Algérie - Tariqa Zianiya



1) A) De Taghit à Kenadsa: un long périple.
1.1) a) Sîdî M’hammad B. Bûziyân: un sh araf présumé.
1.2) b) Sijilmassa, première étape.
1.3) c) De Sijilmassa à Fès: des études mal terminées.
1.4) d) Le retour au Pays
2) B) Un maître chez lui.
2.1) a) Une journée du maître.
2.2) b) Le sens des miracles
2.3) c) Le territoire du saint
3) C) Un nouvel ordre
3.1) a) La naissance de l'ordre, un épisode houleux
3.2) c) Accéder à la Voie et parvenir au but.
3.3) d) Des adeptes ou des "associés"?
3.4) Conclusion
Bien qu'éparpillés, Il existe un certain nombre de manuscrits bio-hagiographies du saint de Kenadsa. Nous avons l’œuvre de `Ali Ibn `Abd al-Qâdir at-Tâzî: Minhal ad-dam’ân wa muzîl al-humûm wa al-kurûb wa al-ahzân fî karamât qutb az-zamân shaykhunâ M’hammad b. abî Ziyyân (L'Aiguade de l'avide et le dissipateur des angoisses, des tourments et des chagrins, dans les grâces du pôle du temps, notre shaykh Sîdî M'hammad b. Bûziyân). Une copie, répertoriée sous le n° 61, se trouve à la bibliothèque Sbihiya de Salé (Maroc). Son auteur fut l’un des plus fidèles disciples du shaykh. Il l’aurait accompagné pendant une quinzaine d’années. Il est une des deux principales références. La seconde est constituée par l'ouvrage de `Abd ar-Rahmân b. Muhammad Manyân al-Ya`qûbî intitulé, Fath al-mannân fî sîrat ash-shaykh M’hammad b. abî Ziyyân (Le dévoilement du bienveillant dans la conduite du shaykh M'hammad b. Bûziyân). C'est un disciple et contemporain du shaykhégalement ; pendant de nombreuses années, il venait passer des séjours de plus de six mois à la zâwiya, suivant de près la vie et l'enseignement du shaykh.

Aucune de ces deux références ne se trouve à la zâwiya de Kenadsa. Le seul manuscrit, dont une copie nous a été aimablement communiquée par al-Hâj B., un des descendants de B. Bûziyân, est une copie de Fath al-mannân. Dépareillée, cette copie est amputée d'une bonne partie 1 .

L’essentiel de la vie du saint et de ses “grâces probatoires” (karamât) a été résumé par Muhammad al-Mustfa b. al-Hâj al-Bashîr al-Qandûsî 2 dans Tahârat al-anfâs wa al-arwâh al-jismâniyya fî at-tarîqa az-ziyyâniya ash-shâdiliya (Pureté des âmes et des esprits "corporés" dans la Voie az-ziyyâniya ash-shâdiliya). En s’appuyant essentiellement sur Fath al-mannân l’auteur s’est donné pour objectif d’édifier ses contemporains et de fortifier sa foi par le rappel de la vie exemplaire du saint 3 . Les 164 pages de cet abrégé, relativement récent, ont été achevées nous dit l'auteur “ dans la matinée (dhahwa) du mardi quinze du mois de Dieu : dî hijjat al-harâm, l'année 1320h.” 4 .

1) A) De Taghit à Kenadsa: un long périple.
Comme celle de tous les grands saints, la vie de Sîdî M’hammad B. Bûziyân est un véritable “parcours du combattant” où les épreuves se succèdent les unes plus périlleuses que les autres. Avant de s'installer à Kenadsa, à une centaine de kilomètres de Taghit, son lieu de naissance, il lui a fallu de nombreuses années, plusieurs étapes et des tribulations diverses.

1.1) a) Sîdî M’hammad B. Bûziyân: un sharaf présumé.
C'est M'hammad b. `Abd ar-Rahmân b. M'hammad b. Abî-Ziyyân b. `Abd ar-Rahmân b. Ahmad b. `Uthmân b. Mas`ûd b. `Abd Allâh al-Ghazwânî. Son nom M'hammad b. Bûziyân, fait penser que Bûziyân est le nom de son père. En fait, c'est un seul et même prénom: M'hammad b. Bûziyân. Son père, `Abd ar-Rahmân a, sans doute, voulu signaler (en associant M'hammad et b. Bûziyân) que ce prénom lui a été attribué en souvenir de celui de son grand père qui lui aussi s'appelait M'hammad et qui était le fils de Bûziyân (orhographié plus haut Abî-Ziyyân).

Son père choisit de s’installer chez les Bânî Gûmî, dans la tribu de son épouse. En effet, les parents de Najma, celle qui deviendra la mère de Sîdî M’hammad B. Bûziyân, habitent le ksar de Barrbî, près de Taghit (80 km au sud de l’actuel Béchar). C’est là que va naître notre futur saint, en l'an 1062 h/1651. Il n'est donc pas originaire du Draa comme le notent beaucoup d'auteurs 5 .

L'auteur de Tahârat al-anfâs, fait descendre le saint du shaykh al-Ghazwânî dont le tombeau se trouve à Marrakech au Maroc et de là le rattache à travers deux ancêtres (Sa`îd et Mûsâ) à "Mawlâna `Abd as-Salâm b. Mshîsh. Cette filiation pose problème. Deux siècles environ séparent al-Ghazwânî de b. Mshîsh, ce qui rend plus qu'incertain que deux ancêtres seulement les relient. Pour le moins, la généalogie est incomplète. Ce qui est très probable aussi c'est que cela soit une tentative de fabrication généalogique à posteriori comme il est souvent d'usage dans les lignées de la khâçça 6 . L'auteur de Fath al-mannân qui est son contemporain est plus prudent: "Ce que je crois et pense, c'est que sa filiation (nasab) (que Dieu lui accorde ses grâces), au regard de ce que Dieu a créé de distinction(hasab), de noblesse (jûd) et de générosité (karam), ne peut lui parvenir que de son origine Koréïchite ou Hachémite, sans doute" Mais très prudent il termine "Et au dessus de chaque détenteur de savoir (dî `ilmin) se trouve plus savant (`alîm)".

L'arbre généalogique, jalousement conservé par les descendants du saint et que nous avons pu consulter chez al-Hâj B. et authentifié auprès de al-Hâj M. est une copie conforme de celui que l'on retrouve chez tous les généalogistes de la ziyyâniya. Que ce soit par le biais de la silsila (chaîne ) adamique ou celui de la silsila spirituelle, le principe généalogique ancestral aboutit, immanquablement, jusqu'au Prophète. B. Bûziyân participe des deux légitimités qui structurent l'archétype de l'être exceptionnel: le sharaf et la sainteté.

Donner la preuve de son orthodoxie est compréhensible chez tout fondateur d'un nouvel ordre. Dans cette angoisse du nouveau qui se retrouve aussi bien chez les saints que chez les savants, l'iconoclaste pourrait n'y voir qu'une "névrose de filiation". Pour le fidèle, la silsila authentifie le lien et évite le piège de l'innovation blâmable (al-bid`a) qui guette le croyant. La meilleure garantie est le rappel des maîtres, jusqu'au Prophôte maître de tous et élève de l'ange Gabriel, lui-même élève de Dieu.

Mais alors, pourquoi tant d'obsession à faire couler du sang prophétique dans les veines de B. Bûziyân et surtout de ses descendants? Parce que "Le sang est la métaphore de la grâce" 7 .

