Algérie

Le secteur de l'hôtellerie dans le rouge



Depuis maintenant plus d'un mois, les hôtels ne reçoivent plus de clients pour répondre aux mesures de sécurité décidées par les autorités centrales en ces temps de Covid-19. "Plus qu'une crise", selon les professionnels du secteur, c'est tout un pan de l'économie qui risque de s'effondrer si aucune disposition d'accompagnement des pouvoirs publics n'est prise.La situation est unanimement qualifiée de "dramatique" par nos interlocuteurs qui appréhendent d'ores et déjà un bilan négatif si le retour à la normale ne survient pas avant le début de la saison estivale. Un v?u de plus en plus compliqué lorsqu'on sait que "l'incertitude" est le maître mot qui caractérise le discours tenu par ces hôteliers tant à propos de l'avenir de leur personnel que de celui de l'état de leurs finances.
Du côté du Royal Hotel Oran, l'expectative est de mise, et l'établissement, même s'il est fermé aux clients, tourne au ralenti avec un service minimum dédié à la sécurité, "une personne par shift alors que les brigades fonctionnaient en temps normal avec trois agents", nous indique une source de l'hôtel. Le reste du personnel est présent pour assurer le service technique ainsi qu'une partie de l'administration.
Si les salaires des mois de mars et d'avril sont assurés, les employés ont pris leur congé et leur récupération, en attendant une reprise fixée à l'après-Aïd dans les meilleures prévisions. "Le Hirak et cette pandémie ont fortement impacté le secteur", explique notre source. Pour Chaabane Belazzoug, président du groupe Plaza (neuf hôtels entre Oran et Alger), la situation actuelle est "plus qu'une crise, jamais vécue auparavant".
Celui qui a mis à la disposition de la wilaya d'Oran son hôtel Le Littoral pour le confinement d'une partie des voyageurs du Djazaïr II indique que l'activité hôtelière est sérieusement touchée depuis la révolution du 22 Février. "Cela fait plus d'une année qu'on ne travaille plus à cause du Hirak", argumente-t-il, précisant qu'il est dans l'obligation de payer ses employés spécialisés même en ces temps de chômage forcé, au risque de les perdre.
Même son de cloche du côté du groupe Liberté (Liberté Oran, Liberté Express, Liberté Appart Oran) qui a gracieusement mis 110 chambres à la disposition du personnel médical de l'EHU depuis mars dernier ainsi qu'une navette pour son transport jusqu'à l'établissement hospitalier. En ces temps de récession, l'hôtel fonctionne avec un personnel réduit, consacré essentiellement aux blouses blanches, alors que l'inquiétude grandit quant au sort de ses 200 employés qui risquent de se retrouver au chômage.
"On n'a pas demandé de l'argent mais qu'ils (les pouvoirs publics, ndlr) enlèvent les charges sociales. On ne peut pas rembourser. Nous, on vit de nos revenus et on ne peut pas rembourser la banque dans les temps, il faut rééchelonner", affirme une source autorisée du groupe.
Si la nouvelle instruction de la Banque d'Algérie, datant du 6 avril, permet aux banques et autres établissements financiers de reporter "à leur discrétion" le paiement des tranches de crédit arrivant à échéance, ou à procéder au rééchelonnement des créances de leur clientèle ayant été impactée par la conjoncture induite par le Covid-19, il semble que la question des charges fiscales et parafiscales soit à l'étude en haut lieu.
Pour l'un des responsables de l'hôtel Eden Resort & Spa Oran, le volet balnéaire de l'hôtellerie est celui qui devra être le plus impacté par cette crise sanitaire. À ce propos, il explique qu'étant par définition saisonniers, les hôtels balnéaires ne vivent pratiquement que pendant un trimestre pour pouvoir subvenir à tous les frais de rénovation, d'entretien pendant le reste de l'année. "Dans la wilaya d'Oran, il existe 210 hôtels toutes catégories confondues dont une centaine uniquement dans la daïra de Aïn El-Turk.
Avec toutes les difficultés que rencontrent actuellement les hôtels intraurbains pour pouvoir fonctionner, imaginez alors l'état des hôtels de type balnéaire, leur seule ressource avant l'été étant de travailler les week-ends avec une clientèle généralement issue hors wilaya, alors que depuis plus d'un mois et demi on n'a plus personne", précise-t-il.
Ces difficultés sont aggravées par l'obligation de garder le personnel spécialisé induisant une masse salariale sans rentrée d'argent : "Les marges bénéficiaires générées par ces derniers et les hôtels urbains ne sont pas identiques, et dès qu'il y a une coupure dans la chaîne économique, ce sont ces établissements qui sont de suite fragilisés."
Pour notre interlocuteur, si tout le secteur de l'hôtellerie est impacté de manière dramatique par cette crise, ceux qui le sont le plus sont les hôtels balnéaires, d'autant plus que 70% d'entre eux sont de nouveaux investisseurs qui sont encore dans la phase de remboursement des échéanciers bancaires.
"Il y a déjà des hôteliers qui ont commencé à licencier leur personnel, et s'il n'y a pas de mesures d'accompagnement des pouvoirs publics, 70 à 80% de ces hôtels risquent de fermer", affirme-t-il en saluant la dernière instruction de la Banque d'Algérie "qui est venue à point nommé".

Saïd OUSSAD


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