Algérie

Le symptôme et le phénomène LA VIOLENCE DANS LES STADES



Le symptôme et le phénomène LA VIOLENCE DANS LES STADES
Une vue de la journée d'étude sur la violence
«Eradiquer définitivement la violence dans nos stades.»
Telle a été la substance de la déclaration du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales à l'occasion de la journée d'étude sur l'organisation des rencontres sportives organisée par la direction générale de la Sûreté nationale (Dgsn), avec la participation des différentes parties prenantes. A cet objectif, nul ne peut ne pas souscrire car force est de reconnaître qu'il s'agit là d'un objectif important et nous dirions même des plus importants. Malheureusement, il est nécessaire de comprendre que cet objectif, ainsi fixé, ne pourra pas être atteint. Et ne le sera jamais. Pourquoi' Pour plusieurs raisons essentielles. La première, c'est qu'il y a erreur sur la nature de l'objectif. La seconde, c'est qu'il y a erreur sur la partie qui doit le fixer et la troisième raison c'est qu'il y a erreur sur la partie qui doit tenter de le réaliser.
La violence dans les stades n'est qu'un symptôme
Considérer la violence dans les stades comme un phénomène, revient à chercher à y mettre fin en mobilisant les moyens et le temps nécessaires, mais sans jamais aller plus loin dans la réflexion que sur le phénomène lui-même. Dans cette manière d'approcher la chose, il y a confusion gênante entre le phénomène lui-même et ses symptômes. C'est comme si un médecin, constatant une fièvre élevée chez le malade, fait tout pour lutter contre cette fièvre sans jamais chercher à savoir à quoi elle est due. La température du malade peut baisser à l'occasion de la prise de médicaments, mais la maladie réelle, celle qui provoque la fièvre, ne fait que progresser car rien n'est fait pour l'arrêter. Il en est de même pour la violence dans les stades qui ne peut et ne doit pas être considérée comme un phénomène en soi, mais plutôt comme un symptôme. D'ailleurs, à un moment de sa déclaration, le ministre de l'Intérieur avait précisé: «Il existe deux aspects qui nous intéressent actuellement et sur lesquels nous essayons de trouver des solutions adaptées: la violence dans les stades et dans les écoles.» A elle seule, cette précision confirme que la violence dans les stades n'est pas le phénomène ou du moins, qu'il n'est pas le niveau adéquat de réflexion. En effet, pour qui prend la peine de regarder autour de soi, la violence aujourd'hui est généralisée. Dans les stades certes, mais aussi dans les écoles, dans la rue et même dans les foyers. La violence chez nous, et après avoir longtemps été un modus operandi, a fini par devenir un mode de vie, un modus vivandi. Chez nous aujourd'hui, lorsqu'on s'adresse aux autres, c'est avec violence, lorsqu'on leur prend, c'est avec violence, lorsqu'on leur donne aussi, on le fait avec violence. Tout est violent chez nous et seule la violence semble nous caractériser. Cette violence est multiple comme on l'a vu et, dès lors, s'attaquer à un seul de ses aspects, comme la violence dans les stades par exemple, ne suffit pas et, faisons le pari, ne servira à rien. Il convient donc, avant de mobiliser hommes et moyens, de bien reconnaître le terrain sur lequel on doit mener les opérations de lutte car c'est en fonction du terrain et de l'objectif à atteindre que s'effectuent le choix et lallocation des ressources. Mobiliser des agents de l'ordre ne peut pas et ne pourra jamais être la solution à cette violence qui a envahi les stades sur tout le territoire national. La preuve, c'est que la présence des agents de sûreté n'a pas empêché cette violence de progresser. La violence dans les stades n'est finalement que le symptôme d'un phénomène plus grand et plus important qu'il convient de déterminer et d'éradiquer de la société.
Détérioration des valeurs
