Algérie

Le stockage effréné fait augmenter les importations Filière céréalière en Algérie



La filière céréalière algérienne observe une évolution des plus contrastées en termes de rapport importations/production locale.Ces quatre dernières années, les niveaux atteints par la production locale, tel qu'il ressort des bilans officiels, connaissent un bond exceptionnel comparativement aux précédentes années. Depuis le fameux record des 62 millions de quintaux enregistrés en 2009, la production locale céréalière continue à observer une trajectoire qui la distingue des années d'avant malgré des fluctuations d'une saison à une autre en enregistrant respectivement 42 millions de quintaux en 2010, 45 millions de quintaux en 2011 et 53 millions de quintaux en 2012.
Pour l'année en cours, les prévisions les moins optimistes tablent sur 55 millions de quintaux. Laquelle courbe s'inscrit bien au-dessus de la moyenne des 30 millions de quintaux du début des années 2000 ou des 22 millions de quintaux des années 1990. Toutefois, cette procession de chiffres qui se suivent d'année en année est loin de refléter, à elle seule, une quelconque fructification des efforts consentis pour réduire la forte dépendance du marché international des matières premières agricoles. La cause, les importations continuent à évoluer au même rythme que les années d'avant sans fléchir, avec une moyenne annuelle de 50 millions de quintaux en blé dur et tendre uniquement sans compter les céréales destinées à l'alimentation animale (maïs et soja) dont les importations atteignent en moyenne les 30 millions de quintaux/an. En valeur, les importations céréalières fluctuent en fonction des cours sur le marché international, atteignant un pic record de 4 milliards de dollars en 2008 dans le sillage de la crise alimentaire mondiale qui a ébranlé tous les marchés des produits agricoles. Avec une telle position et malgré un discours optimiste vantant le progrès de la production locale céréalière et les efforts de réduction de la facture alimentaire, l'Algérie est toujours perçue comme un marché stratégique et convoitée par les principaux producteurs mondiaux de céréales. Elle est en effet le 4e importateur de céréales (hors riz) dans le monde et deuxième en Afrique après l'Egypte. Plusieurs raisons sont à l'origine de cette équation aussi controversée dans laquelle la production locale et les importations constituent deux variables qui observent la même tendance haussière alors qu'elles devaient être complémentaires.
Stocks de sécurité et production locale : des zones d'ombre
Outre le fait que l'Algérie demeure un grand importateur de blé tendre, vu les faibles rendements en la matière au niveau local et la demande croissante en farine boulangère, ce sont les stocks de sécurité qu'il y a lieu de remettre en question. «La reconstitution des stocks de sécurité» est toujours mise en avant par l'OAIC pour justifier les opérations d'importation massive de céréales. Censés couvrir théoriquement une période de 6 mois de consommation minimum, soit une moyenne de 35 millions de quintaux, ces stocks favorisent la hausse des cours sur le marché international à chaque lancement d'un appel d'offres par l'OAIC, vu l'ampleur de la transaction. Cependant, peu d'informations filtrent sur la situation réelle desdits stocks, inscrits au chapitre des «secrets d'Etat» (déclaration du ministre de l'Agriculture), ce qui empêche en conséquence d'avoir une meilleure visibilité sur les besoins du marché algérien en blé. La défaillance du système statistique, lui aussi, maintient le flou sur les potentialités réelles de la céréaliculture locale.
Fausses déclarations
En d'autres termes, une simple adition entre le volume des importations qui est de 50 millions de quintaux/an en blé et une production locale presque de même niveau fait ressortir des disponibilités avoisinant les 100 millions de quintaux alors que les estimations officielles évaluent la demande nationale à moins de 71 millions de quintaux, sur la base d'une consommation moyenne de 187 kg/an/hab (Foued Chehat, directeur général de l'INRAA, 2013). Ainsi, la différence de près de 30 millions de quintaux qui en ressort justifie le décalage, énorme soit-il, entre les récoltes locales déclarées et les rendements réels. A cet égard, il est utile de préciser que depuis la mise en 'uvre de la politique des contrats de performance qui soumet les administrations locales du secteur agricole au niveau des wilayas et les organismes sous tutelle à une sorte d'obligation de résultat, les responsables locaux vont jusqu'à annoncer des taux de croissance et des rendements fictifs pour éviter toute éventuelle sanction, ne serait-ce que morale, en cas d'échec.
Les producteurs céréaliers, eux aussi, se livrent à ce jeu des «fausses déclarations» en avançant des volumes de récolte fictifs dans le but de glaner les subventions allouées par les pouvoirs publics à la filière céréalière, et ce, bien évidemment avec des complicités au sein des structures locales du secteur et des CCLS.
Par ailleurs, la qualité du blé local, souvent rebutée par les semouleries et les boulangeries, est l'autre facteur qui favorise la hausse des importations. Selon des professionnels de l'agro-industrie, le blé produit localement est souvent destiné à l'alimentation animale, faute d'une qualité requise pour son utilisation dans la transformation agroalimentaire.
Tel est donc le climat global dans lequel évolue le marché algérien des céréales qui, en l'absence d'une meilleure cohésion entre les différents maillons de la filière et faute d'un diagnostic exhaustif et réel du secteur, demeure fortement dépendant des importations et constitue un poste de dépense important sur le budget de l'Etat.


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