Algérie

le Sud, cette nouvelle corne d'abondance



le Sud, cette nouvelle corne d'abondance
Le Sud, cette nouvelle corne d’abondance
par farouk Zahi

La vallée du M’Zab, encore assoupie en ce matin clair de mi-novembre se réveille pour reprendre sa fébrilité coutumière. Il est 6 h, à partir du belvédère du Moustajab (1), l’immense plage de lumière s’étend à perte de vue de l’ancienne palmeraie de Benghanem à Beni Izguen la neuve partie à l’assaut du contrefort sud du plateau qui mène vers l’aérodrome de Noumeirat. On devine Dhaia Ben Dhahoua des M’Dhabih au nord ouest et El Attaf au sud-est. Ces deux localités aux deux extrémités du vallon sont séparées par une distance qui avoisine les vingt cinq kilomètres. L’homme, le cultivateur s’est toujours installé à proximité de l’eau puisée à même le cours. Les crues même dévastatrices parfois, lui permettaient de gagner des parcelles en friche mais fraichement inondées. C’est ce qui appelé localement : l’Adhira. Sortie de son écrin, Ghardaia s’étend sur Bouhraoua, nouveau quartier résidentiel disposant de structures étatiques nouvelles et de centaines de logements individuels. Construit en conurbation, le nouveau peuplement s’étire sur la double voie qui mène vers le nord du pays. Jalouse de son particularisme urbanistique, Ghardaïa a su se préserver du logement vertical qui dépersonnalise et pervertit l’esprit citoyen. Le matériau local encore usité et constitué de moellons de pierre et de la chaux, apporte encore au bâti cet aspect de fraicheur qui lutte contre la canicule. Le crépissage grenelé appelé : El Ardjoun obtenu par le squelette du régime de datte dont on fouette le crépissage frais. Les petites alvéoles ainsi réalisées, réduisent de plus de 50 % l’ensoleillement des façades.

A une vingtaine de kilomètres, Oued Nachou ce nouveau pole urbain projeté à la fin des années quatre vingt et frimé pour son éloignement, explose sous la contrainte des effets des inondations de 2008. S’il le premier noyau a été sécurisé contre les ondées, le nouveau tissu urbain, réalisé certainement dans la précipitation, est malheureusement sous la menace hydraulique par sa topographie déprimée. Ses coquettes maisonnettes, alignées de manière rectiligne ne semblent pas graviter autour d’un centre. Berriane à 25 kilomètres au nord, se réveille et vaque à ses occupations. Les fourgons de police sont toujours stationnés aux points de jonction des communautés qui se sont affrontées violemment dans de dramatiques échauffourées. En prenant la route de Guerrara située à 75 kms vers l’est, l’on remarque l’extension fulgurante de l’ancienne bourgade. La construction privée faite de pierre non encore crépie, dénote du génie ancestral du maniement de ce matériau. En rectitude, il ne donne pas la désagréable sensation d’inachevé qu’offrent les « bidonvillas » d’ailleurs. La route bien asphaltée depuis Ghardaïa se déroule sans à coups et permet un roulage serein. Pas âme qui vive entre les deux agglomérations. Si Berriane se décline comme ville industrieuse : Plâtre, céramique, accumulateurs électriques, Guerrara qui a été le fleuron de la petite industrie notamment la bâche et le textile, s’est résolument tournée vers l’agriculture vivrière et l’élevage bovin. Gagnant de nouvelles parcelles sur la Hamada, elle a renforcé la phoeniciculture par de nouvelles variétés de datte et introduit des techniques modernes culturales par l’épandage et l’irrigation par goutte à goutte ou par pivot. Le bassin laitier est visible à travers le produit de sa laiterie et la noria de petites camionnettes surmontées de citernes en inox étincelant. Cette cité réputée conservatrice de l’Ibadisme ne semble plus être effarouchée par les attributs de la modernité. L’heure était à la rentrée des classes, des jeunes, filles et garçons, prenaient gaiement le chemin de l’école.

