Algérie

Le serment des barbares



Le serment des barbares
«Le barbare, c'est d'abord celui qui croit à la barbarie.» Claude Lévi-Strauss
Le Festival de Cannes est un moment de cinéma intense. C'est l'occasion choisie pour tous les professionnels de la scène; que ce soit celle du cinéma, celle du théâtre, celle des affaires ou de la politique de se mettre en représentation. On garde surtout en mémoire ces images sulfureuses de starlettes couvertes de bikinis lilliputiens s'exhibant sur la plage pour appâter des réalisateurs amateurs de chair fraîche, devant une nuée de journalistes qui se piquent au jeu en faisant cliquer leurs appareils... On raconte que le grand Orson Welles, sur le déclin, se faisait filmer à la sortie d'un restaurant, cigare au bec et la bedaine triomphante. Mais qu'on se rassure: il n'y aura pas de gaspillage de pellicule pour filmer cet acte anodin qu'est une sortie de restaurant: la caméra était vide et le grand maître avait seulement besoin de sponsors pour financer le bouclage de son dernier chef-d'oeuvre. Ce n'était que du cinéma! Mais le moment le plus intense de ce grand évènement cinématographique qu'est le festival, est sans nul doute la montée des marches. Tout est préparé par les spécialistes de la communication pour faire monter l'adrénaline dans les cerveaux de la plèbe fanatisée: le grand tapis rouge qui se déroule jusqu'en haut des marches, immense plaie béante sur laquelle vont évoluer les éphémères étoiles du moment qui, groupées en équipe de travail et drapées dans des toilettes préparées par des grands couturiers, les dames dévoilant des charmes jusque-là réservés aux caméras des studios et les mâles arborant des sourires carnassiers étincelants qui ont fait la fortune des prothésistes. Et de chaque côté des barrières de sécurité, des foules de journalistes qui font crépiter leurs flashes sous les applaudissements ou les sifflets de badauds enjoués ou frustrés par les minauderies des cabotins qui jouent la dernière séquence du film qu'ils vont présenter à un jury qualifié d'impartial. Parce que c'est l'instant le plus dramatique, le plus crucial, où la densité des objectifs est à son paroxysme et où les vedettes en mal de publicité font tout pour commettre le geste qui les fera remarquer du public, présent ou scotché devant sa télé, pour passer au zapping ou pour faire le buzz, comme on dit maintenant en parlant d'Internet. Telle actrice se laissera trahir par un décolleté trop lâche, cette autre manquera de s'affaler, n'était le bras secourable de son cavalier... Toutes les figures de style sont usitées par les professionnels du spectacle pour faire de cet instant éphémère un moment qui va marquer les esprits. Et souvent, le politique fait soudainement irruption dans le septième art: quand j'ai vu le célèbre philosophe, écrivain, cinéaste, pourfendeur de dictateurs arabes, propagandiste déchaîné du sionisme international, défenseur patenté du Protocole des Sages de Sion, comploteur intermittent, éditorialiste à ses heures perdues, nouveau défenseur de certains Droits de certains hommes (pas tous évidemment), rectificateur de frontières à la mode sécuritaire, mobilisateur de mercenaires, sponsor des causes gagnées d'avance, messager de ventripotents émirs vers des présidents démocratiquement élus, intermédiaire bénévole entre pompistes désintéressés et assoiffés de pétrole..., je savais que quelque chose se préparait dans l'air. Le grand Bernard-Henri Lévy a tant de cordes à sa guitare que je nai pas été étonné de le voir apparaître sur le grand tapis rouge, affublé du grand masque tragique des soirs de grande tragédie. Le grand comédien n'était pas venu tout seul pour défendre sa dernière grande réalisation pompeusement appelé le «Serment de Tobrouk», en souvenir certainement d'un certain taxi: BHL était accompagné d'un homme inconnu enveloppé dans un drapeau syrien, ce même drapeau qui n'a plus flotté sur le plateau du Golan depuis quarante-sept ans... et cela, BHL ne le dit pas!




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