Algérie

Le spectre d'un épuisement dès 2021



Si la perspective d'un prix moyen de 35 dollars le baril venait à se confirmer, le solde des réserves de change tournerait autour de 30 milliards de dollars à fin 2020, soit moins d'une année d'importation.La pression monte pour la trésorerie publique, sérieusement mise à mal par la chute des cours pétroliers sur le marché mondial. Tel qu'anticipée dans le projet de loi de finances 2020, l'évolution du double déficit budgétaire et extérieur fait froid dans le dos. Le solde global de la balance des paiements devrait afficher un déficit de 18,8 milliards de dollars cette année, contre un déficit de 8,5 milliards de dollars, prévu initialement dans la loi de finances 2020.
Nonobstant le virage vers l'austérité que le gouvernement tentait de négocier, le déficit budgétaire devrait se creuser à son tour et passerait d'une prévision initiale de -1 533,4 milliards de dinars (7,2% du PIB) à -1 976,9 milliards de dinars, soit 10,4% du Produit intérieur brut. L'aggravation des déficits jumeaux traduit, qu'on le veuille ou pas, l'excès de la dépense intérieure, alors que les capacités réelles de l'Etat à même d'y faire face vont en s'affaiblissant. Preuve en est que les exportations d'hydrocarbures au titre de l'année 2020 devraient baisser à 17,7 milliards de dollars, alors que la valeur des importations s'établirait à 33,5 milliards de dollars.
Le budget rectifié de 2020 prévoit des dépenses internes de 7 372,7 milliards de dinars, contre une prévision de recettes de 5 395,5 milliards de dinars seulement. L'excès de la dépense intérieure est devenu la principale source de fièvre pour la trésorerie de l'Etat, dont les difficultés se révèlent de plus en plus insurmontables, en l'absence de ballons d'oxygène en dinar, alors que la hausse du déficit du compte courant, lié intimement à l'évolution du déficit de la balance commerciale, se traduira par une baisse inéluctable du stock en devises. Une situation inédite qui pourrait précipiter le recours à l'endettement extérieur dès l'année prochaine, alors qu'en interne, la planche à billets pourrait, certes, offrir un répit à très court terme, mais fera peser des risques considérables sur les perspectives économiques. D'autant que les besoins en financement évolueront crescendo compte tenu des attentes de l'économie, sérieusement malmenée par le coronavirus et l'absence de perspectives.
La Banque mondiale donne l'alerte
Si la perspective d'un prix moyen de 35 dollars le baril venait à se confirmer, le solde des réserves de change tournerait autour de 30 milliards de dollars à fin 2020, soit moins d'une année d'importation.
Dans son rapport de suivi de la situation économique en Algérie, publié en avril, la Banque mondiale anticipait une baisse à 24,2 milliards de dollars des réserves de change, soit environ 6,1 mois d'importations à fin 2020, sur la base d'un prix moyen de 30 dollars le baril. L'ampleur et la progression rapide des déficits budgétaire et courant "exigent une action urgente, car la dette publique augmente, les réserves devraient s'épuiser en 2021 et des engagements hors bilan sont imminents", avait alerté l'institution de Bretton Woods en avril.
Lié au déficit de la balance des paiements, l'épuisement dès l'année prochaine des réserves de change est un scénario très probable, de l'avis même de nombreux économistes, dont Lachemi Siagh, expert en stratégies et financements internationaux. "En raison du déficit du compte courant et d'un compte de capital pratiquement inactif, la baisse des réserves de change, qui étaient de 194 milliards de dollars à la fin de 2014, s'est accélérée avec une moyenne de 20 milliards de dollars par an. Le contexte de la crise pétrolière aggravée par la crise sanitaire va stimuler davantage cette accélération, ce qui présage d'un épuisement des réserves de change l'année prochaine", estime Lachemi Siagh, contacté par Liberté. Selon lui, la hausse à 18,8 milliards de dollars du déficit de la balance des paiements rapportée par le PLFC est "l'expression du fait qu'il y a plus de devises qui sortent (dividendes de sociétés étrangères, parts des associés de Sonatrach, importations de services) que de devises qui rentrent en Algérie".
Les économistes pessimistes
La Banque d'Algérie a maintes fois alerté sur l'excès de la dépense intérieure brute de l'ensemble des agents économiques sur le revenu national ; "autrement dit, quasiment l'excès des importations de biens et services sur les exportations".
Faute de réformes structurelles et d'ajustements budgétaires auxquels avait appelé la Banque centrale, l'érosion des réserves de change s'était accélérée depuis 2014 avec, au compteur, une ponction moyenne de 20 milliards de dollars par an. Cette fonte devrait s'accélérer encore cette année, dans un contexte de double choc pétrolier et sanitaire. "Le pouvoir a toujours compté sur la rente et refusé de créer une économie diversifiée et exportatrice capable de générer des rentrées de devises. De même il n'a pas été permis à des entreprises algériennes d'opérer à l'étranger et rapatrier des dividendes en devises. Dès lors, sauf mobilisation de financements extérieurs, ce que le gouvernement refuse de faire, il n'y a pas d'autres solutions à court terme que le recours au FMI", tranche Lachemi Siagh. Souhil Meddah, analyste financier, n'exclut pas, lui aussi, l'hypothèse d'une fin naturelle des réserves de change si cette situation de récession de l'économie mondiale venait à s'inscrire dans la durée.
En revanche, si cette situation de crise mondiale se révélait limitée dans le temps et ne dépasserait pas le début du quatrième trimestre de l'année, avec une probabilité que la reprise mondiale viendrait à doper les prix du pétrole vers le début 2021, "le rythme du déficit sera résorbé proportionnellement avec l'effet de limitation des dépenses et des importations", estime Souhil Meddah. D'après lui, seul un blocage total des engagements vis-à-vis de l'extérieur serait en mesure de limiter l'érosion des réserves de change.
Or, dans ce cas de figure, le verrouillage des transactions avec l'extérieur "affectera les ressources intérieures pour les pousser vers une situation de déséquilibre total". Pour ainsi dire, la situation des comptes extérieurs est jugée préoccupante et pourrait se solder par l'épuisement des réserves en devises dès l'année prochaine.
Ali Titouche


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