Algérie

LE SOUFFLE DE TAHRIR



Quand le mastodonte égyptien tombe, l'impact sur l'environnement arabe est lourd, pesant. Qu'il
s'ébroue et les répliques se font sentir, très loin. Camp David qui a mis l'establishment égyptien sous orbite américaine a été, plus que la défaite de 1967, le moment de reflux de l'élan porté par les combats nationaux dans la région. Le début d'une rupture stratégique, dont les Palestiniens payeront le prix le plus cher, qui s'accentuera avec l'effondrement de l'ex-URSS.
C'était le début de la longue glaciation autoritaire sous bénédiction occidentale avec, en sus, des satisfecit réguliers des institutions financières internationales. L'Egypte de Moubarak était louée - et ce n'était pas des propos purement protocolaires - pour son rôle stabilisateur. Le peu de respect que le régime manifestait à l'égard des libertés fondamentales ne gênait pas outre mesure. L'irruption de la société égyptienne et le souffle de la Place Tahrir ont contraint les Occidentaux à lâcher l'ami Hosni Moubarak… tout en continuant cependant à exiger des tenants du système à préserver le rôle «stabilisateur» de l'Egypte. C'est ce qui est en train de se réaliser avec le coup d'Etat préventif des militaires qui se sont arrogé tous les pouvoirs. Pour la forme - ce sont des as du marketing -, les responsables américains se sont dits «profondément inquiets» des prérogatives dont se sont dotés les militaires et ont demandé le transfert de «l'intégralité du pouvoir à un gouvernement civil démocratiquement élu», les Européens demandent à ce que la situation institutionnelle soit «clarifiée»…
Il est certes difficile de ne pas voir le coup de force de l'armée… Mais ces puissances occidentales sont-elles réellement favorables à un changement démocratique réel en Egypte ' Un vrai changement entraînerait nécessairement un effet «indésirable» dans le domaine de la politique étrangère et du rapport à Israël. Ce n'est pas forcer la lecture que de noter qu'il s'agit d'un souci occidental majeur qui supplante toute autre préoccupation. La démocratie et les libertés, si souvent invoquées, passent à la trappe. Et si on a bien accepté que Moubarak soit débarqué, on entend bien que la stabilité géopolitique régionale fondée sur une suprématie militaire absolue d'Israël soit impérativement préservée. Les militaires égyptiens ne l'ignorent pas. Ils savent qu'ils sont implicitement chargés, pour leur intérêt et «l'intérêt de la paix» pour utiliser un euphémisme, à contenir le changement. C'est de là que viennent l'assurance et l'aplomb avec lesquels ils ont réalisé leur coup d'Etat préventif. Ils sont en passe d'imposer leur propre calendrier de la transition après s'être arrogé le pouvoir de faire la loi.
L'échec, définitif, de la transition vers la démocratie en Egypte, devenu un objectif militaire évident, aurait des conséquences lourdes pour l'ensemble de la région. Les Egyptiens, quelle que soit leur couleur politique, ont la confirmation que dans le monde arabe et notamment en Egypte, le combat pour la démocratie est encore plus difficile car il se mène contre un ordre établi intérieur inséré dans un ordre établi international. Seuls leur combat et leur capacité à s'unir sur des objectifs consensuels de démocratisation du pays et du respect des libertés peuvent changer l'ordre des choses… C'est ce qu'on leur souhaite. Qu'ils ne se dispersent pas sur des divergences secondaires, la priorité est de faire vivre le souffle de Tahrir, de lui redonner de la force et d'éviter qu'il ne s'éteigne sous la botte.




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