Algérie

« Le Sort des églises d'Alger »


Se baladant à Alger, nous tombons très souvent nez-à-nez à de drôles d'édifices dont on devine très rapidement le côté ecclésiastique, mais cela ne marche pas à chaque fois ! Car, comme nous le verrons dans la suite de l'article, ce qui peut sembler être l'archétype même de l'église peut devenir centre culturel et le contraire, architecturalement parlant, reste, tant bien que mal, église pour affirmer la diversité du patrimoine algérois. Les dizaines d'églises que comptaient Alger à la fin de l'époque coloniale ont eu des destinées très différentes, voyons ensemble trois d'entre elles :
- Notre-Dame-du-Mont-Carmel -Rue Mohamed Chennit, El Biar/Architecte Inconnu, 1848
Notre-Dame-du-Mont-Carmel dont le Carmel n'a rien de sucré mais de Saint...a été probablement construite vers 1848. A cette date-là il n'y avait que la nef centrale et le ch'ur, puis au fil de 30 années, extensions après extensions, le transept fut finalement rajouté et les cloches ainsi que l'orgue pouvaient enfin résonner dans tout El Biar.
En ces premières décennies de la colonisation, les missionnaires chrétiens avaient comme seul but de planter la croix en Afrique du Nord et c'est en érigeant des Eglises à la fois pour les colons et pour convertir le maximum de Nord-Africains qu'ils comptaient l'atteindre. Pour ce faire, il fallait amadouer la population locale en la mettant en confiance : « Voyez ; chez nous aussi Dieu s'appelle Allah ! » et c'est en inscrivant le mot « Allah » en arabe entouré de deux petits crucifix entre les arcs de la Nef centrale que l'entourloupe allait fonctionner !
De style Néo-Mauresque, l'intérieur de l'Eglise prête presque tout à l'art musulman, allant des décors tapissants en céramique sur les murs et les sols au travail du stuc des arcades. Le travail des vitraux est remarquable ainsi que la richesse des mosaïques et faïences parsemées dans l'édifice.
Notre-Dame-du-Mont-Carmel a tenu bon jusqu'en 1989 même si aucune tentative de reconversion en mosquée n'a été avancée. Lors de la guerre sans nom, le FIS prenant le pouvoir en fit son bastion et l'ignorance de l'obscurantisme l'assiégea. Par la suite, elle fut transformée en Bibliothèque communale. Puis, en 1994, un centre culturel dispensant plusieurs formations (coiffure, cuisine, pâtisserie, couture..etc) aux habitants de la commune y prit place.
Aujourd'hui, le bâtiment, malgré un état plus ou moins jachère, revit au travers de la volonté de ceux qui y passent leurs instants, partageant savoirs et connaissances. Et fort heureusement, des travaux de rénovation sont prévus dans les mois qui viennent pour offrir l'intérêt touristique tant méritée au bâtiment, véritable lieu de mémoire !





- Eglise Sainte-Marie-Saint Charles -Rue Boukhalfa-Khelifa 'architectes : Stéphane Boulin, Marcel & Albert Barbet?1894-1899 puis 1930 (beffroi)
Cet édifice est un des nombreux exemples de la transformation d'églises en mosquées, ça passe ou ça casse !
Suite à une pétition des habitants et des démarches répétées du clergé, l'église est érigée en 1894 grâce au mécénat d'une riche ressortissante belge.

En 1979, le ministère algérien des Cultes présente une pétition (décidément le destin de cette église est lié aux pétitions) des « patriotes » du quartier, qui demandent la remise des clés de l'église pour la transformer en mosquée. D'abord refusée, la cession de l'église à la wilaya est finalement approuvée en 1981 et l'église devient dès lors la Mosquée el Rahma. Son volume intérieur n'a pas été remanié, seuls les vitraux, autels et chaire ont été déposés. Elle conserve aussi sa volumétrie extérieure : chevet rayonnant et porte d'entrée monumentale. Cependant de l'intérieur, les nefs ont été repeintes dans une bigarrure de blanc et de jaune pour lui donner un aspect plus « musulman »...
- Sacré-Coeur 'rue Ibn Hazm, Sidi M'Hamed/Architectes : Paul Herbé & Jean le Couteur, 1956
La Cathédrale du Sacré-C'ur d'Alger, construite à partir de 1956, est devenue la nouvelle Cathédrale d'Alger après que la Cathédrale Saint-Philippe d'Alger (Ketchaoua) eut été réhabilitée à sa vocation d'origine comme mosquée après l'indépendance.
Paul Herbé et Jean le Couteur, architectes de l'édifice se sont inspirés du passage biblique « Dieu a planté sa tente parmi nous » pour obtenir une coupole élancée culminant à 35m de haut et reposant sur huit piliers élevés au-dessus de quatre colonnes au galbe étonnant donnant une image d'énormes champignons sous-tendus par des pieux. À l'intérieur, l'effet est saisissant car le béton est le matériau dominant mais le jeu des lignes contraires parvient à rompre la monotonie et la coupole semble véritablement suspendue. Les vitraux originaux longent l'édifice en donnant l'impression de le scinder en deux parties tout en représentant plusieurs symboliques de la chrétienté.
Aujourd'hui, gardée remarquablement soigneusement par son sacerdoce, la Cathédrale du Sacré-Coeur continue à accueillir les quelques croyants qui subsistent pour une messe dans un niveau plus bas que la nef centrale tandis que pour les grandes occasions, là où la Cathédrale ne désemplit pas de fidèles, toute la nef principale est utilisée. Aussi les visiteurs sont les bienvenus dans l'enceinte de la cathédrale à condition de faire bonne figure au sacerdoce. A l'intérieur, ils pourront s'émerveiller de l'incroyable architecture du lieu, s'ébahir de son histoire et découvrir la riche bibliothèque qu'il recèle.
Aïmen LAIHEM
Partenariat Réd-DIG-"Liberté" (#RDL)/NOMAD (EPAU)
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