Algérie

Le stalag et la loi du Pecos



C'est de Rome que le président G.W. Bush a appris la décision de la Cour suprême des Etats-Unis reconnaissant aux détenus du bagne de Guantanamo le droit de se pourvoir devant des tribunaux civils pour contester le sort qui leur est fait dans la détention hors de tout fondement juridique dans une zone de non-droit. Plus qu'un désaveu, il s'agit là pour le président Bush d'un camouflet d'une extrême sévérité. L'arrêt de la Cour suprême, le troisième du genre depuis 2004, confirme l'illégalité et le caractère exorbitant de droit des mesures édictées par l'administration néoconservatrice. La mise au secret sans charges notifiées et pour des durées indéterminées d'individus est un acte inacceptable au regard du droit et de la raison. L'emprisonnement sans procès juste ni possibilité de recours est une abjection. Il restera dans l'histoire qu'un grand pays fondé sur la sacralisation de la loi et se représentant comme le summum de la démocratie, a permis une régression extraordinaire en inventant la forme moderne des lettres de cachet et en installant les oubliettes de Guantanamo. En opposant, dans la tradition totalitaire, la sécurité à la liberté, les fanatiques religieux au pouvoir avec George W. Bush ont très gravement porté atteinte à l'image et à la crédibilité des Etats-Unis. Tous ceux qui croient dans la lutte politique et la confrontation pacifique des idées ont vu dans ce mode de gestion l'expression de la brutalité et du culte de la force propre aux dictatures les plus primitives. En effet, la seule ligne de démarcation entre ceux qui prêchent la violence indiscriminée et ceux qui prônent une société civilisée au sens universel du terme, réside dans le respect du droit. En recourant à de telles méthodes, l'administration américaine a démontré par les souffrances abominables infligées à des centaines de personnes privées de défense, que le retour à la loi de la jungle pouvait se justifier. En ce sens, ce n'est pas seulement la lettre mais l'esprit, dans son acception la plus stricte, de la Constitution des Etats-Unis qui a été violé. S'il ne peut s'opposer à la décision des juges, n'ayant plus la marge de manoeuvre pour changer les lois en s'appuyant sur une majorité républicaine aujourd'hui disparue, le président Bush conserve la capacité de bloquer la situation. Il ne faut donc pas s'attendre à la fermeture du stalag de Guantanamo avant le départ effectif, en janvier prochain, de l'actuel locataire de la Maison-Blanche. Le chef de file des néoconservateurs montrera ainsi qu'il est le digne continuateur des partisans de la loi du Pecos, nom du système de sauvagerie légalisé et d'injustice qui prétendait autrefois incarner et maintenir l'ordre à l'ouest du Texas. De pauvres gens dont la culpabilité n'est pas établie continueront donc à payer inutilement le prix absurde de la bêtise et de l'aveuglement. Le terrorisme ne se combat pas par l'arbitraire. La chasse résolue et le châtiment des criminels, quels qu'ils soient et quelle que soit la cause dont ils se réclament, ne sauraient être le prétexte à une barbarie institutionnalisée. Les juges l'ont sèchement rappelé à G.W. Bush. Mais le dommage causé à la réputation des Etats-Unis est incommensurable.


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