1.2) b) Sijilmassa, première étape.
Né vers 1062 de l’hégire (environ 1651 de l’ère chrétienne) à Taghit, le petit M’hammad a vécu une enfance difficile. Très tôt orphelin de mère, il connaît des contrariétés et des désagréments dans la cohabitation avec sa marâtre qui se compliqueront après la mort de son père. Il quitte Taghit à un âge précoce, avant la puberté ou comme dit l’hagiographe “avant l’âge où l’on commet les péchés” “lam yabligh al-hinth” 8 . Pour seul viatique il emportera l’équivalent de quarante muzûna-s râshidiyya 9 , nous disent ses hagiographes, qu’un de ses oncles lui aurait donné. Il se dirige vers Sijilmassa, dans le ksar du grand shaykh de l’époque, Sîdî M’hammad b. `Azzî al-`Anbarî al Ghurfî. Ce maître est décrit comme “un des grands savants et un des plus puissants saints. A réuni les sciences obvies (al `ulûm adh-dhâhira) et les sciences occultes (al-`ulûm al-bâtina). Savant et homme de biens connu pour sa crainte de Dieu, son ascétisme et sa piété.” 10

1.3) c) De Sijilmassa à Fès: des études mal terminées.
Il aurait séjourné auprès de son maître plus d’une vingtaine d’années d’après la réponse qu’il donna à son élève et hagiographe at-Tâzî. “Je lui ai demandé combien était-il resté là-bas (auprès de Sîdî M’bârak), il m’a répondu: j’ai laissé les gens non encore nés et je les ai trouvés avec leurs enfants” 11 . Toutes les bases de sa science, il les aurait acquises auprès de celui qui le choisît pour ses dernières ablutions. En effet, juste avant de mourir, son maître le désigne pour s’occuper du lavage rituel de son corps. Après l’avoir fait, il boit de l’eau qui a servi aux ablutions de son maître. Un tel acte n’est pas sans rappeler l’hostie. En buvant de cette eau, le saint a absorbé symboliquement le sang du maître et fait passer l’énergie de son maître dans son propre corps. Ce fût le premier indice de sa progression dans la Voie de la Vérité. Son shaykh M’bârak b. `Azzî mort, rien ne justifiait plus sa présence dans cette contrée du Sud, éloignée des cités savantes. Il se dirige alors vers Fès. Nous sommes en 1089 h/1678, l’année où la peste, qui vraisemblablement a emporté son maître, s'est répandue dans toute la région du Tafilalet. Quand il quitte Sijilmassa, il a déjà atteint l’âge mûr, il a plus de vingt cinq ans.

C’est à Fès, plus exactement à la médersa Sîdî Masbâh, qu’il affine sa connaissance “jusqu’à ce que Dieu lui dévoile la noble science, celle de l’exotérique et de l’ésotérique” 12 . Il ne séjournera à Fès que durant huit difficiles années, de 1089 h/1678 à 1097 h/1689, où il lui arrivait de chercher dans la décharge de la cité de quoi tromper sa faim 13 . En effet, l’époque est connue dans l’histoire du Maghreb par ses guerres et ses discordes, ses épidémies et ses catastrophes naturelles (déluge et tremblement de terre, sécheresse, inondations). Cependant, notre saint ne perd pas de temps. Il assiste aux cours dispensés par les plus prestigieux faqîh-s de l’époque. Parmi ceux-là, citons le célèbre shaykh `Abd- al-Qâdir al-Fâsî chez qui il aurait appris al-hikam d’Ibn `Atâ’ Allâh 14 et le shaykh `Abd as-Salâm b. Ahmad U Hamdûn Gassûs. Sîdî M’hammad B. Bûziyân se rappellera particulièrement de celui-là quand il deviendra à son tour un maître et parlera de lui à ses élèves en ces termes: “Mon maître, chez qui j’ai étudié, le maître de la Voie (tarîqa) et l’océan de la Vérité (al-haqîqa)” 15 . On retrouve aussi parmi ses maîtres le faqîh Ahmad b. al-`Arbî, plus connu sous le nom d’Ibn al-Hâj et bien d’autres aussi comme Ahmad al-Yamânî.

Il côtoya également de futurs savants dont certains lui étaient très proches. Al-Qandusî cite parmi ceux-là, "le faqîh et savant Sîdî Muhammad al-Masnâwî, Sîdî al-Hasan b. Rahhâl, Sîdî Muhammad b. Zakrî, Sîdî Muhammad Mayyâra, Sîdî Muhammad b. M'bârak as- Sijilmâsi ainsi que les enfants de Sîdî Abd- al Qâdar al-Fâsî." 16

Après ces huit années de science et d’abstinence, Il quitte Fès accusé de magie 17 et rentre à Kenadsa, dans le pays de ses ancêtres d’où il partira en pèlerinage à la Mecque. Il reviendra s’y installer définitivement, et fonder sa célèbre tarîqa: la ziyyâniya. Sîdî M’hammad y mènera une vie d’ascète pendant près de cinquante ans.

1.4) d) Le retour au Pays
En se dirigeant vers ces territoires, que les cartes coloniales d'État major signaleront plus tard sous le nom de “pays du Zegdou”, cette confédération de tribus autrefois nomades et indépendantes constituées par les Bnî Gîl, Ulâd Jrîr et Dhwî Mnî`, Sîdî M'hammad b. Bûziyân n'a pas dû beaucoup hésité dans son choix. A son Taghit natal dont il ne garde pas, particulièrement, de bons souvenirs, B. Bûziyân préfère Kenadsa, le pays des ancêtres. Là, en amont de l’oued Guir vient s’installer ce jeune lettré que l’histoire consacrera plus tard. Il est alors âgé de trente cinq ans environ.

Il ne tardera pas à se lier à une certaine Umm Kalthûm. De cette épouse qu'il a dû aimer, le shaykh en dit peu de chose; l'hagiographe ne rapporte qu'une appréciation laconique: “tazawwajahâ lî-llâh wa `arafaha lî-llâh wa ajâbat lidhâlika râdiyya allâhu `anha” 18 . Remarquons l'ordre: d'abord le mariage, ensuite la connaissance et enfin la sanctification.

Cette première femme semble avoir participé activement à son entreprise. Elle est décrite comme son principal second dans toutes les affaires de la zâwiya. Elle s’est occupée, toute seule au début, de la gestion des magasins de la zâwiya. Avec l’ampleur qu’a prise la zâwiya, elle fut secondée par un des neveux du shaykh et plus tard encore par l’esclave (waçîf) de l’un de ses fils 19 . Ils vécurent plus d'un quart de siècle ensemble et eurent quatre garçons et cinq filles 20 . Elle meurt en 1125 h/1713 peu avant son fils aîné `Abd al-Wahhâb.