El Hadjira, dans l’extrémité nord est de la wilaya de Ouargla est signalée à près de 100 kms. Cette localité anciennement déshéritée semble sortir peu à peu de sa torpeur. Elle constitue avec son satellite El Alia, un centre ancestral de rayonnement spirituel et intellectuel. Les célèbres poètes et frères Sayhi sont issus de cette matrice saharienne qui fait du savoir, une de ses principales nourritures. La zaouia, parée ce jour là pour un événement, est un des centres de la diffusion coranique qui rayonne sur plusieurs contrées. Une hideuse image d’une palmeraie aux troncs fantomatiques s’offre, cependant à la vue à l’entrée du village. A une encablure, une nouvelle route fonce directement sur El Hamraia dans la wilaya d’El Oued qui serait le fief de l’ascendance de Ali Belhadj.
Deux jeunes gendarmes régulant à la circulation au carrefour, nous dissuadent de la prendre pour raison de dégradation. La route en ligne droite va rejoindre le kilomètre 80 situé sur la route Touggourt-Ouargla. Le carrefour anciennement mortel, est présentement aménagé et éclairé nuitamment. Une route conduit directement à Hassi- Messaoud ; on projetterait de construire sur cet axe la nouvelle ville pétrolière.
Aux portes de Oued Righ, la circulation est plus dense. L’agglomération du Grand Touggourt composé de 4 communes, est annoncée par une ancienne briqueterie publique, probablement, privatisée à l’heure qui l’est. Les territoires de Zaouia El Abidia et Timacine, s’enfoncent dans les profondeurs oasiennes à droite de la route. Cette dernière localité rendue célèbre par l’illustre tariqua Tidjania, est le deuxième pôle religieux après celui de Ain Madhi.
La nouvelle route du Souf évitant l’agglomération urbaine, longe l’aérodrome desservi par des Fokkers à partir d’Alger. Cet acquis n’en constitue pas moins la fierté des Touggourtis ; il leur permet encore de rallier la capitale sans en référer au chef lieu de Wilaya. Ayant nourri l’espoir d’être élevée au rang de wilaya la capitale de Oued Righ, rumine son dépit tout autant que Ain Beida et Bou Saada pour ne citer que les cités urbaines les plus échaudées par l’organisation territoriale de 1974.

Sur les 90 kilomètres à parcourir pour aboutir à la capitale du Souf, la monotonie est brisée par des plages verdoyantes sorties du néant dunaire. Des noms de lieux évocateurs, déroulent une histoire du terroir oasien. Mouih Ali et sa jeune zaouia, Bennaceur (probablement, Benchohra le célèbre résistant de Laghouat) (2) M’Nagueur , Taibate (à ne pas confondre avec tayabate), Bent El Mekocheur (La fille du renfrogné), Mouih Enssa (la fontaine des femmes) et enfin Ouled Allenda. Cette référence à la femme revient souvent dans la topographie traditionnelle, on le constate dans la dénomination de Oued Enssa qui dévale des confins de Laghouat et qui traverse les communes de Guerrara et El Hadjira. Tous ces petits groupements de population, présentent fièrement à la vue des passants, leur poste pimpante, leur collège ou leur polyclinique. Une rue principale à double voie, piquée de quelques candélabres pompeux donnent l’illusion d’un centre urbain sans, cependant, la foule qui déambule. Peu de gens sont attablés aux rares terrasses de café. De petits taxis clandestins, tous de couleur blanche et de même marque sud coréenne assurent le transport interurbain entre cette multitude d’agglomérations. Il semble que la population est totalement occupée par le secteur agricole. Des niveleuses sont affairées à dessabler de futures parcelles. Ces petites parcelles de deux à trois ares, irriguées par un seul pivot sont apparemment destinées à la culture de la pomme de terre. Cette spéculation est en passe de devenir la première ressource agricole de Oued Souf dont la production avoisine les 7 millions de quintaux. Qui a dit que le Sud est inculte ?
El Oued sent l’opulence à des kilomètres à la ronde Ancien centre commercial, cette mégapole s’étend dans tous les sens. De style architectural recherché, ses grandes demeures huppées rappellent l’orient mystérieux. L’arc de cercle constitué par Hassi Lefhal (Ghardaia), Messaad (Djelfa) El Maadher (Bou Saada), Bordj Benazouz (Biskra) et El Oued sera sans nul doute le grenier des temps modernes. Il n’aura fallu que d’une débureaucratisation volontariste pour que l’acte agricole reprenne tous ses droits.

(1) Lieu haut situé et emblématique. Il oblige les cortèges nuptiaux à s’y arrêter pour la « baraka »
(2) L’Emir Mahieddine, aurait contre la volonté de son père, Abdelkader, déclenché l’insurrection de 1871 du Souf. Il fut soutenu par Bennaceur Benchohra( Kamel Bouchama : Les Algériens Fi Bilad Ec Cham)
Le 22 novembre 2011



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