Pour éradiquer la violence dans les stades, il faut lutter, non pas au niveau des stades et des clubs, comme on est en train de penser, mais bien en amont. Bien sûr, l'apport des agents de l'ordre est précieux et impératif, mais il y a lieu de comprendre que cet apport doit avoir lieu uniquement dans une optique curative, pas plus. Le gros du travail, celui à faire à la base, revient à la famille et à l'école. Deux institutions qui ont malheureusement déserté leur rôle et abandonné leurs responsabilités depuis la fin des années 1970. Une école qui n'a jamais cessé de descendre aux enfers de la médiocrité et de l'insouciance et une famille qui a été traînée de force dans les grottes affreuses d'un quotidien qui l'a déchirée. L'appât du gain facile ainsi que la place prépondérante du matériel qui émergèrent, soudain chez nous, comme de nouvelles grandes valeurs, suite à une destruction violente et programmée des structures sociales, ont entraîné des déviations incroyables par rapport à nos valeurs, à nos repères et même par rapport à nous-mêmes. Nos valeurs ont été brûlées comme une mauvaise herbe puis oubliées et les repères ont été déracinés de notre quotidien tels des troncs d'arbre pourris. Les mauvaises valeurs chassant les bonnes, on n'a pas tardé à subir l'envahissement des écoles par la médiocrité à partir du moment où des inconscients avaient cru bon d'ouvrir les portes de l'enseignement à tous ceux qui échouaient dans les années 1970. C'est notre réalité, cette réalité qu'il faudrait cesser de voiler comme on voile sa frustration, son handicap ou ses vices car, tant qu'on se cache de ses propres maux, il sera impossible de s'améliorer. L'entrée dans la fin des années 1970 de ceux qui échouaient aux examens de fin de collège à l'enseignement, a fini par donner un sérieux coup à l'école algérienne. Nous eûmes l'occasion de le vérifier dix, quinze et vingt ans plus tard, lorsque des élèves de terminale n'arrivaient pas à écrire une lettre ou lorsque, quelques années plus tard, le niveau de l'université chuta dangereusement. L'école n'éduque plus chez nous, elle se contente de retenir nos enfants pour les aider à passer leur temps. Or, ne pas éduquer, c'est encourager la manifestation des instincts, de la brutalité, de la violence sous toutes ses formes. Et quand on dit école, on entend par là tous les paliers, supérieur y compris. A cela, il faut ajouter l'inconscience de ceux qui s'étaient amusés, des années durant, à permettre à qui le souhaitait de tester des réformes ou des pseudos réformes sur cette école. Des générations sont passées dans le laboratoire des institutions d'ici et là sans que cela apporte quoi que ce soit. Nos enfants en ont vu, les pauvres, de toutes les couleurs. Un palier à trois ans, puis à quatre ans, puis rebelote, à trois ans, sans qu'on nous donne jamais la moindre explication, pourquoi ceci et pas cela.
A chacun son boulot
En parallèle, la famille se désagrégeait progressivement sous l'influence de nombreux facteurs dont certains positifs liés à la modernisation de la vie alors que d'autres, cependant, étaient étroitement liés à la difficulté de la vie. A la misère. Cette famille dont les nombreux éléments s'entassaient dans des espaces insuffisants et dont le père menait une lutte permanente pour le bout de pain maudit, n'avait ni le temps ni les moyens de s'occuper des enfants. En plus, la violence qu'elle vivait en permanence se transmettait irrémédiablement aux enfants. Si à cela on ajoute la malheureuse période du terrorisme, que chacun dans ce peuple a vécue de manière traumatisante, alors nous aurons un tableau presque complet de la violence chez nous. Cette violence se manifeste là où elle peut et, bien sûr, là où elle est encouragée par le silence ou, surtout, par l'incompétence des responsables. Les stades ne représentent donc qu'un des terrains de sa manifestation et tenter de l'éradiquer dans ces lieux ne résoudra pas le problème, car c'est comme si l'on tentait de soigner une plante en soignant ses fruits. Qui devra donc s'occuper d'éradiquer la violence dans nos stades' Il faut remonter en amont, loin en amont. Depuis la famille, en passant par l'école, chacun à sa place et chacun dans son rôle, nous nous devons de déraciner cette violence du comportement de nos enfants. Bien sûr les clubs et les comités de supporters peuvent jouer un rôle, mais ce rôle ne sera qu'un rôle d'appui, de soutien, sans plus. Il n'appartient pas à la police de jouer le rôle de l'éducation ou encore moins, celui de la famille. La police ne peut intervenir que de manière ponctuelle, conjoncturelle, alors qu'il s'agit là d'un problème structurel qu'il faut prendre en charge autrement qu'en envoyant des agents de l'ordre dans des stades, car ces agents ont pour mission, en réalité, de maintenir l'ordre dans le stade, comme partout ailleurs dans le monde, mais pas d'éradiquer la violence, cela relève d'autres acteurs. Il ne faut pas qu'il y ait, en plus, erreur sur les responsables et les responsabilités dans la lutte contre la violence. La police fait déjà son travail et elle le fait bien, que chacun fasse le sien!


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