Le shaykh qui lui survécut vingt années, attendit longtemps avant de se décider à prendre une seconde épouse. Son hagiographe al-Ya`qûbî, prit une part active à ces secondes noces. Le shaykh était venu lui parler à propos d'un mal qu'il ressentait au niveau du ventre. "Tu es shaykh al-islâm, personne ne peut t'examiner de près (yubâshir), lui dit-il. Il lui conseilla de prendre une seconde femme, ne fût-ce "qu'une esclave qui sera utilisée pour l'accouplement (al-wat') et les tâches tels que les soins" 21 . Aidé par le fils aîné du shaykh, `Abd al-Wahhâb, encore en vie, ils chargèrent le tâlab `Azzûz al-Qandûsî de contacter al-Hâj `Abd al-Qâdir al-Filâlî, un des muqaddam-s de la zâwiya à Sijilmassa et lui demander de trouver au shaykh une "esclave éduquée ( 'âma mutarabiyya)". Son ami, le shaykh Abû al-`Abbâs Sîdî Ahmad Lahbîb al-Lamtî, qui vivait à Sijilmassa, l'apprit et entra aussitôt en contact avec le shaykh par courrier dans lequel il exprima son total désaccord en ces termes : "Ce ne sont pas tes pareils qui font leurs ablutions avec la pierre lustrale (au lieu de l'eau, sous entendu)". Autrement dit, si tu dois t'allier, c'est à une noble et non pas à une esclave. Un des faqîh-s de la zâwiya voisine des Ulâd `Abd al-Jabbâr de Figuig 22 , le sut et lui proposa sa fille. Cette fois-ci, c'est son propre fils, `Abd al-Wahhâb, qui se déplaça après accord du shaykh. Sur place, il apprend que cette femme avait déjà eu trois maris, il s'en alla demander la fille d'un de leurs adeptes qui habitait le ksar al-M`îz, toujours à Figuig. C'est cette fille, encore pucelle, qu'épousa le shaykh et avec laquelle il eut deux garçons: Sîd al-Hûsin et Sîd al-Yamânî 23 . L'histoire s'arrête ici, omettant jusqu'au nom de cette femme dont la jeunesse a été sacrifiée sur l'autel des stratégies matrimoniales.

En effet, c'est bien de cela qu’il s'agit; car, pourquoi aller précisément à Figuig chercher une seconde femme? N'y avait-il pas un seul fidèle, sur place, capable du geste de l'habitant du ksar lam`îz à Figuig? Aucune femme du ksar n'était digne du shaykh? la raison est à rechercher ailleurs. Figuig est depuis longtemps un espace enjeu considérable. Ce sont les ziyâra-s provenant des adeptes de cette région qui ont été la pomme de discorde entre B. Bûziyân et Sîdî Ahmad B. Nâçar, le shaykh de la tarîqa à laquelle, vraisemblablement, B. Bûziyân aurait appartenu initialement. Tenter de s'allier à la zâwiya locale des Ulâd `Abd al-Jabbâr, c'est essayer d'assurer une protection des intérêts locaux de la zâwiya , biens et personnes.

2) B) Un maître chez lui.
Entre temps, B. Bûziyân a initié une nouvelle voie et fondé une zâwiya. Après ses premières années où on le voyait vêtu d'un burnous noir (akhnîf) 24 et d'une chéchia en grosse laine (karzâziyya) errant sur les pics des collines et dans le creux des oueds, B. Bûziyân est devenu un maître entouré d'élèves en quête de la noble science; et un saint, sollicité par les quêteurs de baraka, tous venus de loin, souvent de très loin. Pour répondre à tous, il organise sa vie selon une ponctualité rigoureuse rythmée par le temps des cinq prières canoniques.

2.1) a) Une journée du maître.
Après la première prière de l'après-midi (adh-dhuhr) suivie de prières surérogatoires (nâfila), il entreprend l'enseignement de l'oeuvre de l'imâm Sîdî M'hammad Ibn Ismâ`îl al-Bukhârî 25 jusqu'à la seconde prière de l'après-midi (al-`açr) qu'il fait précéder également de prières surérogatoires. Entre la prière de al-`açr et celle du crépuscule (al-maghrab), il se retire dans sa khalwa pour se livrer au dikr et à la méditation. Il consacre un moment avant la prière du maghrab, avec les affiliés, à des questions concernant aussi bien la religion (ad-dîn) que la vie (ad-dunyâ). Il ne les quitte que pour la prière du maghrab et les prières dites rawâtib. Puis, c'est l'heure de la lecture du hizb qui sera suivie par le cours de fiqh jusqu'à al-`ishâ', dernière prière de la journée. Après, le shaykh se dirige vers la khalwa pour exécuter une prière en une série de six paires de rak`ât (génuflexions) et une treizième, impaire (witr). Il est alors temps pour lui d'aller superviser le dîner qu'il a déjà commandé pour les affiliés. Il les quitte ensuite et ne revient que le lendemain pour la première prière du matin (aç-çubh), il lit le hizb et s'en va à la khalwa s'occuper de dikr et de wird jusqu'en milieu de matinée. Il exécute une autre prière et sort rencontrer les affiliés parmi les visiteurs et les habitants. C'est après avoir débattu avec tout ce monde qui atteignait parfois les 400 personnes, dit l'hagiographe, qu'il pense à se sustenter et se reposer un peu jusqu'à l'après-midi, heure de la première prière, celle du dhuhr.

En plus de ce programme quotidien qui n'était interrompu que très rarement, lors des déplacements qu'il faisait pour rendre visite aux tombeaux de ses parents à Taghit, il s'imposait d'autres observances. Il jeûnait tous les lundi et tous les jeudi 26 . Il jeûnait également la mi-rajab et la mi-sha`ban, le vingt septième jour de rajab, six jours de shawwâl, le jour de 'arafa et celui de `ashûrâ'.

Il mènera ce rythme jusqu'à un âge très avancé. Vieilli et frappé de cécité il ne priait plus que sur place, chez lui, avec quelques uns de ses proches, dont son fils et héritier Muhammad La`raj. Le premier jour du mois de ramadan 1145 h/1732, il est encore en mesure de présider une de ces prières collectives à domicile. Le 11 de ce même ramadan, il meurt en milieu d'après midi (`açr yawm) du jeudi. Il est enterré le même jour au crépuscule (ba`d çalât al-maghhrib).

2.2) b) Le sens des miracles
La biographie nous montre l’évolution d’une vie, c’est à dire des étapes successives mais différentes ; or, l’hagiographie nous donne à voir une vie préorganisée. Le saint ne se fait pas tout seul. Il est donné dès l’origine. Il ne se fabrique pas; il est, pour ainsi dire, préfabriqué.

Les manifestations peuvent apparaître sous formes d’épreuves, quand le saint est en situation désavantageuse; ou de vertus et glorifications, quand il en est le héros positif.

En consultant ces manuscrits et au fil des pages noircies par les fidèles hagiographes et jaunies par le temps, la vie de B. Bûziyân se déploie en une suite ininterrompue de miracles. Il a sauvé l’innocent et puni le coupable et le brigand; libéré le prisonnier; procuré de l’argent au nécessiteux; étanché la soif du voyageur le sauvant d’une mort certaine. Tel un Moïse séparant les eaux de la mer sur son passage, B. Bûziyân s’est frayé son chemin dans la rivière en crue. Il a dompté les lions; guéri les paralytiques et fait parler les muets.

Mais, sa puissance s’est surtout manifestée dans la réparation des torts. Depuis son lointain ksar saharien, il a veillé sur tous ceux qui l’ont imploré. Qu’ils soient en route vers la zâwiya ou établis à Kenadsa et ses alentours; qu’ils soient de Tlemcen, Fès , Meknès ou même du Caire, d’Espagne ou de La Mecque, B. Bûziyân était là auprès d’eux quand ils l’invoquaient nous disent ses hagiographes. Les distances importaient peu à ce saint qui pouvait faire traverser à son disciple `Abd Allâh at-Twâty, la distance du Caire à la Mecque en une heure 27 ou faire voyager son autre disciple, al-Hâj `Alî al-Qurtûbî, de Tlemcen à la Mecque, de Médine au Caire ou d’une île vers Kenadsa 28

Tous ces miracles montrent le saint comme un souverain dans un espace où il fait la pluie et le beau temps, au sens propre comme au sens figuré.

