Algérie

Le sens profond d'un mouvement



Les manifestants insistent sur les revendications initialesC'est un mouvement souverainiste, révolutionnaire dont le projet de société vise l'instauration d'un nouveau régime républicain.
Pour la majorité de l'opinion publique et des analystes, le Hirak est un mouvement de contestation et de revendication dont l'objectif premier est le changement du régime en place. Son ambition, pensent-ils, c'est l'instauration d'un nouveau régime démocratique qui devrait permettre au citoyen de faire valoir sa liberté et son droit légitime de participer à toutes les décisions déterminantes pour son devenir matériel et immatériel.
Pourtant, ce Hirak nous interpelle aujourd'hui, après toutes ces semaines de manifestations, sur sa véritable identité et ses objectifs. Au regard des intrants idéologiques, politiques, économiques et sociétaux que l'on peut relever dans le discours de son avant-garde il nous est possible d'apporter une réponse objective concernant la nature du projet de société qu'il recèle et, par conséquent, sur le régime politique qui pourrait caractériser la nouvelle République projetée et attendue par le citoyen de la nouvelle société révélée par ce soulèvement populaire'
Lorsque tout un peuple se soulève pour lutter contre un régime d'oppression comme celui que le peuple algérien a subi, surtout depuis l'arrivée au pouvoir de Bouteflika, c'est, avant tout, pour reconquérir sa souveraineté, une et indivisible. Partant de ce postulat, ce mouvement revêt, estimons-nous, toutes les caractéristiques d'un mouvement souverainiste.En outre, si l'on s'attarde quelque peu sur sa structuration et son organisation et si l'on prête une plus grande attention au contenu de son discours, il nous sera plus aisé de déceler, aux plans idéologique, politique et sociétal, les valeurs et les principes fondateurs du projet de société sous-tendu par ce mouvement, indéniablement souverainiste et révolutionnaire.
Orientations idéologiques
Au terme de cette introspection, nous nous rendrons compte, effectivement, que ce Hirak est un mouvement souverainiste, révolutionnaire dont le projet de société vise l'instauration d'un nouveau régime républicain qui réponde aux attentes matérielles et immatérielles de l'être collectif et individuel de la nouvelle société qui défile tous les vendredis dans les rues de toutes les villes et villages de l'Algérie. Cependant, si tous les hommes politiques et tous les analystes sont d'accord, aujourd'hui, dans leur majorité, sur la dimension nationale et la portée révolutionnaire de ce mouvement, ils le sont moins sur son identité souverainiste et son discours sociétal. D'autant que la problématique de la souveraineté des peuples, telle qu'elle est posée, de nos jours, à l'échelle internationale, dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud, véhicule des orientations idéologiques dont la traduction, au niveau des projets de société et des régimes politiques institués par les courants nationalistes ou internationalistes qui le meuvent, contredit le sens et la portée originelle de ce concept.
L'anonymat est légitimé
Si nous nous référons aux mouvements insurrectionnels qui ont engendré les Révolutions de 1789 et de 1917, nous ne pouvons pas attribuer le qualificatif souverainiste à ces soulèvements populaires contre les régimes monarchiques d'hier car l'intrusion des courants idéologiques, capitalisme pour le premier et socialisme pour le second, a vidé ce concept du substrat sociétal de l'être collectif de ces peuples par l'usurpation et la fragmentation de la souveraineté du peuple, effectuées par les tenants de ces idéologies. Nous mesurons, aujourd'hui, les méfaits de cette intrusion idéologique dans le contenant sociétal du souverainisme originel des peuples et les déviations introduites dans les régimes républicains imposés par les tenants du capitalisme ultralibéral et du communisme. La fragmentation de la démocratie, l'une politique et l'autre sociale, qui s'en est suivie a vidé de son sens la démocratie avec un grand D majuscule, en réduisant à sa plus simple expression l'exercice de la souveraineté du peuple et la participation du citoyen aux décisions déterminantes pour son devenir. Les modèles de démocratie, politique et sociale, dominants, ont démontré, après l'échec de l'expérience bolchevik et les contre-performances du capitalisme libéral, leurs limites puisqu'elles n'ont pas concrétisé les véritables aspirations du citoyen et de la société à la liberté, à l'égalité, à la justice, à la prospérité, à la paix et à la sécurité promises. Si à l'heure de la mondialisation du capitalisme, consacrant l'hégémonisme de son idéologie, les mouvements contestataires contre les régimes dictatoriaux et ceux dit démocratiques portent le sceau du souverainisme «sociétaliste», c'est parce qu'ils ont eu tout le temps de tirer les leçons de ces expériences d'hier et d'aujourd'hui. L'organisation et la structuration horizontales actuelles des mouvements souverainistes, de ce début du XXIe siècle, contrairement à celles verticales des partis clairement définis idéologiquement, nous prouvent les soucis de ces derniers de protéger l'unicité de cette souveraineté de l'influence maléfique des courants politiques qui les traversent. Le Hirak, qui est un authentique mouvement souverainiste, obéit à cette règle. Nous disons authentique parce qu'il intègre dans ce souverainisme la reconquête de son identité originelle forgée par son histoire millénaire aux plans ethnique, linguistique religieux et culturel, une identité qui lie, dialectiquement parlant, le peuple à son combat politique et idéologique pour l'instauration d'un nouvel ordre national. C'est pour protéger cette souveraineté identitaire, idéologique, politique et sociétale qu'il ne peut dégager, comme souhaité par le pouvoir et l'opinion publique, durant cette période de gestation de la révolution, une représentation publique consensuelle. Cet anonymat est légitimé par le danger de la résurgence des conflits idéologiques et ses nuisances sur l'unité du mouvement. Un affichage prématuré des personnalités dominantes du mouvement portera préjudice à son unité et au projet de société qu'il véhicule.
Les missions d'une Assemblée constituante
Comment faire, alors, pour surmonter cet obstacle de la représentativité du Hirak' La meilleure manière de le contourner est de recourir à la représentativité sociétale, celle issue des différentes associations et organisations syndicales à caractère social, professionnel, économique culturel scientifique, éducatif et autres qui structurent la société civile. Tous les élus mandatés par ces différentes franges de la population, à l'échelle nationale, deviendront les membres d'une assemblée constituante dont la mission première est d'organiser un débat national sur le projet de société dont les fondements doctrinaux devront être traduits dans la Constitution devant régir la nouvelle République. Parmi ces fondamentaux celui de la démocratie participative doit être priorisé pour donner à la représentativité du citoyen, dans les institutions de l'Etat, le pouvoir décisionnel qui lui permettrait d'intervenir, avec plus de présence et de pouvoir, dans l'élaboration, l'exécution et le contrôle des décisions qui devraient répondre à ses attentes matérielles et immatérielles. La démocratie dont il s'agit, ici, est celle qui priorise la représentativité du citoyen dans toutes les institutions du pays et sa participation à la décision le concernant à celle intéressant l'organisation du pouvoir au sommet de l'Etat, selon la volonté des partis qui le dirigent périodiquement.


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