèmes liés à  la réintégration de travailleurs licenciés et au paiement d'arriérés de salaires. Aujourd'hui, l'UGTA accompagne aussi le processus de soutien aux entreprises publiques décidé par le gouvernement. La protection de l'emploi est l'une de ses priorités. A l'ère de la mondialisation qui a fragilisé un peu partout le droit social et affaibli le syndicalisme au profit d'autres formes de mobilisation, l'UGTA ne s'inscrit pas dans une logique d'affrontement. Elle est adepte de ce syndicalisme de concertation qui tente de concilier les intérêts de l'entreprise et du salarié. Le contrat social dans notre pays s'accommode de cette forme de syndicat qui ne se contente plus comme partout dans le monde, de revendiquer mais d'être associé à  la traduction sur le terrain des politiques publiques. Alors que les syndicats autonomes sont incapables de se regrouper et d'avoir un prolongement dans tout le pays, l'UGTA est présentée comme une sorte de mère qui ne néglige aucun de ses enfants. Elle ne privilégie qui conque contrairement aux «autonomes». Chacun défend ses adhérents comme en témoigne l'expérience avortée de l'intersyndicale. L'UGTA, de part son histoire et son caractère non corporatiste, demeure incontournable pour les travailleurs et les Pouvoirs publics.  AISSAT IDIR, UNE VIE DÉDIÉE AU PAYS Le premier responsable de l'UGTA, Aïssat Idir est né le 11 Juin 1915 à  Djemaa Nessaridj, une petite localité qui domine la plaine de Tamda, à  une vingtaine de kilomètres à  l'est de Tizi Ouzou. Les grands parents d'Idir avaient connu en 1871 l'expropriation provoquant ainsi la paupérisation. La famille se disperse et Idir étudiera un temps à  Tunis ou comme de nombreux Kabyles, son oncle y était installé. Le père d'Aïssat Idir, Akli tente d'organiser sa vie en s'installant à  Alger. Il devient commerçant de lait dans la capitale et ouvre une épicerie au village. Après le CEP, son fils Idir prépare en 1930, le concours des bourses qu'il réussit mais n'est pas admis à  l'internat. Il se rabat sur la mission protestante Rolland de Tizi Ouzou décrite avec émotion par Mouloud Feraoun dans «le Fils du pauvre». L'écrivain y avait séjourné quelques années auparavant. Aïssat Idir suit le même itinéraire que le romancier mais il échoua au concours d'entrée à  l'Ecole normale d'instituteurs de Bouzaréah. Sa vie professionnelle débute aux ateliers industriels de l'air à  Maison-blanche (actuelle Dar El Beïda) où il est comptable à  partir de 1939. Il habite à  Belcourt au foyer nationaliste. Il fréquentait les militants du PPA-MTLD. Il rejoindra par la suite, la CACOBATPH, Caisse de sécurité du secteur du bâtiment où il exerçait comme cadre. Son niveau d'instruction lui permit d'intégrer dès 1946, la rédaction du journal clandestin du PPA «la Nation algérienne». Membre du comité central de ce parti, il rejoindra le FLN et sera nommé au CNRA, lors du congrès de la Soummam. La naissance de l'UGTA, qui s'est vite imposée comme le porte-parole des ouvriers algériens au pays et à  l'étranger a prouvé que la question sociale contrairement à  ce que pensaient les communistes, qui étaient puissants dans le mouvement ouvrier, ne pouvait se résoudre sans l'aboutissement de la question politique, sous forme d'indépendance. L'ouvrier algérien n'était pas seulement réprimé comme tel mais d'abord comme citoyen. Arrêté en mai 1956, il n'échappera pas aux sbires de l'armée coloniale. Acquitté en 1959, il sera enlevé, dès sa relaxe par le tribunal permanent, par des forces armées d'Alger. Il mourra après avoir subi d'affreuses tortures, notamment des brûlures le 27 Juillet 1959. Mohamed Farés avait consacré au début des années 1990, une biographie pour ce patriote et pour la première fois, un film s'est inspiré de l'histoire de sa vie. 


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