L'importance proportionnelle des miracles en relation avec la sanction des brigands et autres écumeurs de routes est très significative.(...) au point que les auteurs coloniaux ont attribué une spécialité à la zâwiya: la protection des caravanes la qualifiant même de compagnie d'assurance de voyages. L'ascendant du saint a dû être considérable pour que la plupart des caravanes consentissent à remettre leur sorts entre les mains de la zâwiya pour leur faire traverser l'espace autrefois terrain de chasse des tribus Dhwî Mni`et Ulâd Jrîr.

La zâwiya va jouer un rôle important dans la protection des caravanes commerciales qui traversaient son territoire. Un agent raqqâs était envoyé par le shaykh comme accompagnateur avec une sorte de sauf-conduit 29 . “Le shaykh lui écrivait un mot qu’il portait sur lui. Quand il arrive dans une tribu, il lui montre le pli du shaykh (que la grâce divine soit sur lui), qu’elle accepte. Elle l’oriente alors vers le lieu de la sécurité et de la confiance 30 . Une des particularités de ce commissionnaire, raqqâs, contrairement à l’usage consacré, celui-ci n’était pas un simple coursier, c’était un affilié convaincu capable de propager la Voie chez les caravaniers qu’il accompagnait, et de diriger leurs prières. Ce qui contribua largement à l’expansion de la Voie ziyyâniya, au Nord et au Sud, tout le long des voies caravanières. Cette pratique consacrera un large territoire qui va demeurer longtemps entre les mains de la zâwiya qui continuera d’ailleurs à le gérer par le biais de cette pratique jusqu’à très récemment.

Devenant ainsi un passage obligé, Kenadsa ne tarde pas à se transformer en étape relais et place de marché. Les caravanes du Nord s'y arrêtaient pour acquérir les produits en provenance du Soudan et notamment des esclaves. Les manuscrits laissent transparaître quelques indices à ce sujet, tel que le passage du Minhal relatant la perte par la fille de Moulay Ismaîl qui habitait Sijilmassa, d'une pierre précieuse (yâqûta). Ses servantes accusent "cette esclave (que tu as) achetée à Kenadsa" 31 . Le testament (waçiyya) de Sîdî Muhammad La`raj, le second shaykh de la zâwiya, par lequel il lègue à son fils Bûmadyan et à sa descendance le tiers des biens de la zâwiya, fixe dans un passage le prix de "l'esclave de couleur noire" (al-waçîf aswad al-lawn) à soixante mithqâl.

Cependant, les miracles les plus indélébiles qui nous sont parvenus sont ceux inscrits sur le sol même du pays. B. Bûziyân a mis en valeur plusieurs sources dont certaines coulent toujours. Ulâd Bû `Azza, Sîd al-Hâj L`arbî, Tozzût, `ayn ad-dîr, Laqbûna, `ayn Sîdi M'bârak, `ayn Ulâd Sîd al Muffaq, La`yûn Ulâd Sîd al-Hûsin, `ayn Ulâd Ba Mûsâ, `ayn B. Aj-Jilâlî, `ayn lamqaddam Mûsâ, voilà la liste des sources que nous avons pu recenser. La plupart ne demande qu'un curage pour se remettre à couler comme avant à l'instar de `ayn Sîdî M'bârak qui vient d'être rénovée. Sont-elles toutes de l'époque de B. Bûziyân? C'est ce qu'avancent les enfants du pays. Ce qui est historiquement attesté, c'est que c'est lui-même qui a été à l'origine des sources de Tikûn rabbî (don de Dieu), `ayn al-baraka et celle de `ayn ad-dîr. 32

En aménageant des sources, ou en incitant à le faire, B. Bûziyân, ne fait pas qu'accomplir (à l'instar de tous les saints) des miracles hydrauliques. Il défie les contraintes d'un environnement hostile, pour répondre à de nouvelles exigences. Désormais, grâce à sa notoriété, le ksar est devenu une terre d'accueil et un lieu de passage. Cela requiert, pour le moins, la présence conséquente du premier élément vital: l'eau.

2.3) c) Le territoire du saint
Comme dans la plupart des vies de saints, le lieu est moins fluctuant que le temps. On sait d’où est parti le saint et où il est arrivé. On connaît les étapes et les lieux qu’il a traversés avec plus de précision que sa date de naissance et celle de sa mort.

Le saint organise l’espace plus que le temps. Ce dernier est inscrit dans un cosmos immuable dans lequel le temps du saint s’inscrit (ex. mawlid, nativité).

Les manâqib-s 33 du saint le présentent comme un baliseur d’espace. Il voyage très tôt et beaucoup. Né à Taghit, petite oasis du sud Oranais, il quitte son pays pour aller à Sijilmassa dans le sud-est du Maroc actuel. Il poussera plus au Nord, à la mort de son maître M’bârak b. `Azzî, jusqu’à Fès, la Mecque du `ilm au Maghreb du XVIIème siècle. Il quitte Fès, chassé par le sultan Moulay `Abd al-`Azîz 34 , dit l’hagiographe, qui voyait dans ses karamât (grâces probatoires) des tours de magie. Il reviendra vers sa contrée natale et s’installera à Kenadsa, chez ses aïeux. De Kenadsa, il part cinq fois en pèlerinage à la Mecque. Trois fois à pied précise l’hagiographe, la légende, quant à elle, évoque le chiffre magique de sept. Il connaîtra Tlemcen, Tunis, Le Caire, villes étapes des pèlerins de jadis.

Revenu au pays il va sillonner la région, où on lui connaît plusieurs khalwa-s, des lieux isolés et éparpillés dans le désert qui lui servaient de retraites pour la méditation et la prière. Parmi les lieux de sa retraite, en dehors de la khalwa du ksar, près de chez lui, il existe deux autres endroits dans la colline qui surplombe la localité:

• hajrat Sîdî M'hammad (la pierre de Sîdî M'hammad), encore connue à `Ayn ad-dîr

• et un endroit près de la source dite Tî-tt'n Ahmad. C'est là précisément, juste au dessus, que la colonisation construira le poste de Belhadi.

L'autre retraite connue se situe plus loin encore dans la colline appelée umm aç-çba`. Il y a une sorte de marquage de l'espace allant de l'intime au moins intime, du domestique au sauvage, du clos à l'ouvert. Le saint est présent dans le ksar, à la limite de l'oasis et dans la région.

Aujourd’hui encore ces lieux de retraite du saint sont repérés et repérables. Ils balisent un espace. Au delà de simples signes d’occupation d’un espace, ils sont les indicateurs de l’emprise spatiale d’un pouvoir à essence sacrée.

3) C) Un nouvel ordre
Si la sainteté apparaît comme une question privée mettant un homme en relation directe avec le divin, la fondation d'un ordre est une question éminemment sociale. La sainteté est une chose, son institutionnalisation en est une autre, c'est ce que nous montre le cas de B. Bûziyân.

3.1) a) La naissance de l'ordre, un épisode houleux
Comment devient-on un maître reconnu ? Cette question, la mystique musulmane (at-taçawwuf) l'a codifiée. Bien sûr, il faut d'abord avoir choisi et préféré l'au-delà à l'ici-bas. A son disciple venu s'enquérir auprès de lui en ce qui concerne les biens de la zâwiya, le shaykh répond avoir chargé son cousin (Ibn `ammînâ) al-Hâj `Abd ar-Rahman "car, poursuit-il, pour nous, la répudiée par trois fois n'est plus licite. Ainsi en est-il pour nous, vis à vis (des jouissances) d'ici-bas, (elles sont) à jamais illicites" 35

La seconde condition ne dépend plus de la seule volonté du prétendant. Il lui faut un maître; car, "celui qui n'a point de maître, Satan est son maître" (man lâ shaykhalahuash-shaytânshaykhuhu) dit la sentence. On ne devient pas maître sans avoir été soi- même le disciple d'un maître reconnu. Cependant, comment passer du disciple au maître indépendant? Autrement dit, comment après avoir été formé dans le cadre d'un ordre, peut-on fonder son propre ordre? Cela ne se passe pas toujours, comme le décrivent les hagiographes, par une autorisation librement consentie par un maître ou même sur incitation de celui-ci.

