Algérie

Le Sud Libyen, «un Afghanistan de proximité»



Le Sud Libyen, «un Afghanistan de proximité»
Cette perception prémonitoire que le danger principal en termes sécuritaires pourrait bien venir du sud de la Libye vient de faire l'objet de trois piqures de rappel. Le 27 janvier dernier, la veille de son départ à la retraite et comme en guise d'héritage, l'amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées françaises déclare devant la presse qu'«en Libye, l'idéal serait de monter une opération internationale. Le problème du sud de la Libye, c'est qu'il faudrait qu'il y ait un Etat dans le nord...»Menaces sur le Tchad, le Niger et la MauritanieDeux jours plus tard, c'est le directeur du renseignement américain (DNI) James Clapper qui remet le couvert dans un document remis au sénat. Il décrit le Sahel, et plus particulièrement le sud de la Libye, comme un «incubateur pourles groupes terroristes». Il met tout spécialement en garde les pays africains qui ont soutenu l'opération Serval. «Les gouvernements de la région du Sahel, particulièrement le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie, courent le risque d'attaques terroristes, essentiellement en représailles à leur soutien à l'intervention militaire française au Mali en janvier 2013.»Simultanément, plusieurs experts du Pentagone braquent l'objectif surune «vaste zone de non-droit allant de la Guinée-Bissau à la Somalie». La situation dans l'est et le sud de la Libye est particulièrement inquiétante pour le Pentagone qui déplore «des frontières particulièrement poreuses, avecdes quantités massives d'armes en circulation. Ces flux déstabilisent davantage le pays, le Maghreb et l'ensemble de la zone sahélienne». Enfin, concluait James Clapper, «le sud de la Libye comme la Somalie sont des creusets terroristes où des filières d'Al-Qaïda - dont les capacités ont été réduites -, se sont reconstituées en organisant de vrais sanctuaires ayant valeur de profondeur stratégique à partir de laquelle tous les pays de la zone sont potentiellement menacés».Prolifération de camps d'entrainementEnfin tout récemment Le Canard Enchaîné a révélé que l'armée algérienne effectuait «des opérations spéciales dans le sud de la Libye afin de démanteler des camps d'entraînement djihadistes».Dans ce contexte, plusieurs sources du renseignement français confirment ladangerosité d'un «segment criminogène», un axe qui coure de la ville frontalière libyenne de Ghât à Sebha. Ghât est une oasis saharienne située dans le Fezzan, sur les contreforts du mont Koukoumen dans le Tassili n'Ajjer, à proximité de la frontière avec l'Algérie et de l'oasis algérienne voisine de Djanet. Sebha est la capitale du Fezzan et du district de Sebha. Elle est située à 660 km au sud de Tripoli, au milieu du désert Libyque. La population de cette oasis est estimée à quelque 150 000 habitants.Les mêmes sources précisent qu'une dizaine de camps de formation, d'entraînement et de fabrication de véhicules piégés se sont installés le long de ce segment. À partir de ce dispositif opérationnel, une multitude de camps secondaires et de points d'appui ont été déployés dans les différentes zones montagneuses de la région et tout particulièrement dans le massif de l'Aïr, menaçant principalement le Niger qualifié de «maillon faible» par un colonel durenseignement militaire français. Ces camps du sud libyen accueilleraientplusieurs milliers d'activistes en provenance de Tunisie, du Maroc, de Mauritanie, de Libye, du Soudan et de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest dont le Sénégal, la Gambie et la Guinée Bissau. Hormis les techniques de combat rapproché, trois formations spécialisées y seraient enseignées : le maniementd'explosif et la confection de véhicules piégés, la prise et la gestion d'otages, l'immersion dans les populations locales, les savoir-faire de sabotageet d'embuscade.Parmi les «instructeurs», on dénombre pas mal d'anciens «Afghans» et cadres djihadistes pakistanais, des chefs de katiba du Sinaï égyptien en liaisonavec l'appareil clandestin des Frères musulmans et des rescapés des GIA et Gspc algériens recyclés dans la nébuleuse d'Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique). Outre l'appui des populations des oasis locales qui bénéficient de 4X4, de carburant, d'espèces sonnantes et trébuchantes, les deux principaux flux de support logistique proviennent de la région de Benghazi (Cyrénaïque) etde plusieurs filières tunisiennes et marocaines. Cet ensemble entre en convergence d'intérêts, sinon de capacités opérationnelles avec les sous-traitants locaux des cartels latino-américains de la cocaïne. Des deux Guinée à la Mauritanie, ces derniers disposent de têtes de pont aéroportuaires très organisées avec la complicité des élites politiques et militaires de ces mêmes pays.Menaces de «sahélisation» en Afrique de l'OuestOn touche ici au volet maritime du sanctuaire terroriste du sud-libyen. Cette menace polymorphe préoccupe de plus en plus les pays de l'Afrique de l'Ouest en danger de «sahélisation». En effet, cette maritimisation de la crise empile à son tour plusieurs dynamiques criminogènes mêlant de manière interactive les trafics d'êtres humains, les pêches illégales et la piraterie maritime du Golfe de Guinée. Celle-ci connaît une expansion double : vers le nord, le long des côtes du Bénin, du Ghana et du Togo ; vers le sud en direction de l'Angola où les gangs nigérians et ceux de Luanda ont essaimés nombre de joint-ventures de plus en plus lucratives.Ainsi, les responsables sécuritaires africains, européens et américains se retrouvent face à la même évidence :l'interface de la sanctuarisation terroriste du sud-libyen est désormais maritime et nécessitera des moyens de riposte adaptés comme l'ont été ceux déployés au large des côtes somaliennes.R. L.In mondafrique




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