Algérie

«Le social pèse dans la décision des médecins»


Enseignant à la Faculté de médecine d'Oran, chef de service pneumologie à l'EHU d'Oran, le professeur Salah Lellou sobre et objectif, commente l'affaire du départ des médecins algériens vers l'étranger et revient sur les décisions importantes de la conférence sur la santé, insistant sur le caractère urgent des solutions à apporter au secteur.L'Expression: Quel est votre avis sur ce qui est convenu d'appeler l'affaire de l'hémorragie des hôpitaux algériens'
Professeur Salah Lellou: Oui, effectivement, il y a beaucoup de médecins qui tentent leur chance à l'étranger, en particulier en France ou au Canada, quand ils le peuvent. Cela est d'autant plus attrayant que ce pays est en train de favoriser l'installation de médecins algériens. Cela concerne aussi bien les jeunes que leurs aînés.
Quelles pourraient être les réelles motivations de ces médecins et autres praticiens de la santé, de vouloir déserter le pays, en pleine pandémie et crise du système de la santé en Algérie'
Ceux qui achèvent leurs études et viennent sur le marché du travail peinent à trouver une opportunité, ou ne trouvent pas de postes convenables. Il y a aussi ce manque de perspectives pour d'autres jeunes médecins en poste. Ils voient que c'est sombre et incertain vis-à-vis de leur avenir. Ailleurs, ils ont cette opportunité de poursuivre leurs études, et à terme s'installer définitivement dans ces pays étrangers, car, il faut le dire, les jeunes médecins appréhendent tous ces problèmes inhérents à leurs conditions de travail. Ce n'est pas évident, avec tous les problèmes essentiels à un démarrage dans un poste de travail. Il y a aussi cette frange de médecins qui veulent se former davantage. Considérant qu'il y a plus de possibilités ailleurs, ils peuvent tenter leur chance à l'étranger. Alors, quand leurs diplômes sont reconnus dans ces pays, cela leur ouvre, il est vrai, beaucoup de perspectives. Il y a aussi les considérations sociales, qui sont pour beaucoup dans ce constat. Il faut rappeler que le salaire d'un généraliste ne dépasse guère les 500 à 600 euros, ce qui équivaut à la moitié du SMIG ailleurs. Donc, oui les considérations sociales, les conditions de travail et les perspectives d'un épanouissement scientifique, social et didactique, ce qui n'est pas donné chez nous, faut-il le souligner. Ce n'est pas aussi simple chez nous, surtout pour avancer dans sa carrière, s'installer et avant tout, être efficace dans son rôle de tous les jours. Donc, ils viennent chercher, ailleurs, ce qui leur manque ici. C'est aussi simple que cela.
N'est-ce pas injuste pour l'Algérie, qui a formé ces jeunes'
Les pays qui vont accueillir nos spécialistes, fraîchement diplômés, vont faire énormément d'économies, en formation et en coût surtout. C'est un investissement à moindre coût et avec une facilité déconcertante. C'est tout à fait normal que ces jeunes puissent partir, face à autant de facilitations, pour être embauchés ailleurs.
Mais il y a des engagements et des décisions, comme ceux de la conférence nationale sur la santé, pour engager de réelles réformes dans le secteur'
C'est vrai qu'il y a beaucoup de promesses de la tutelle, d'amélioration des conditions de travail et des conditions de formation, sans compter la revalorisation du statut et des salaires. Mais, force est de constater que cela tarde à prendre forme et à se concrétiser sur le terrain. À ce train, les jeunes d'aujourd'hui ne font plus confiance et n'ont plus le temps d'attendre encore longtemps.
La conférence nationale sur la santé, qui a vu la participation de la communauté de la santé dans les ateliers régionaux, a donné lieu à des recommandations intéressantes. Pensez-vous que cela soit suffisant pour rassurer les professionnels de la santé'
Il faut s'attaquer à tous les manques identifiés et validés, lors des ateliers régionaux et des séminaires. Cela fait des années qu'on en parle. Tout le monde sait que dans le domaine de la santé, il y a beaucoup de problèmes. On a établi un diagnostic et élaboré des propositions, mais, il faut dire que cela tarde énormément à se concrétiser sur le terrain. Cela ne contribue pas forcément à renforcer l'élément confiance, qui fait déjà défaut. Donc, il ne faut pas s'attendre à ce que les gens ne quittent pas leurs postes, pour partir ailleurs.
Quelles solutions préconisez-vous dans l'urgence'
Les solutions existent. Je pense que, tout d'abord, il faut répondre en urgence à toutes les doléances des professionnels, qu'ils soient médecins, ou en formation, résidents, maîtres-assistants ou autres. Il y a ceux qui veulent s'installer, il faut les soutenir quitte à les aider financièrement, comme cela se fait dans d'autres pays. Il faut faciliter au maximum toutes les procédures dans le secteur. C'est vrai que nous sommes des patriotes et que nous aimons notre pays, mais quand les conditions de travail sont défavorables et que les motivations font défaut, on va là où on peut être mieux et là où on nous offre mieux et le meilleur, pour pratiquer, le mieux possible, notre art.
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