B. Bûziyân qui a étudié chez le shaykh M'bârak b. `Azzî de l'autorité duquel il se réclame, exclusivement, était perçu par tous comme un nâciri, eu égard à la voie nâçiriya suivie par son maître. Son propre hagiographe, al-Ya`qûbî nous dit que durant son séjour à Sijilmassa, B. Bûziyân "se déplaçait souvent à l'oued Draa pour rendre visite au maître de son maître, Sîdî M'hammad b. Nâçar 36 ". Plus tard, quand il s'installera à Kenadsa, il entretiendra des relations très amicales avec le fils de M'hammad b. Nâçar, Sîdî Ahmad b. Nâçar qui a succédé à son père dans la direction de la zâwiya. Une reconnaissance mutuelle existait entre les deux hommes. Ils ont entrepris ensemble un premier pèlerinage à la Mecque en l'an 1109h/1698; voyage, au cours duquel on voit Sîdî Ahmad b. Nâçar refusait de donner le secret à quelqu'un qui voulait s'affilier à son ordre et laisser ainsi le soin à B. Bûziyân de le faire. Étonné, son compagnon et hagiographe s'entend dire par leshaykh B. Bûziyân, que "chacun reconnaît son fils et aucun n'empiète sur l'autre" 37 .

Une autre anecdote rapportée cette fois ci par at-Tâzî, concerne `Alî al-Qurtûbî ce fidèle compagnon du shaykh. Elle remonte au temps où `Alî al-Qurtûbî était employé chez Moulay Zidâne le fils du roi Moulay Ismaïl. Quand il a voulu quitter le monde de jouissance immorale qui était le sien, il alla voir Sîdî Ahmad b Nâçar dans sa zâwiya du Draa. Il y rencontra le shaykh entouré de ses adeptes. Certains reconnurent immédiatement `Alî al-Qurtûbî et l'accueillirent chaleureusement faisant savoir à leur maître que c'était grâce à lui qu'un jour ils ont été libérés des geôles de Moulay Zidane. Sîdî Ahmad lui déclara, néanmoins, son incapacité à l'aider et lui conseilla de se diriger vers B. Bûziyân, "seul détenteur du secret de ton cas".

Ces deux cas rapportés par les hagiographes de B. Bûziyân appellent deux remarques. D'abord cela montre la relation effective entre les deux hommes qui se connaissaient et se reconnaissaient. Cela aussi pose une autre question. N'est-ce pas un arrangement postérieur de la part d'auteurs acquis à la cause de B. Bûziyân? Ce sont peut-être les écrits qui devaient légitimer un ordre naissant qui se battait contre l'ordre qui le subsumait initialement. En tous cas ils ont été rédigés après la rupture entre les deux hommes. Une rupture que les manuscrits nous restituent de la sorte.

Vers 1121 h/1709, lors du retour d'un second pèlerinage à la Mecque qu'ils effectuèrent ensemble, B. Nâçar constatera que B. Bûziyân est l'objet d'une grande vénération dans toute la partie du piémont de l'Atlas saharien. A une des étapes, Il lui envoya un émissaire avec l'injonction de ne plus transmettre le nom divin (ism al-llâh al `adhîm), “au nom de ma Voie” (bî hadhratî) 38 . Surpris par de tels propos, B. Bûziyân ne crut pas ce que lui dit l'homme. Arrivés à l'étape de Figuig et le voyant recueillir beaucoup de ziyâra-s, les adeptes de la nâciriya accoururent vers leur shaykh, Sîdî Ahmad b. Nâçar, pour lui dire que B. Bûziyân encaissait, à son profit, des ziyâra-s qu'il collectait au nom de sa zâwiya. B. Bûziyân, à qui sont parvenues ces allégations, décide d'aller voir Sîdî Ahmad b. Nâçar. Il fut reçu froidement 39 . Faisant comme si de rien n'était, il continua jusqu'au moment où B. Nâçar lui dit "Ne t'avons nous pas dit de ne plus donner le nom divin en notre nom?". Là, confirmant ce qu'il croyait n'être que des racontars, le shaykh, excédé, dit à B. Nâçar:"Crains Dieu, reviens sur ce que tu es en train de dire. Est-ce que tu es mon maître, pour dire cela?". Il lui rappela qu'il avait un shaykh, en l'occurrence M'bârak b. `Azzî, et que celui-ci n'est pas mort avant de lui achever son initiation. Déclarant publiquement sa rupture, B. Bûziyân dira "nous l'avons suivi pour Dieu, puisque c'est pour quelqu'un d'autre nous quittons". De là, il s'en va à Kerzaz.

Sîdî Ahmad b. Nâçar, quant à lui, soutient un autre avis. Pour lui, B. Bûziyân n'est qu'un délégué (khalîfa) à qui il a confié le soin de transmettre le wird de la nâçiriya. L'affluence des murîd-s l'aurait troublé au point qu’il ne respectât plus les règles de la transmission qui caractérisent la nâçiriya. C'est pour lui épargner des dangers certains qu'il l'excommunie 40 . B. Nâçar se défend que cela soit la conséquence d'une quelconque jalousie. Son acte, déclare-t-il, est dicté par le souci de préserver celui qui encourt le risque de se voir "fondre comme le sel dans l'eau, dissimuler sa trace (a`ma athârihi), couper sa suite"

Les adeptes de la nâçiriya vont propager l'idée que B. Bûziyân a été dépouillé de son pouvoir divin, suite à son désaveu par Sîdî Ahmad b. Nâçar. Les attaques se font violentes notamment de la part d'un certain "Muhammad at-Tûzânî et son ami, un habitant d'un quartier de Taza et propriétaire d'une maison au Djebel Ghiyata" 41 qui crient haut et fort que "Sîdî M'hammad B. Bûziyân s'est égaré lui et celui qui le suit" 42 . Il sera écarté et remplacé (à Figuig et Kenadsa) par un certain Sîdî `Amrû b. `Abd al-Qâdir al-Maghilî.

Entre temps, B. Bûziyân est à Kerzaz où il s'est rendu directement après son altercation avec B. Nâçar. Il est allé sans doute rechercher un réconfort moral auprès de Sîdî M'hammad b `Abd ar-Rahmân qu'il connaît depuis l'époque où il rendait des visites à son père et prédécesseur, le shaykh de la Karzâziyya Sîdî `abd ar-Rahmân Bûfalja (mort en 1115 h/1704). Se sentant peut être seul, il se dirigea vers cette zâwiya chez le fils de celui qui l'aimait et le chérissait et qui recommandait à ses enfants et ses adeptes de le vénérer. Les hagiographes ne nous disent pas combien était-il resté, ici, à Kerzaz; ni, comment était-il revenu à Kenadsa. Ils banalisent ce qui s'est passé entre les deux hommes le qualifiant d'une jalousie connue "car les amis de Dieu (awliyâ' Allâh) et ses purs (açfiyâ'uhu) se caractérisent par la jalousie divine" 43 .

