À Boualem Hamdèche, fidèle ami et lecteur fidèle, décédé le 23 août 2020.Nous vivons une époque formidable, pleine d'enseignements, et si enrichissante, sauf pour les voyantes extra-lucides : plus besoin d'elles pour nous prédire l'avenir, le nôtre, et celui du pays. Avec un grain de jugeote, et un brin de discernement, c'est tellement plus facile de deviner ce que sera le futur, puisqu'il apparaît très clairement, et par anticipation, sur certaines chaînes. Nous voyons tous les jours la preuve qui réduit à néant la thèse galvaudée, et malvenue, selon laquelle on ne fait pas du neuf avec du vieux, alors que l'actualité nous dit chaque jour le contraire. Dans les temps anciens, j'allais presque dire idylliques, notre pays était quadrillé par une, ou des armées d'agents de la sécurité, et c'est dans les cafés où l'on parle qu'ils déployaient leurs oreilles. On peut se demander d'ailleurs pourquoi notre si ingénieuse administration n'a pas pensé à intégrer ces postes d'agents, écouteurs de cafés maures, comme l'avaient fait les Egyptiens, jadis. Aujourd'hui, nos braves fonctionnaires n'ont plus besoin d'aller dans l'atmosphère enfumée des cafés, et de subir le bruit infernal des dominos s'abattant sur des tables bancales pour écouter. Il suffit de s'asseoir tranquillement derrière un écran, et d'attendre sereinement que les ennemis extérieurs et intérieurs se confessent sur la toile, et avouent leurs crimes avant qu'ils n'aient lieu.
Et si c'est lassant d'attendre que ces dangereux opposants se livrent pieds, et poings liés, il y a désormais des essaims entiers de mouches électroniques qui peuvent investir les réseaux sociaux.
Traquer l'adversaire, ou le faire sortir en terrain découvert, identifier ses soutiens qui se manifestent par des «j'aime», des commentaires élogieux, ou carrément des partages, comme sur Facebook. Rien de tel qu'une nouvelle à caractère sensationnel, mais totalement fausse, un «fake news» en langage maison, pour agiter la toile et provoquer des réactions de joie, ou de colère, selon «l'ami», ou le traqueur. Il y a une dizaine de jours, Facebook justement s'est enflammé pour une information venue du Soudan et annonçant, après «lectures amies», que ce pays allait adopter la laïcité. Aux accents triomphalistes des facebookers laïques, qui voyaient déjà l'Algérie sur les traces du Soudan, ont répondu les «no passaran» des islamistes et autres croyants qui diabolisent la laïcité. Les premiers sont allés plus vite que la musique et sont entrés dans la danse, comme lors d'un concert de Guerrouabi, quand des matrones, en manque d'exercices, ont commencé à se trémousser aux premières notes. Les seconds ont répliqué par le sempiternel argument diabolisant la laïcité et chantant les vertus d'un Soudan, terre d'Islam, un Soudan divisé, disloqué, par la gestion des islamistes.
Le Soudan est confronté depuis des décennies à une guerre civile qui oppose le pouvoir central de Khartoum à divers groupes ethniques et religieux, et qui a conduit à la scission du pays en deux. C'est l'obstination des dirigeants soudanais à appliquer la charia à des populations non musulmanes qui a conduit à la création de l'Etat du Soudan Sud et à la montée des mouvements insurrectionnels. C'est pourquoi l'accord de Juba a fait référence à la séparation du religieux et du politique, dans le futur Etat soudanais, ce qui a conduit des médias à en déduire que le pays avait opté pour la laïcité. L'accord a été signé entre le gouvernement de transition soudanais et quatre mouvements insurrectionnels à l'ouest et au sud du pays, regroupés dans le FRS (Front révolutionnaire soudanais). Les quatre mouvements insurrectionnels signataires sont présents au Darfour, le plus grand foyer de rébellion du Soudan, ainsi que dans la région du Nil bleu et la Nubie, au sud de Khartoum . La signature a eu lieu le 1er septembre à Juba, en présence du Président du Sud-Soudan, comme témoin, mais dans un premier temps, deux autres mouvements armés ont refusé de parapher les huit protocoles. Il s'agit du Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLA-N) et du Mouvement de libération du Soudan (MLS), un groupe également actif au Darfour. Les deux revendiquent un Soudan fédéral et laïque.
Toutefois, et depuis jeudi 3 septembre, un nouvel accord a été signé, à Addis-Abeba, cette fois-ci, entre le gouvernement de Khartoum et le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLA-N). Les points de l'accord, tels que rapportés dans les médias occidentaux, et singulièrement ignorés par la presse arabe, stipulent que le Soudan est un pays pluriethnique et plurireligieux. Le Soudan sera un Etat démocratique et sa Constitution sera basée sur la séparation de la religion et de l'Etat, lequel Etat n'est pas autorisé à proclamer qu'une religion est officielle. La Constitution interdira également toute discrimination sur des bases d'appartenance religieuse. L'accord stipule encore que le principe de la répartition équitable des ressources et des richesses figurera également parmi les articles de la nouvelle Constitution. N'oublions pas, enfin, les mérites du hirak soudanais qui a abouti au renversement du régime d'Omar Al-Bachir et à l'avènement d'un gouvernement de transition qui a tenu jusqu'ici ses engagements. Sans doute faut-il rappeler aussi que le principe de la séparation de la religion et de l'Etat, ingrédient fondamental de la laïcité, ne date pas des récents accords de Juba et d'Addis-Abeba. Il est écrit noir sur blanc dans la déclaration constitutionnelle signée le 17 août 2019 par les militaires et les représentants du hirak soudanais.
A. H.
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Posté Le : 14/09/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ahmed Halli
Source : www.lesoirdalgerie.com