Algérie

LE SECTEUR DE L’ENVIRONNEMENT EN ALGÉRIE: La dernière roue de la charrette



LE SECTEUR DE L’ENVIRONNEMENT EN ALGÉRIE:   La dernière roue de la charrette




En cette fin de l’année 2016, on ne va pas établir le bilan des avancées dans le secteur de l’environnement. La raison est simple. La rétrogradation institutionnelle du secteur risque de nous faire prendre encore plus de retard alors que nos déchets ne sont pas valorisés quand ils sont collectés et acheminés en décharge, l’air de nos grandes villes de plus en plus pollué, la biodiversité menacée, la superficie de nos forêts se rétrécit, le désert avance…

Depuis le cantonnement du département de l’environnement dans un secteur d’activité vertical, à contre-courant de ce qui se fait dans le monde entier, les ressources en eau, en l’occurrence, l’observateur avisé aura noté que les préoccupations environnementales, dans le discours officiel, sont réduites à quelques sorties sporadiques. Même les travaux de la COP 22 tenue au mois de novembre 2016 à Marrakech n’ont fait l’objet d’aucune communication, y compris de la part des Affaires étrangères, le point focal d’usage. La faute n’incombe probablement pas au seul ministre des Ressources en eau et de l’Environnement (MREE) qui a déjà fort à faire avec les préoccupations hydriques du pays. D’ailleurs, dans une sorte “de séances de rattrapage”, ses visites sur le terrain, en cette fin d’année 2016, sont un peu plus centrées sur le thème générique du respect de l’environnement.

Retour à la langue de bois

Le 18 décembre dernier à Sétif, Abdelkader Ouali a choisi de consacrer la presque totalité de son allocution à ce thème lors d’une rencontre avec des acteurs de la société civile et d’associations, à la maison de la culture de la capitale des Hauts-Plateaux. Il a prôné la consolidation des liens et la mise en synergie des efforts consentis tant par le mouvement associatif que les pouvoirs publics en faveur de la protection de l’environnement et du développement durable.

Selon lui, la question environnementale est d’intérêt général et nécessite l’intensification des efforts de tout un chacun pour mettre fin à la pollution et à la dégradation de l’environnement qui inquiéteraient de plus en plus les pouvoirs publics. Mais ces généralités ne sont pas de nature à rassurer d’autant qu’en guise de programme d’actions il s’est contenté d’affirmer: “Nous sommes devant une véritable épreuve pour concrétiser le programme du président de la République pour la protection de l’environnement. Nous devons donner un sens à la confiance qui nous a été accordée pour œuvrer davantage à la problématique environnementale”. L’étape est à donc à “l’identification de tous les défis et problèmes qui se posent, et la mise à disposition des moyens”, le but est “d’assurer au citoyen un cadre de vie agréable et un environnement sain tel que stipulé dans la Constitution amendée en 2016”.

Pourquoi en est-on arrivé là ?

Ce discours qui suggère que le pays est à ses balbutiements dans le domaine reflète en vérité la déstructuration du département de l’environnement.

Selon une universitaire qui a intégré, au début des années 2000, le défunt ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme, les cadres qui ont survécu à “la main de fer” de Chérif Rahmani qui est resté près d’une dizaine d’années dans le secteur, ont été ballotés d’une direction à une autre avec les changements récurrents depuis 2012 (quatre ministres et une secrétaire d’État). C’est d’abord Amara Benyounès qui a préféré installer aux postes de commande un personnel venu de différents horizons avant que Dalila Boudjemaâ dont le différend avec son prédécesseur était du domaine public, ne fasse débarquer tout le monde. Résultats des courses : rares sont les cadres qui sont confirmés officiellement dans leurs fonctions y compris les chefs de cabinet. La dissolution du ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement et le rattachement de la direction de l’environnement au ministère des Ressources en eau à fait le reste. C'est-à-dire que le changement dans les organigrammes a frappé de nullité toutes les propositions de nominations ; des inspecteurs, directeurs, sous/directeurs et CES en fonction durant deux années, pour certains quatre, sont partis en retraite avec leur grades d’origine ou ont préféré partir avec l’Aménagement du territoire ou changer d’air pour les plus jeunes!.

“C’est une catastrophe, même modeste, aucune transmission d’expérience entre une génération qui a tout de même acquis un certain savoir ou accompagné les nombreuses études et plans commandés dans les années 2000 sur la gestion des déchets par exemple, n’a pu se faire” se désole notre interlocutrice.

“Même les circuits administratifs sont perturbés avec en plus d’incessantes navettes pour un oui ou un non entre les 04 Canons (siège de la direction générale de l’Environnement) et Kouba (le ministère), tous les anciens sont partis et tout le monde s’occupe à vouloir devenir chef" ajoute-t-elle, dépitée.

L’environnement, un secteur horizontal par excellence

L’état de l’environnement, c'est-à-dire la qualité des milieux (naturels, urbains…) et la gestion des ressources naturelles, ne demande pas de simples améliorations mais de véritables prises en charge pour impulser des politiques durables. Le corpus législatif et la qualité de nombre études ou de recommandations des multiples séminaires et ateliers organisés durant une quinzaine d’années constituent un indéniable atout.

Mais à quoi peuvent bien servir les lois si elles ne sont pas appliquées ou des plans d’action qui ne servent que pour des annonces de circonstance?

Deux préalables incontournables sont nécessaires pour prétendre mettre sur les rails l’ensemble de ces dispositions: une stabilité dans les staffs dirigeants et une administration forte et qui rend des comptes avec une justice spécialisée en la matière et surtout impartiale.

On a disloqué des staffs, difficile à remettre en place et on a dissous l’administration de l’environnement en tant que secteur transversal.

En attendant, la répartition spatiale de la population est plus préoccupante que jamais, les régions du nord du pays pour ne pas dire le littoral accueillent plus de 60% de la population (25 millions dans les zones telliennes en 2020) avec une armature urbaine déséquilibrée, une croissance urbaine anarchique générant des difficultés de gestion, un déficit chronique en matière de transports, d’habitat et d’équipements, une gestion archaïque des déchets solides, des déchets dangereux en attente de traitement qui s’amoncellent, une dégradation alarmante des ressources naturelles (eau polluée avec une disponibilité inférieure au seuil de rareté, la réduction de la surface agricole utile, des pressions sur les ressources et les écosystèmes steppiques et oasiens), l’avancé du désert, la concentration industrielle, une rupture irréversible des ressources pour de nombreux espaces…

C’est surtout cela la problématique de l’environnement et du développement durable. Le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) a pourtant bien cerné ces problématiques. Mais il semble que cela implique une réorganisation administrative (espaces de programmation) qui est du ressort du politique.

Une chose est sûre: la question de l’environnement n’est pas qu’une simple approche de bon sens ou de propos agréables à l’oreille. C’est la viabilité ou la pérennité du projet de développement qu’une collectivité se propose de mettre en œuvre ou de renforcer qui sont en jeu. L’heure n’est même plus à la réhabilitation d’un ministère de l’Environnement mais à une entité qui aide à piloter le développement durable.

Est-ce en 2017 ?

Rien ne le présage mais bonne année tout de même !


Photo: Les ordures jonchent tout le long des rivages. ©D. R.

Rabah Said



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