Le suspense continue en Libye concernant la personnalité qui aura la charge de diriger le pays en cette deuxième phase de la transition. Mahmoud Jibril a le vent en poupe dans la rue, mais les islamistes veulent lui barrer la route.
Libye.
De notre envoyé spécial
Cela fait deux jours que les membres du Conseil national général libyen écoutent successivement les huit candidats à la présidence du gouvernement présenter leur programme pour sortir le pays de la dérive qu'il vit et à laquelle il est impératif d'échapper.
Ainsi, Awadh Al Baraâssi, actuel ministre de l'Electricité et candidat du Parti de la justice et de la construction (PJC), issu des Frères musulmans ; Mahmoud Jibril, ancien chef de l'exécutif du Conseil national de transition (CNT) et leader de l'Alliance des forces nationales, le parti ayant réuni 39 sièges parmi les 80 accordés par listes ; Mustapha Abou Chagour, actuel vice-Premier ministre et présenté comme un proche des islamistes ; Abdelhamid Naâmi, leader du Parti du centre libyen, ainsi que Mabrouk Zouaï, Fathi Akkari, Mohamed Al Mofti et Mohamed Abou Rouin se sont succédé à la tribune du CGN pour répondre aux questions.
Les dernières tractations montrent qu'autant le peuple plébiscite Mahmoud Jibril, les islamistes essaient de l'éviter, et faute de leur candidat, Awadh Al Baraâssi, celle de Mustapha Abou Chagour, mais ils ne veulent pas, non plus, aller contre la rue. D'où ce désir d'un compromis.
Il faut également s'assurer un minimum d'harmonie pour le premier gouvernement issu d'une chambre élue et de renvoyer à plus tard les hostilités. Ce sera plutôt un round d'observation en cette nouvelle étape de transition, avant le prochain rendez-vous électoral dans un an qui va déboucher sur un gouvernement sorti des urnes, selon la Constitution et la loi électorale que va définir le Conseil national général élu le 7 juillet dernier. Ce sera alors une autre histoire.
«Il est vrai que ce choix a été imposé par une situation loin d'être reluisante dans une Libye qui manque de tout, à part les moyens financiers», remarque l'universitaire constitutionaliste, Abdelkader Kaddoura. «Il s'agit surtout de sécuriser le pays et de le doter d'un minimum vital d'institutions, ce qui ne saurait se réaliser qu'avec un choix consensuel entre les principales forces politiques durant la transition pour assurer plus d'efficacité», poursuit-il.
Contrastes et défis
Le principal contraste en Libye, c'est l'opposition entre les richesses immenses du pays et la quasi pauvreté de la population et de l'infrastructure. «Il ne s'agit pas uniquement de pétrole, il y aussi un littoral de près de 2000 km, des sites archéologiques de notoriété internationale et, surtout, des compétences reconnues à l'échelle internationale qui ont été obligées à l'exil par le régime déchu», constate Mahmoud Jibril lors d'une conférence à Zentane pour présenter le programme de son alliance. «La tâche d'un gouvernement issu du peuple, c'est de parvenir à mettre les richesses de la Libye au service du peuple libyen», propose-t-il, suscitant un engouement populaire, comme l'indiquent les résultats obtenus par les listes de Jibril lors des élections.
«La mission du Premier ministre ne sera pas aisée», selon le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Mayadine Ahmed Fitouri, rencontré à Benghazi. «Il y a surtout l'insécurité régnante dans le pays et qui n'encourage pas les investisseurs à venir. Ce phénomène est renforcé par une attitude passive, à la limite de la bienveillance du gouvernement d'Al Kib qui achète le silence des milices qui n'ont pas rallié la légalité en leur accordant des pensions régulières», s'indigne-t-il. `
Enjeux
Le principal défi pour Fitouri, c'est d'atteindre un minimum vital nécessaire de sécurité civile.La juge Naïma Jibril va dans le même sens. «Le prochain gouvernement de transition devra impérativement sécuriser la rue libyenne et institutionnaliser le port d'armes pour que le pays puisse avancer sur des programmes de développement», constate-t-elle, proposant «un gouvernement consensuel de techniciens pour diriger cette nouvelle phase de transition». Le défi de la sécurité n'est pas indépendant de plusieurs autres spécificités de la scène libyenne, dont la justice transitionnelle. «S'il est vrai que la reddition des comptes est nécessaire avant de tourner la page, il ne s'agit surtout pas d'actes délibérés de vengeance, comme nous ne cessons de le voir depuis la chute du régime déchu», remarque la militante des droits de l'homme, Hana Guellal, qui attire l'attention sur les centaines de milliers de Libyens exilés essentiellement en Egypte et en Tunisie, ainsi que des tribus chassées de chez elles dans plusieurs régions libyennes, «accusées d'avoir été du côté d'El Gueddafi». «Il ne s'agit pas non plus de rapatrier les apôtres du régime déchu, comme Baghdadi Mahmoudi ou Abdallah Senoussi, à coup de centaines de millions de dollars, rappelant les pratiques de l'ancien dictateur à l'égard de ses opposants», ajoute le journaliste Ahmed Fitouri.
«Il est certes nécessaire de dévoiler la vérité, mais il est surtout impératif d'établir des normes pour la reddition des comptes afin de rétablir la quiétude et l'harmonie au sein de la société, condition essentielle à tout redressement dans le pays», pense l'universitaire Mansour Younes, ancien membre du Conseil national de transition, qui a gouverné en Libye durant l'année ayant suivi la chute d'El Gueddafi.La transition se poursuit certes en Libye, mais son issue reste tributaire de plusieurs facteurs, dont le plus important est le rétablissement de la sécurité sans retomber dans la dictature. Qui en assurera la responsabilité ' En principe, la décision sera rendue aujourd'hui à moins d'un éventuel report de dernière minute.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 12/09/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mourad Sellami
Source : www.elwatan.com