Algérie

Le silence troublant du gouvernement


Un silence troublant, une indifférence coupable face à un «business des otages» très lucratif et dont la genèse et l’essor fulgurant suscitent des interrogations légitimes et alimentent parfois les thèses les plus farfelues. En Kabylie, 61 enlèvements assortis d’une demande de rançon ont été dénombrés à ce jour (sans compter les tentatives avortées), assez pour plonger toute la région dans un chaos sécuritaire sans précédent, dans la psychose du rapt !
Le silence du gouvernement face à la spirale d’attentats terroristes, de rackets et de rapts ciblant surtout les commerçants, entrepreneurs et industriels, est «inadmissible», jugent les élus RCD à l’APW de Tizi Ouzou. «C’est une attitude que nous dénonçons, d’autant plus que nous avons, à plusieurs reprises, interpellé le gouvernement sur la gravité de la situation sans qu’aucune suite n’ait été donnée à nos requêtes», réagissait hier Hadibi Saâdi, vice-président de l’APW de Tizi Ouzou. «Ces rapts prouvent une fois encore que l’Etat est inexistant à Tizi Ouzou, ajoute-t-il. C’est la réalité. Le maillage (policier) étroit de la région sert davantage à maintenir sous contrôle la population qu’à étouffer les maquis terroristes.» Si le phénomène des enlèvements a pris ces derniers mois de telles proportions, impactant négativement sur la vie économique, Mahfouz Belabès, président de l’APW, y voit d’abord la conséquence inexorable d’une politique poussant vers le pourrissement, promue et entretenue par le pouvoir dans la région. Il n’y a, d’après lui, «aucune volonté politique d’assainir la situation en Kabylie» livrée, à ses dires, aux «salafistes». «La sécurité est d’abord l’affaire de l’Etat, mais il ne joue pas franc-jeu. A-t-il oui ou non levé le pied ' Je ne peux pas le dire. Mais si vous comparez la situation en Kabylie à celle qui prévaut dans le reste du pays où vous pouvez circuler en toute sécurité à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, ici, c’est vraiment le retour de la psychose des années 1990.»
Face à l’inaction de l’Etat, le président de l’APW annonce son intention de reprendre en main  la situation : «Il va sans dire qu’on ne restera pas les bras croisés. J’ai discuté hier avec des entrepreneurs, j’ai interpellé aujourd’hui le ministre de l’Hydraulique qui est en visite officielle à Tizi Ouzou et je lui ai fait part de nos inquiétudes, lui demandant de les transmettre à qui de droit. Une réunion de l’Exécutif est prévue incessamment et on décidera des démarches et des actions à entreprendre.» De son côté, le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, maître Mustapha Bouchachi, estime que la mobilisation citoyenne en Kabylie, à l’origine de la libération de plusieurs otages, sonne comme un camouflet pour l’Etat et ses institutions : «Cela prouve que les citoyens sont livrés à eux-mêmes. Que le droit à la sécurité et à la protection, mission dévolue à l’Etat, n’est pas assuré.» L’avocat décrit une situation kafkaïenne où les habitants de Kabylie et de Boumerdès sont «pris en otages à la fois par les groupes terroristes et par l’Etat qui ne fait pas son travail». «Non seulement l’Etat a failli, souligne-t-il, dans sa mission de sécuriser les personnes et les biens, mais il punit et condamne toute personne qui paie ou négocie la libération d’un proche kidnappé.» En 2009, le tribunal criminel de Boumerdès avait traité, d’après l’avocat, des affaires similaires : «Des membres des familles de victimes de rapts perpétrés à Dellys et Naciria ont été condamnés pour financement de groupes terroristes alors qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de payer la rançon exigée. Ils avaient pourtant alerté, en temps réel, les services de sécurité qui n’ont rien fait.»  Dans une lettre adressée le 27 avril 2010 à l’ancien ministre de l’Intérieur, le député RCD de Tizi Ouzou, le docteur Boudarène, n’avait pas manqué de s’interroger sur les paradoxes parasitant la lutte antiterroriste en Algérie : «Comment peut-on demander aux pays européens de ne pas payer les sommes exigées quand l’Etat algérien se soucie peu ou pas du tout de ce qui se passe à l’intérieur de ses frontières ' Est-il raisonnable d’attendre des autres nations une lutte sans merci contre le terrorisme quand on montre de la complaisance chez soi '»

 
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