Algérie

«Le site est un joyau, attention aux accapareurs!»



«Je voudrais vous faire part de ma tristesse à  la lecture de l'article que vous avez consacré, dans vos éditions du 12 juin (page Constantine), à  la future «réhabilitation» du site archéologique de Tiddis. J'ai travaillé sur ce site pendant quatre ans, de 1958 à  1962, sous la direction d'André Berthier, qui dirigeait les fouilles depuis que le chantier avait été ouvert, en 1940, à  la demande du Général de Montsabert. André Berthier a raconté lui-même, à  plusieurs reprises,  comment il avait re-découvert cette ville antique, en particulier dans un ouvrage paru à  Alger en 1951, sous le titre «Tiddis, antique Castellum Tidditanorum», et dans un ouvrage magistral, publié, en 2000, dans la Collection de l'Institut de France, par les éditions De Boccard à  Paris), sous le titre«Tiddis, ville antique de Numidie». J'ai moi-même résumé cette histoire dans «Les Escargots de la Muluccha», un ouvrage édité en 1996 par l' Institut Vitruve.
«Ma tristesse tient d'abord au fait que le signataire de l'article évoque incidemment le rôle «d'un certain Berthier» comme si la part prise par André Berthier à  la mise en valeur du site de Tiddis avait été anecdotique alors qu'elle a été, au contraire, déterminante. Il n'est pas convenable de ré-écrire l'histoire quand on traite d'archéologie. L'oeuvre d'André Berthier mérite plus de respect. C'était un chercheur de haut niveau, chartiste, épigraphiste, membre correspondant de l'Institut. Quand il a re-découvert Tiddis, il était directeur de la circonscription archéologique de Constantine et, revenu en France, il a fini sa carrière comme Conservateur en chef  honoraire aux Archives nationales. Pendant quarante ans ses travaux ont donc été de la plus haute importance pour l'histoire ancienne de Constantine, en particulier, et du Maghreb, en général. Les lettres que je reçois encore du Constantinois témoignent que son nom, en vérité, n'est pas oublié de vos lecteurs avertis et reste même honoré au-delà de l'Algérie comme je l'ai constaté moi-même au cours de ma dernière conférence à  l' Université Al Manar de Tunis.
«Ma tristesse devient même consternation quand la lecture de votre article m'apprend que la mission de «réhabiliter» le site de Tiddis a été confiée à  un «bureau d'urbanisme et de construction». Dois-je comprendre qu'il est envisagé «d'urbaniser» ce haut lieu du patrimoine archéologique algérien' Je redoute quelques aberrations. Lorsque André Berthier a quitté Constantine le site de Tiddis était accessible, facile à  visiter. On pouvait même y accéder en automobile. Il suffit, pour s'en rendre compte, de regarder les photos de l'époque prises par le photographe hollandais Henk Voorwinden dont fait partie, me semble-t-il, la photo illustrant votre article. Le seul problème résidait alors dans la luxuriance de la végétation: André Berthier faisait faucher chaque année les marguerites jaunes qui envahissaient les ruines couleur d'ocre rouge. Il le faisait à  regret car le spectacle était somptueux mais c'était nécessaire. En quoi un cabinet d'urbanisme et d'architecture serait-il compétent s'il s'agit simplement de «mettre en valeur» ce site de Tiddis qui est assurément l'un des plus précieux joyaux du patrimoine culturel de l'Algérie' Trop de bêtises sont si souvent faites, au nom de la «mise en valeur»Â  des trouvailles archéologiques, que je souhaite aux décideurs locaux la sagesse de faire prévaloir la protection de ce site exceptionnel sur la «rentabilité» touristique que Constantine et sa région sont, certes, en droit d'espérer, mais qui risquerait de se révéler contre-productive si la gestion de ce projet était abandonnée à  des intérêts plus préoccupés de profits économiques que d'enrichissement culturel.»
 


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