Algérie

Le street art s'impose



Très tôt orphelin de père et de mère, ne pouvant rester dans son village de Tighzert à Ath Djellil (wilaya de Béjaïa), Rachid Benzema s'est pris en main.Son récit, Mémoire vive, publié aux éditions El Othmania, nous apprend beaucoup sur l'auteur, militant aguerri. Mais aussi et surtout sur une époque dure qu'il a traversée sans se résigner. Dans un style léger mais grave, l'auteur nous fait dans les six chapitres de son récit, qui se lit d'une seule traite, les petits portraits des personnes qu'il a connues dans sa région natale, à Alger et quand il a émigré en France.
Il commence par celui, très émouvant ? qui nous rappelle les descriptions de Fathma Aït Mansour Amrouche ? de sa très chère mère emportée, très jeune, par la maladie. «Djida ma mère, ma tendre, ma merveilleuse, Djida si jeune, si belle, a payé chèrement le prix de son veuvage», décrit-il en évoquant les souffrances qu'a vécues cette femme qui ne voulait pas se séparer de son fils.
Privé de sa mère et sans le sou, l'enfant kabyle s'embarque dans le train pour Alger. Survivant avec d'autres petits «yaouled», l'adolescent décide de chercher du travail. Le destin a voulu qu'il s'installe dans la ferme d'un propriétaire terrien de Fort-de-l'Eau (Bordj El Kiffan), dont la femme, Mme Dolores, l'a pris pour son fils, disparu dans un tragique accident de vélo.
Apprenant à vivre «dans la peau du fils disparu», Rachid qui a appris à vivre avec Denise, la fille de Mme Dolores, quitte, après quelques années, la ferme et se retrouve à nouveau «sur les routes en quête de gîte et de pitance». Il s'installe dans des fermes de la Mitidja et d'Alger-Est, où il a subi le racisme des gros colons. Dans une gargote de Réghaïa où il est embauché, il sera séduit par les militants nationalistes. Il prendra donc la décision de s'embarquer pour la France.
A Saint-Etienne, grande ville industrielle, il s'engage à bras-le-corps dans le combat pour l'indépendance de l'Algérie. Après un bref séjour à Ath Djellil, il retourne dans le département de la Loire, où il participe à l'implantation de l'organisation clandestine du FLN. Sous la direction de Omar Harraigue, il constitue des groupes de choc pour riposter aux attaques du MNA de Messali Hadj. Un fait parmi d'autres : c'est Rachid Benzema, qui charge, au printemps 1957, Leguague Ammar de contacter Rachid Mekhloufi, alors grande vedette du club stéphanois (AS Saint-Etienne).
Le joueur a remis «une somme d'argent qui couvre une année de ??retard'' de cotisation et une contribution substantielle pour soutenir la Révolution». M. Benzema ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Menant avec ses compatriotes militants des actions d'éclat, il sera arrêté le jour de ses 25 ans (22 décembre 1957). Emprisonné, l'administration française décide de le transférer à la prison de Maison-Carrée (El Harrach).
C'est dans l'infirmerie de cette prison qu'il a eu l'heureuse surprise de faire la connaissance de Mohamed Khemisti, futur jeune ministre des Affaires étrangères de l'Algérie libre. L'auteur a connu la vie des camps de regroupement (Beni Messous, Bossuet, Saint Leu?), où il a rencontré, là aussi, des militants de valeur, comme le capitaine Saidi Saddok, dont il dresse un portrait élogieux.
Assigné à résidence, M. Benzema ne cessera pas pour autant ses activités politiques. Après le cessez-le-feu, il est expulsé vers Alger, où il sera affecté au service de deux grands chefs historiques, Mohamed Boudiaf et Aït Ahmed, dans le cadre de la Brigade spéciale. Le livre, merveilleusement bien écrit, doit être mis entre les mains des jeunes auxquels l'auteur a décidé de dédier son récit. D'ailleurs, c'est à ces derniers qu'il réserve sa conclusion.
Commençant par affirmer qu'il n'a fait que son devoir d'Algérien, M. Benzema exprime sa tristesse de voir ses compagnons de combat qui ont son âge «persister à ne pas vouloir transmettre le flambeau». «Et si enfin, ma génération ouvrait les portes de la liberté et cessait de douter des capacités de notre jeunesse à prendre sa destinée en main ! Nous n'avions pas vingt ans quand, nous, nous avons pris les armes pour libérer notre pays !» conclut-il, très perspicace, son texte lumineux.
Retraité de la wilaya d'Alger, Rachid Benzema, qui fête aujourd'hui ses 85 ans, vit entouré de l'amour des siens. Rachid Benzema, Mémoire vive, Le long combat d'un enfant de la Soummam pour la liberté et la dignité, Dar El Othmania, Alger.


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