B. Bûziyân quant à lui, sorti victorieux de cette épreuve, dira: "J'étais caché sous l'aile de cet homme et Dieu a dissipé ce voile; et, se sont levées les lumières de la vérité sur la science de la tradition muhammadienne". B. Bûziyân a fini par triompher. Al-Ya`qûbî, l'hagiographe de B. Bûziyân, fera dire à Sîd Ahmad B. Nâçar, juste avant sa mort, en réponse à un de ses disciples Muhammad al-Hâj al-Faqqûsî qui lui demandait s'il pouvait rendre visite à B. Bûziyân, "Rends-lui visite, rends-lui visite, rends-lui visite. Il te faut lui rendre visite. Mon fils, j’(e lui) ai prononcé ce mot croyant que j'étais en droit de le faire. Aujourd'hui, je demande pardon à Dieu. Alors rends-lui visite car il est vraiment notre frère.". Un mois plus tard, B. Nâçar meurt et l'ordre de B. Bûziyân se propage.

Après avoir raffermi sa position et assurer la reconnaissance de son ordre par les tribus et les shaykh -s, le saint suscite l'intérêt du makhzen chérifien. Le Minhal consacre des pages entières au courrier et à la médiation du shaykh suite aux plaintes de la population contre les agents du roi de l’époque. Fès se soulève vers le milieu du XVIIème siècle contre les dilâ’ites 44 . B. Bûziyân avait 18 ans environ quand le sultan Moulay Rachid vint à bout de la puissance de Dila’. C’est à ce moment précis qu’il quitta son Taghit natal pour aller vers le Tafilalet, puis Fès, en territoire soumis à Moulay Rachid qui frappait déjà monnaie. Rappelons-nous qu’à son départ de Taghit, il avait échangé ses 40 farfûriya contre des muzûna rashîdiya.

Moulay Ismail succède à Moulay Rachid après 1680. Après la mort de Moulay Ismail (adh-dhahbî) et la discorde de ses enfants autour du pouvoir et à la suite du chaos qu’entraîna l’intervention des armées, il s’en suivit des répressions drastiques de la population accompagnées d’iniquités dans le prélèvement d’impôts. A ce moment notre shaykh se fit remarquer par un sens aigu de la politique. Il écrit des lettres aux gouverneurs pour protéger ses affiliés. Il fait des khutba de circonstance, très conciliantes vis à vis des princes. Mais, sa conviction intime, il la livre à son disciple et hagiographe "L'homme qui rend visite à un saint parmi les amis de Dieu, il arrive chez lui avec un cœur ravi et radieux et il repart de chez lui ravi et radieux (fârih wa masrûr) et rencontrera Dieu (après la mort) ravi et radieux. Tandis que celui qui est allé vers les tapis des rois, il est le contraire de tout cela; Il va les voir inquiet (khâ'îf), il les rencontre inquiet; il les quitte inquiet et rencontre Dieu inquiet."

3.2) b) Le maître d’un ordre rigoriste
Si Fès l’a fortifié dans ses connaissances, elle l’a surtout aguerri contre les revers du temps et les bassesses des hommes. Devenu un maître, il enseignera à ses disciples les qualités du véritable walî “ Mes amis, le walî ne devient walî que s’il revêt dix parmi les qualités du chien: l’endurance (aç-çabr), l’ascétisme (az-zuhd), la satisfaction (al-qanâ`a), l’avertissement (an-naçh) et la non ingérence (wa `adam as-su’âl), marcher pieds nus, coucher à même le sol, veiller la nuit quand les gens sont endormis, être abandonné par les siens et les rechercher.” 45 .

Cependant, B. Bûziyân appartient à ce siècle où la sainteté passe d'abord par la connaissance doxologique. Sa voie, il la conçoit plutôt proche du maqâl que du hâl. Il préfère la science à la transe. Il se rappela durant toute sa vie la réponse de son premier maître M'bârak b. `Azzî à un de ses élèves qui lui parla de la hadra pratiquée par d’autres shaykh-s. La réponse du maître fut longue et circonstanciée. Écoutons-le: “al-hadra, oui, nous y sommes de manière ininterrompue. Les autres shaykh-s lui fixent un jour précis; quant à nous, notre hadhra se déroule le matin, le soir et l'après-midi. Elle ne s’achève jamais.” Le shaykh B. `Azzî explique au disciple que "la hadhra dont il s’agit est faite d’enseignement, de recueil des avis des docteurs en matière de loi divine et de tradition muhammadienne." Il lui rappelle également que "le hadith du Prophôte est un dikr, l’exégèse est un dikr et les avis juridiques argumentés sont un dikr." Il finit enfin par préciser que leur "hadhra est supérieure parce qu’elle ne réunit que ceux qui connaissent et diffère de celle qui fait asseoir ensemble le savant et l’ignorant." Il finit par dire "les voies vers Dieu sont nombreuses et notre hadhra se fait par la sérénité (as-sakîna) et le respect (waqâr)et non par la danse (raqç) et la transe (shatah). Celui qui assiste à cette hadhra , dit encore la shaykh, réunit les deux hadra-s le dikr du cœur et l’écoute de la science (dâkir bî qalbihi wa sâmi` li `lmihi) ” 46 .

En rapportant longuement ce passage, l’hagiographe de B. Bûziyân, tout en signalant le caractère élitiste de cette tarîqa, souligne sa filiation avec la tarîqaan-nâçiriya dont se réclamait B. `Azzî, le maître de B. Bûziyân. La ziyyâniya comme la nâçiriya et comme toutes celles qui se réclament de la shâdiliya, privilégie la connaissance mystique et l’observance doxologique aux exercices physiques.

Minhalad-dam’ân nous donne la wadîfa que doit prononcer (et ne jamais s’en départir) quotidiennement chaque adepte, de préférence, au lever du jour, après la première prière du matin:

Prononcer al-istighfâr, 100 fois par jour.

Bénir le Prophôte 100 fois par jour en ces termes: "Que Dieu bénisse notre seigneur Muhammad, le Prophôte illettré ainsi que ses proches et ses compagnons. Que le salut soit sur eux" (Allâhumma çallî `alâ sayyîdînâ Muhammad an-nabiyy al-ummîy wa`alâ âlihi wa çahbihi wa sallam taslîma).

Dire la haylala qui consiste en la répétition de l'expression “Il n’y a de dieu que Dieu”(Lâ ilâha illa Allâh) 1000 fois par jour. Au bout de chaque centaine, ajouter “ Muhammad, messager de Dieu. Que Dieu le bénisse et le salue” (Muhammad Rasûl Allâh çalla Allâh `alayhi wa sallam).

Ceux qui sont plus avancés dans la Voie ont d’autres exercices: A commencer par la lecture du Coran, texte à l’appui, au moins cinq chapitres(hizb-s) par jour. Ils doivent également lire le petit livre d’al-Jâzûlî, Dalâ’il al-khayrât, au moins une fois par jour quand cela est possible, sinon une fois par semaine en procédant par parties 47 . Jeûner tous les lundi et les jeudi, sinon trois jours par mois (al-ayyâm al- baydh, les premiers jours) fait également partie des obligations de l’adepte avancé; tout autant que la lecture des ouvrages de référence: le hakm de Tâj ad-Dîn ibn `Atâ’ Allâh, le ihyâ’ de Ghazâlî, et Qawtal-qulûb de Ibn Abî Tâlib al-Makkî.

