Quand les artistes s'emparent du drame des sans-papiers pour le mettre en scène. Le débat sur l'identité nationale en France a été un fiasco à tous points de vue, ce qui a finalement amené le gouvernement à passer ce dossier à la colonne pertes et profits.
Sur le terrain, les collectifs de soutien aux sans-papiers ont redoublé d'activité et d'engagement pour mettre la pression sur les préfectures et les amener à accepter les demandes de régularisation collectives. A Montpellier, en plus de ces collectifs, ce sont les artistes qui, par leurs différentes créations, ont investi les scènes pour affirmer que l'art est le meilleur moyen de lutter contre l'exclusion de l'autre.Ainsi, la compagnie Bout du Banc, créée en 2005, propose au Théâtre de la Vista un spectacle clownesque intitulé Frontières et interprété par Sabrina Sérusier. Dès la levée du rideau, le spectateur est intrigué par les quelques objets anodins qui traînent sur la scène et qu'on peut résumer en faisant un inventaire à la Prévert : une poubelle, deux cartons et des bouts de ficelle.C'est à partir de l'un de ces cartons que la scène s'anime pour laisser apparaître un corps de femme. L'immersion dans la réalité est un grand choc émotionnel pour ce clown un peu dégingandé mais souriant. Il donne l'impression d'être content de se trouver là et veut par tous les moyens se faire accepter par tous ceux qui le regardent. Il va multiplier les gestes et les maladresses qui, parfois, frisent le péril pour son intégrité physique. Une métaphore burlesque du parcours du combattant que doit endurer un étranger en arrivant sur une terre d'asile ou, du moins, censée l'être.Se frayer une place au soleil n'est pas une chose aisée et les désillusions sont légion.Le clown redouble de dynamisme et donne des gages qui devraient faire de lui un citoyen intégré. Il va essayer d'adopter le régime alimentaire du pays d'accueil en s'extasiant devant les biens de consommation qu'il ne peut s'offrir. Il va se contenter de piocher dans les poubelles pour rester en vie. Les habitudes vestimentaires ne sont pas en reste. Le simulacre de robe trouvée dans la rue permet au clown de nous interpréter la scène mythique de Marilyn Monroe chantant I wanna be loved by you. Comme quoi les étrangers, doivent toujours faire plus et mieux. Dans un dernier éclair de lucidité et de retour sur soi, le clown attire l'attention de l'assistance sur son pays d'origine.Un pays où il se passe des choses graves. Les bruits qui envahissent la scène, rappellent la guerre et signalent cet exil, ne résultent pas d'un choix farfelu ou d'un caprice, mais bel et bien d'une question de survie pour échapper à une situation périlleuse. Comme le plus souvent, cette histoire d'émigration finit mal avec l'intervention de la police et la reconduction aux frontières. Il faut saluer la performance du clown Sabrina Sérusier qui se dépense sur scène pour nous restituer, plaisamment mais efficacement, les morceaux de vie d'un exil forcé.
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Posté Le : 27/02/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Slimane Aït Sidhoum
Source : www.elwatan.com