Algérie

Le second opérateur de téléphonie fixe ne répond plus



Lacom, histoire d?une faillite à huis clos Lacom, le second opérateur du téléphone fixe en Algérie, avance à grande allure vers la faillite. Enquête sur un grand flop tenu aussi secret que possible en attendant un rebondissement de dernière minute qui sauve la mise. Les habitués du salon IT Med au palais de la culture ont bien ressentit, le 17 avril dernier, " un petit quelque chose de pas rond " au matin du premier jour avant de réaliser en relisant bien la liste des exposants : " Il n?y a pas de stand de Lacom ". Ainsi donc les rumeurs disaient vrai. Le second opérateur de téléphonie fixe en Algérie est entrain de baisser rideau. Rien que cela. Un saut à a tour d?affaire Rahim du périmètre Hilton au pins maritime le confirme vite. Le 9e étage a été libéré par Lacom. Le personnel qui l?occupait a été essaimé sur d?autres sites plus modestes comme le centre d?appel de Dar El Beida. Au 8e étage, ou demeure notamment le service financier : " l?ambiance d?un centre de soins palliatifs, si vous voyez ce que je veux dire " affirme le cadre d?une multinationale voisine de bureaux. A la boutique Lacom d?El Achour, la gêne des commerciaux fait peine à voir " nous avons suspendu momentanément les nouvelles installations pour le moment ; il faut vous rapprocher de la direction pour en savoir plus sur la date de reprise ". La direction de Lacom n?a aucune déclaration à faire à la presse. M Amimour chargé de la communication confirme au téléphone une fin de non recevoir à une demande d?entretien avec le DG de Lacom, Jean Pierre Roland. Pourtant, il y?a deux mois, pressé par son personnel le directeur français de Lacom a bien voulu dire quelques mots sur l?avenir de l?entreprise à des équipes totalement désorientées depuis le début de l?année 2007 par la chute libre des budgets de fonctionnement, l?arrêt des campagnes de communications et la mise entre parenthèse du programme d?expansion du réseau téléphonique dans le pays : " nous sommes en discussion avec l?ARPT (l?agence de régulation des postes et télécom) pour changer de statut. Nous voulons devenir un opérateur wimax en Algérie. Il faut savoir que ce n?est pas la même échelle d?entreprise qu?un opérateur de téléphonie fixe ", et de recommander tranquillement à tout ceux qui peuvent trouver une bonne offre de travail ailleurs de ne pas la manquer. "Nous savons depuis au moins deux mois que Lacom n?est plus le second opérateur de téléphonie fixe " explique un ancien employé. Jusqu?à cette semaine encore, le grand public, y compris des abonnés parmi les 50 000 clients de Lacom, n?en sait rien. Le grand flop de l?aventure Lacom se déroule à huit clos fermement protéger des médias. Un scénario hallucinant qui n?est pas sans rappeler le secret qui a entouré la banqueroute annoncée de Khalifa Bank après la mesure de suspension des opérations de commerce extérieur en novembre 2002. Les enjeux financiers ne sont pas les mêmes certes, la déconvenue en affaires, elle, est comparable. Février 2006 le Djezzy du fixe arrive? Les pouvoirs publics le savent. Lacom a renoncé à poursuivre le développement de son réseau au-delà des 6 wilayas de la première année prévue par le cahier des charges. L?ARPT en a été saisi par courrier. Pire encore, les clients de Lacom sont insidieusement invités à ne pas renouveler leur abonnement. A peine une année donc après cette fastueuse cérémonie de lancement de Lacom, le 22 février 2006, dans un grand Hôtel d?Alger, la naissance en paillettes retombe en vrille. Comment une telle déconfiture a-t-elle était possible aussi vite, aussi totale ? Pour tenter de comprendre il faut revenir aux conditions d?acquisition de la seconde licence du fixe remise sur le marché par l?ARPT en 2005, après un premier appel d?offres infructueux début 2004. Le consortium Orascom Télécom Holding - Télécom Egypte (privé-public) réuni dans le CAT, est le seul à répondre aux conditions parmi les candidats soumissionnaires, trois prétendants n?avaient pas les moyens financiers et/ou techniques (algériens Mobi One et Eepad, Monaco Télécom), le quatrième, un équipementier Chinois (ZTE) n?