Enfin, la prière nocturne est une des observations les plus méritoires. Cinq génuflexions (rak`ât), avec au moins la lecture de deux hizb-s, précédées de deux autres rak`ât rapides: la première avec la fâtiha , et sûrat al-kâfirûn; et la seconde avec la fâtiha et sûrat al-ikhlâç.

A cette wadîfa d'origine, établie par le fondateur lui même, le premier successeur, son fils Sîdî Muhammad La`raj, lui a ajouté ce qu’il a appelé les sceaux, al-khawâtim et “le grand wird” inspiré du dikr de la zarrûqiya.

La place du shaykh Ahmad Zarrûq (899h./1593) dont le wird est lu au début de chaque hiver, se justifie à plusieurs titres. Tout d'abord, à l'instar de Sîdî Ahmad b. Yûsaf al-Milyânî 48 , il est incontournable, dans la chaîne de la plupart des confréries du Maghreb. Il est aussi particulièrement favorable à la conciliation du fiqh et du taçawwuf d’où peut être sa présence notable dans la wadîfa des Ziyyânis qui se veulent une confrérie orthodoxe. Le fondateur aimait à répéter as-sabha wa allûhhatta lakhrûj ar-ruh. (Le chapelet et la planche à Coran jusqu'à la fin de la vie) 49 . Les auteurs de Kitâb a`yân al-maghrib nous apprennent que Sîdî M’hammad b. Bûziyân “accomplit un véritable périple apostolique; traversant en tous sens l'Égypte occidentale, la Cyrénaïque, la Tripolitaine où il séjourna à Benghazi, à Tripoli, de Barbarie à Zouara; il visita ensuite le tombeau du cheikh réputé Sidi Abou l’Abbas Ahmed Zerrouk El Bernoussi à Mesrata” 50

Une autre raison pourrait justifier la place de ce maître. "Zarrûq est opposé à l’idée que la lignée chérifienne soit indispensable, ni même nécessaire, pour légitimer l'exercice du pouvoir ou l’imâmat" 51 . Pour un lignage dont l'ascendance muhammadienne n'est pas certifiée, une telle position est très importante dans un siècle où le sharaf est devenu "une valeur sémiotique" 52 .

3.2) c) Accéder à la Voie et parvenir au but.
Atteindre le secret, c’est parvenir à la porte du shaykh. Ce qui suppose des efforts constants et une démarche précise.

La porte du shaykh est le but ultime de tout aspirant (murîd), mais pour y parvenir, il faut d’abord écarter le voile qui la dissimule. Or, pour atteindre ce voile, il faut au préalable franchir dix portes, chacune dissimulées par un voile. Pour atteindre chacune des portes, il faut écarter d’abord le voile qui la dissimule et ainsi de suite jusqu’à parvenir au dernier voile qui soustrait la porte du shaykh.

Voici le parcours des portes avec les voiles qui leurs correspondent tel que le rapporte l’hagiographe 53

Il faut écarter le voile de
pour parvenir à la porte de

1-al-bughdh (la haine)

2-at-takdib (le déni)

3-al-jisâra (l’insolence)

4-al-ihâna (l’humiliation)

5-al-jahl (l’ignorance)

6-al-mubâyana bayna af`âlika waaf`âlîhi (la distinction entre tes actes et les siens)*

7-at-tadbîr wa-l-ikhtiyâr

8-tadhyî` huqûqihi (dilapider ses droits)*

9-al-mukhâlafa (la transgression)

10-ash-shakk (le doute)
1-al-mahibba (l’amour)

2-at-taçdîq (la créance)

3-al-hayâ’ (la pudeur)

4-at-ta`dhîm (la glorification)

5-al-ma`rifa(la connaissance)

6-at-takhalluqa bî akhlâqihî wa-t-ta`alluqa bî awçâfihi(l’adoption de son éthique et de ses attitudes)

7-al-irâda (la volonté)

8-al-adab (la politesse et le parfait comportement)

9-al-mutâba`a (l’adhésion)

10-al-yaqîn (la certitude)


Lever tous les voiles un par un et accéder à toutes les portes, pour enfin atteindre celle du shaykh, voilà le parcours auquel beaucoup de murîd s’essayent et que très peu réussissent. Car, le chemin est long et exige un anéantissement de soi au profit d’autrui. Avant même d'appartenir à la confrérie, on est soumis à une rigoureuse discipline du corps et de l'esprit.

Pour faire partie de l’ordre, le futur adepte se prépare longtemps avant, en jeûnant et en s’isolant dans la prière; avant d’être convié lors d’une séance publique à prononcer le serment (yamîn). Il doit s’engager à:

• taire tout ce qui a trait à la Voie et ses secrets, comme ceux de ses adeptes

• obéir totalement au muqaddam et au shaykh.

• exécuter scrupuleusement tous les rituels.

Le cérémonial se termine par la lecture de la fâtiha et l’échange du salut entre les adeptes. Commence alors pour la nouvelle recrue une vie nouvelle. Le murîd est astreint à une vie de groupe. Il doit participer aux prières collectives, au moins celles canoniques ; et lire le hizb avec les autres murîd-s

En théorie, les femmes peuvent devenir adeptes de la ziyyâniya. Al-Ya`qûbî dit avoir été présent avec le shaykh à l’enterrement de l’une de ses disciples 54 . Aujourd’hui, à part celles qui ont des liens de sang avec la zâwiya, nous n’avons pas rencontré de femmes adeptes.

3.3) d) Des adeptes ou des "associés"?
Hommes ou femmes, les adeptes de cette confrérie sont voués à demeurer d'éternels "associés"(au sens Wébérien) de la zâwiya ; c'est à dire de simples contractuels n'ayant aucune chance d'accéder aux fonctions de direction au niveau du centre.

Le murîd avancé peut devenir un grand dignitaire de la zâwiya sans jamais accéder à la direction spirituelle. L'exemple historique le plus illustre est celui d'un certain al-shaykh `Alî as-Sûsî 55 , un savantissime qui était devenu un ami, un secrétaire et un conseiller très proche de B. Bûziyân et dont l'histoire ne retiendra aucune trace après la disparition du shaykh.

Toutefois, certains adeptes, compte tenu de leurs compétences avérées en matière de `ilm, peuvent accéder au statut de vicaires (khulafâ') et ainsi transmettre le secret (sirr) du shaykh: le nom divin. Beaucoup de muqaddam qui n'étaient à l'origine que de simples représentants sont devenus, ainsi, des khulafâ.

Le rapport est donc, surtout vertical. Le seul lien entre les khulafâ'-s, les muqaddam-s, les adeptes et les khuddâm-s, demeure le shaykh, véritable clé de voûte de tout l'édifice. Un édifice sous forme pyramidale à la tête duquel se trouve le shaykhentouré de sa famille; et, à la base, les affiliés de la zâwiya. Ces derniers aussi occupent des positions différentes. Le muqaddam a une place privilégiée qui n'est concurrencée que par celle du `alîm. Le riche bienfaiteur ne vient qu'après ces deux personnages qui peuvent, parfois, n'en faire qu'un seul

3.4) Conclusion
Désormais, c'est à travers l'histoire de la vie de B. Bûziyân que se lit l'histoire de l'établissement et ses habitants. En s'installant au sein de ce groupe, il redéfinit sa circonscription du temps et de l'espace; il lui donne une mémoire et une "représentation de soi". Ainsi, le saint a (re)créé le groupe. En contribuant à la fabrication de nouvelles solidarités, B. Bûziyân devient fondateur d'une conscience collective et, partant, d'une communauté.





