Algérie

Le sens d'une vie, la leçon d'un départ Point net



Le sens d'une vie, la leçon d'un départ                                    Point net
Pierre Chaulet a tiré sa révérence après avoir livré son ultime combat contre la maladie. De son départ, et surtout des réactions qui l'ont accompagné, on aura surtout retenu le respect dû à l'homme et son parcours exceptionnels.
Mais au-delà de l'hommage rendu à sa personne, on aura également vérifié que le combat pour la liberté et l'émancipation du pays est toujours au centre des valeurs communes. Pour peu qu'elles soient rappelées dans la vérité historique, pour peu que les hommes qui en sont le prétexte soient au-dessus des contingences de pouvoir, au-dessus du soupçon quant à leur rectitude morale et au-dessus du doute quant à leur implication dans le combat.
En l'occurrence, le Professeur Chaulet est au-dessus de tout cela. Et pour cause, son engagement pour l'Algérie était un choix. Non seulement, il aurait pu s'installer durablement dans le confort que lui conféraient et sa nationalité d'origine et son statut social dont le moins qu'on puisse dire est qu'il lui assurait une vie à l'abri du besoin, il aurait pu aussi se retrouver dans l'autre camp. Et on n'aurait sans doute pas entendu parler de lui, sauf dans le cas où il aurait fait du zèle dans le crime.
En la matière, l'Histoire de la guerre de Libération regorge d'hommes insignifiants devenus célèbres par leur cruauté. Pierre Chaulet, guidé par ses convictions de justice et par la proximité des laissés-pour-compte dont il a très tôt intégré le combat, est l'antithèse de ces gens-là. Et dans son intime conviction, son choix n'est pas si original. Il y a des parcours personnels qui, s'ils ne déterminent pas forcément les grands destins, leur donnent tout de même quelques prédispositions.
Et pour ne pas s'encombrer de l'oripeau du héros dont il dit qu'il lui va très mal, c'est vers son itinéraire d'homme qu'il s'est toujours tourné pour puiser les éléments de réponse aux interrogations, parfois indécentes sur le sens de son engagement. L'un dans l'autre, on retrouvera ailleurs cette indécence qui va jusqu'à la culpabilisation. D'abord chez ceux qui ne «comprennent» pas comment un médecin «européen» bon chic bon genre aille rejoindre les fellagas dans un combat contre les «siens» plus que douteux. Mais de ceux-là on n'attendait pas mieux.
Ensuite chez ceux qui, incapables de transcender le carcan nationaliste, n'envisagent pas que le combat pour la liberté puisse être une exigence universelle susceptible de mobiliser par-delà les considérations de frontières, de culture ou de confession. S'agissant du Professeur Chaulet, comme d'Henry Maillot, Maurice Audin et d'autres moins connus, certains n'étaient jamais loin de «relativiser» leur mérite sous prétexte qu'ils n'auraient pas assez renoncé à leurs différences !
Ou pire, à leurs yeux : ils n'auraient pas combattu pour l'Algérie mais pour un... idéal ! Et si Pierre Chaulet ne s'est jamais senti obligé de fournir les preuves de son algérianité 'ce serait le comble' il a toujours démontré, sans le vouloir qu'il pensait en Algérien. A une bonne dame qui lui écrivait qu'elle avait tout compris de son livre «Le choix de l'Algérie» en dépit de ses difficultés dans cette langue, il avait répondu que son contenu était pensé en... Algérien.
A un colloque sur Frantz Fanon, il a ajouté au témoignage poignant le langage du terroir, laissant ébahis des étudiants dont beaucoup avaient déjà écarquillé les yeux quand il a été présenté comme... moudjahid. Pierre Chaulet est parti. Et il aura servi l'Algérie, jusque dans sa mort. En nous rassurant qu'il n'y a pas que des «moudjahidine de la chitta» comme il l'a dit aux étudiants d'El Tarf et surtout en nous rappelant que le combat pour la dignité n'est jamais vain et pas toujours feint. C'est aussi ça le sens de sa vie et de son combat.
laouarisliman@gmail.com


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