était pas un opérateur téléphonique. Or, l?une des conditions du cahier des charges exige que l?acquéreur de la licence soit déjà un opérateur du fixe. C?est ce qui a obligé Orascom, poisson pilote de l?offre égyptienne, à s?allier à Télécom Egypte. Un mariage dont la chronique post nuptiale va se révéler malheureuse. Pourtant dans le scénario de départ tout le monde voit un " remake " de l?histoire à succès de Djezzy. Le taux de branchement des ménages en fixe est bas, OTH connaît bien désormais le marché algérien et peut organiser des économies de déploiement par le fait de son réseau du mobile, et surtout l?opérateur historique Algérie Télécom évolue dans le flou ; l?ouverture de son capital annoncée plus d?une fois est reportée. Le retard de la privatisation partielle d?Algérie Télécom ? Certains y voient même clairement un coup de pouce direct à CAT, le consortium détenu à 50-50 par OTH et Télécom Egypte qui a bénéficié de la licence du fixe ; sur le modèle de la prise en otage de la filiale du mobile de l?opérateur historique au début des années 2000, le temps d?installer un opérateur privé dans le paysage. Sans compter que les gros opérateurs occidentaux (France Télécom, Téléfonica, Vodaphone) ont donné la priorité stratégique à l?entrée dans le capital d?Algérie Télécom, 30 % miroitées par le gouvernement algérien, et se sont détournés de ce fait de la course à la licence du fixe laissant le champ libre au consortium privé public égyptien. Le pari " petit bras " du WLL Tout sourit donc pour CAT et son nom commercial, Lacom, présenté urbi et orbi en ce soir de février 2006 : tout, même le chèque déboursé pour acquérir cette licence, 65 millions de dollars, jugé par les spécialistes comme étant une " bonne affaire " pour l?acquéreur et une mauvaise pour le trésor public algérien. En effet la licence du fixe comporte un package de trois lots qui auraient pu être proposés distinctement : le réseau interurbain (transport backbone), le trafic international et les boucles radio locales (WLL). Mais Lacom ne sera pas le Djezzy du fixe comme on le lui prédisait. "J?ai vu dès le premier jour qu?il y avait une incompatibilité entre les deux actionnaires de Lacom. Naguib Sawiris, le président d?Orascom, faisait tout pour attirer les regards des médias vers lui comme si la boite lui appartenait seul. Ce n?était pas du tout les mêmes cultures d?entreprises. Orascom et Télécom Egypte n?ont pas cessé de se confronter à l?intérieur de Lacom " raconte un des cadres " en instance d?affectation " chez Lacom. Une des premières raisons du flop de Lacom vient du mauvais ménage qu?y font les deux actionnaires. Un des experts du secteur des télécommunications, tenu par une obligation de réserve, affirme : " pour moi, il n? y a aucun doute que Sawiris veut être majoritaire et seul maître à bord, et qu?il a décidé de faire ce qu?il fallait pour cela en laissant Lacom couler ". Chez les gens de Orascom les griefs sont lourds à l?encontre de l?associé Télécom Egypte : " c?est eux qui étaient aux manettes au début. Ils ont fait des erreurs de cap que l?on arrive plus à corriger depuis que nous avons repris la main en août 2006 ". Quelles erreurs ? " Le pari commercial sur le WLL, le téléphone sans fil par boucle radio, a été un échec. Nous, à Algérie Télécom on ne comprenait pas que Lacom lance une campagne pour l?abonnement WLL avec la promesse d?avoir une bonne connexion internet. Nous avions le même équipementier chinois pour le réseau WLL, et nous savions qu?avec cela on ne pouvait pas prétendre à plus de 50 kilobits par seconde. " raconte Melle Ould Mohamed ingénieur chargé du déploiement Wimax chez l?opérateur historique. Lacom a joué d?entrée la carte de l?opérateur multimédia qui n?apporte pas que de la voix dans les maisons : avec le WLL il ne s?en est pas donné les moyens techniques. Les déçus de la connexion Internet de Lacom vont très vite le faire savoir. Le " bouche à oreille " bloque le compteur des abonnés à 50 000 pour six wilayas. Dès le mois d?août 2006 le départ de Imad Al Azhari annonce en creux la crise qui arrive. A l?ouverture de la boutique Lacom de Blida à la fin de l?été 2006, le nouveau DG JP Roland, un transfuge de l?opérateur téléphonique Tunisiana, manque l?occasion de se présenter à la presse. Il joue les managers furtifs. Et bientôt c?est la communication complète de Lacom qui devient furtive. En fait la poursuite du développement du réseau Lacom en conformité avec le cahier des charges nécessite une autre échelle d?investissement que celle des boucles locales WLL. " La solution, c?est le dégroupage, c?est-à-dire la possibilité pour le nouvel opérateur de conduire du filaire jusqu?