1 Chaque fois que le manuscrit de Fath al-mannân est cité, c’est à partir de la thèse de Merzak où de longs passages sont reproduits. Cet auteur se base sur une copie qu’il dit avoir consultée à la zâwiyaaz-ziyyâniya de Ouettat El Hadj (Maroc). Dans le fonds privé de cette zâwiya se trouverait, toujours selon cet auteur, la copie la plus complète et la mieux calligraphiée du manuscrit de Minhal adh-dham’ân.


2 Il est le frère de Sîdî Muhammad La`raj, le dixième shaykh de la zâwiya; et, le neveu du neuvième shaykh , Sîdî Brahîm b. Muhammad b.`Abd-Allâh.


3 "J'ai été interpellé, dit-il, par ce que j' ai constaté de mal en moi (`uyûba nafsî) et dans la pratique de mes semblabes" Tahârat al-anfâs p.22.


4 Tahârat al-anfâs p.164.


5 X. Coppolani et O. Depont, Les confréries religieuses msulamnes; L. Rinn, les marabouts et khouans; Dr L.Céard, Gens et choses de Colom Béchar etc...


6 Rappelons que l'auteur est le frère du dixième shaykh de la zâwiya et donc un descendant de la lignée des B.Bûziyân.


7 M. De Certeau, L'écriture de l'histoire, p. 281.


8 Tahârat al-anfâs p. 27.


9 C’est en effet le règne de Moulay Rachid al-`alawî qui s’installe à Fès en 1668. En monnaie locale (farfûriyya), une muzûna équivaut à peu près à 0.75 selon A.Cour, R.M.M. 4éme année n°11.


10 Minhal adh-dham’ân, p.27


11 Minhal, p.59


12 Tahârat al-anfâs p.5


13 Minhal, p. 24


14 Minhal, p.59


15 Minhal, p.85


16 Tahâratal-anfâs,p.41.


17 On le voyait faire couler de sa plume de roseau (qalam) l’huile (qui servait à l’éclairage) avec laquelle on payait ses études.


18 Fath al-mannân, p. 325.


19 Cette tradition de confier les clés des magasins à un esclave de la zâwiya est restée vivante jusqu'à très récemment.


20 Les garçons : Sîd al-Hâj `Abd al-Wahhâb (mort du vivant de son père et peu après le décès de sa mère) ; al-Hâj Muhammad dit La`raj ; Ahmad al-Badâwî ; as-Siyyad al-Madanî. Les filles : as-Siyyida Hafsa, al-Hâjja, Hurra, Nafîsa et Fâtîma.


21 Fath, p.200, Tahârat al-anfâs, p. 88


22 Figuig est le premier village frontalier marocain faisant face au village algérien de Béni Ounif. Kenadsa se trouve à une centaine de kilomètres d'ici.


23 La direction spirituelle de la zâwiya , bien sûr est restée entre les mains des descendants issus du premier lit. Ulâd Sîd al-Hûsîn et Ulâd Sîd al-Yamânî, quant à eux, sont restés des notables souvent influents mais avec le sentiment d'être les parents pauvres de la progéniture de B. Bûziyân.


24 On a fini par m'appeler l'homme à l'akhnîf, disait-il à son disciple. Ce burnous, akhnîf (pl. ikhnâfan) est une ample pélerine à capuchon, fabriquée dans le Souss et portée par les tribus berbères du Maroc sud-oriental. L’akhnîf est taillé dans une seule pièce de laine noire naturelle, couleur de base. Voir, Cahiers des arts et techniques d’Afrique du Nord, N°7, p. 37, Sté Tunisienne de diffusion.


25 Avec Muslim, al-Bukhârî est l'une des références principales en matière de tradition prophètique.


26 C'est une des règles de la wadhîfaaz-ziyyâniyya.


27 Minhal p.106


28 Minhal pp. 109-110.


29 Cette pratique était largement répandue. Elle s’appelait la ztâta ou la ghfâra (Voir à ce propos A.Sebti, "Ztâta et sécurité du voyage...")


30 Fath al-mannân, p. 587. Ces documents devaient rédigés dans a forme de celui que présente A. Cour, “ un acte de hurm délivré à un israélite par un sayyid marocain ” BSGO de 1914. L’acte rédigé en arabe s’adressait à la jama`a des habitants de Debdou région du Maroc oriental. Il leur signalait que le hazzân Brâham wald al-Harhâr était sous la caution des descendants de B. Buziyân. “C’est notre juif et celui qui l’atteint nous atteint”. C’est un acte qui nous renseigne sur cette pratique de la ztata ou de la ghfâra. Il nous renseigne aussi sur les limites de l’influence de la zâwiya du côté du Nord.


31 Minhal, p. 108


32 Fath al-mannân, p.395 et Tahârat al-anfâs p. 96.


33 Il s’agit d’un genre assez répandu. Ce sont des biographies/hagiographies de saints, rédigées le plus souvent par leurs disciples. Leur appellation manâqib (pl. de manqaba) renvoie à la racine naqb qui veut dire graver, inciser. Il s’agit, en effet, de graver dans la mémoire des générations futures, les actes d’une vie exemplaire.


34 en fait,Moulay Ismaïl


35 Fath al mannân,p. 325 ; Tahârat al-anfâs, p.63.


36 Fath al-mannân, pp. 381-382.


37 Fath al-mannân, p.548


38 Fath al mannân,p.383.


39 "je l'ai salué et il m'a répondu 'je ne sais pas si je dois saluer ou non' ". Voir sur cette entrevue Fath al-mannân, pp.384-386.


40 Voir à ce propos Ahmad b. Nâçar ar-rihla al-kûbra ms. Dâr al-wathâiq, Rabat, D 1291, 233p. et 234 p.


41 Fath al-mannân, p.400


42 Fath al-mannân, p.442


43 Fath al-mannân, p.389.


44 Voir az-Ziyâni, le Maroc de 1631 à 1812, trad. Houdas


45 Fath al-mannân, pp. 323 -324


46 Fath al-mannân, p. 428


47 Cela montre bien que la ziyyâniyya se réclame de la Voie d'al-Jâzûlî, même si les différentes chaînes mystique (sanad) rapportés par les principaux hagiographes (at-Tâzî l'auteur du Minhal et al-Ya`qûbî, l'auteur de Fath al-mannân) ne le signalent guère. Il faut peut être rappelé que la nâçiriyya, la Voie du maître de B.Bûziyân se réclame aussi bien de la Voie qui passe par Ahmad b. Yûsaf al Milyânî et le shaykh Zarrûq que de celle qui passe par ad-Dâdasî et `Abd al-`Azîz at-tabbâ` pour aboutir au shaykh Muhammad b. Sulayman al-Jazûlî.


48 Il s'agit de Sîdî Ahmad b.Yûsaf. al-marînî al-Huwwârî al-Râshîdî al-Milyânî (XVe/XVIes), mort en 1524/25.


49 Le chapelet renvoie à la conaissance esotérique et la panchette symbolise la connaissance doxologique. B. Bûziyân veut parvenir à la vérité par les deux chemins.


50 Marthe & Gouvion, Kitâb a`yân al maghrib al aksa, p.894.


51 Mercedes Garcia-Arenal, "Mahdi, murâbit, sharîf", Studia islamica, 1990, n° 71, p. 87


52 De Certeau M, l'écriture de l'histoire, p. 281.


53 `Àlî at-Tâzî, Minhal adh-dham’ân, pp.12-13.
*Il s'agit de la personne du shaykh



54 `Abd ar-Rahmân al-Ya`qûbî, Fath al-mannân, p.300.


55 Voir Minhal p54; 61.et 103 et Tahârat al-anfâs p.60.




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