à chez son abonné en récupérant le dernier Mile de fil et en le plaçant sur son boîtier de distribution. La formule dans le monde est d?utiliser le fil de l?opérateur historique si l?abonné change d?opérateur. Il y a pour cela des compensations financières qui sont prévues. Lacom a plongé dans cette affaire sans les garanties juridiques sur la mise en ?uvre du dégroupage et je pense aussi sans les moyens financiers pour forcer la décision car je ne l?ai pas entendu beaucoup insister sur le dégroupage après avoir exprimé clairement cette revendication à ses débuts " explique l?expert. Lacom a voulu grandir à petits frais. Cela arrangeait sans doute les deux actionnaires, chacun considérants qu?il ne valait pas la peine de continuer à mettre la main à la poche pour une joint venture à deux têtes. Dernier épisode en date de cette guéguerre, l?annonce par Télécom Egypte (TE) de son refus de verser 20 millions d?euros prévus dans le plan d?investissement initial de Lacom. La raison officielle avancée par TE de ce blocage du développement de la filiale algérienne de la téléphonie fixe est une protestation contre l?ARPT, accusé de décisions discriminatoires empêchant le développant de la concurrence sur le segment de la téléphonie du fixe. L?échec de la démonopolisation du téléphone fixe causé par l?intransigeance de l?ARPT ? Une autre piste à explorer dans la poussière du fracas de la chute de Lacom. Incohérence de l?ARPT et mauvais calcul d?Orascom Depuis le début de cette réforme de la téléphonie fixe, l?ARPT est pointée du doigt pour l?incohérence de son action. L?échec de Lacom est aussi le sien. Pour Jean Pierre Roland, le DG de Lacom, cette affaire était mal engagée depuis le premier jour. Il ne l?a pas dit à la presse avec laquelle il ne parle pas, mais à son personnel pour donner sa version de cette faillite en marche : " il n?y a pas de place pour un second opérateur de téléphonie fixe en Algérie. Si c?était le cas on ne serait pas retrouver seul ou presque à prétendre acquérir cette licence. On aurait déjà du se poser des questions à ce moment ". Pas de place pour un second opérateur du fixe ? Ce n?est pas l?avis de notre expert " Il existe incontestablement un marché solvable pour un autre opérateur du fixe. Le téléphone filaire est revenu en grâce avec les usages multimédias fiables qu?il offre : internet, transport d?images vidéos, de sons numériques. Si en plus on ajoute que l?Algérie est entrain de construire des centaines de milliers de logements qu?il faut équiper en téléphone, le doute n?existe pas ; Algérie Télécom ne peut pas faire face toute seule à tout cela. Convaincant. Mais alors pourquoi cette venue d?un second opérateur du fixe brandissant une identité multimédia a-t-elle tourné court aussi vite ? " Il est vrai que les conditions d?entrée d?un second opérateur sur le fixe ont été très mal préparées par l?ARPT. Mais Orascom en a fait fi, il n?a pas exigé au préalable un texte légal sur le dégroupage comme l?ont demandé les autres opérateurs, il n?a pas assez évalué la performance technique de la filière WLL, et surtout il n?a pas intégré dans l?analyse globale du marché sa nouvelle position d?opérateur dominant dans le mobile qui a conduit à la fin de l?ère des facilités dont il a bénéficié avec l?ARPT lorsqu?il est arrivé en 2002 et que l?urgence pour les autorités était de favoriser l?émergence d?un nouvel opérateur ". Que va donc devenir cette licence du fixe achetée 65 millions de dollars par CAT ? La négociation avec l?ARPT pour la réduire à l?usage du seul Wimax est promise à une impasse prédisent les spécialistes. Alors il reste encore un coup de théâtre de dernière minute. Qu?un des deux actionnaires de CAT accepte de passer sous la barre des 50 % dans la joint venture. C?est Télécom Egypte qui est prestement invitée à céder des parts à Orascom. Sawiris, le grand patron de la holding OTH, remettrait alors autant d?argent qu?il faut pour respecter le cahier de charge et devenir un vrai opérateur du fixe en Algérie. Il est presque tenu de le faire s?il ne veut pas que les éclaboussures de la faillible de Lacom n?atteignent son beau vaisseau amiral arabe ; Djezzy.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)