Algérie

Le sage homme et la mer



Quelque part sur le littoral occidental de l'Algérie : l'homme marchait seul sur le sable mouillé, le regard braqué sur l'horizon bleu marin lumineux. En pressant le pas, nous rattrapions l'homme à la barbe touffue et qui semblait avoir du mal à articuler les mots comme souffrant d'une dyspraxie verbale. La main en visière et son regard jeté au diable vauvert vers le grand large, le septuagénaire continue à m'ignorer jusqu'à ce que je le surprenne d'une tape amicale dans le dos. Débarquant dans une tenue trop «endimanchée» pour être celle d'un gars venu du coin d'à côté, il est très vite «dégrisé» par mon geste un peu «osé».- Mais, qui pourrait bien être ce « bounadem », s'interroge l'homme qui continue, tête baissée, à compter ses pas sur le sable mouillé.
- Un expert venu nous déclamer que le blé pousse partout sauf dans les poches, un agent de recensement, un élu venu troquer ses chimères contre nos utopies, un enfant du douar de retour d'une longue absence '
- Je ne suis qu'un journaliste. Je viens de la ville de..., répondis-je, apeuré.
- Et c'est quoi un «journaliste» ' me fusille des yeux le sage homme, gardant un calme olympien...
- Un journaliste, c'est un homme. Lui aussi. Son métier, c'est d'abord un quidam qui veille à son souffle «coupé» de la vie. Et surtout, à son pain... noir. Un journaliste, ça peut même poser des questions «carrées» même si tout le monde ne veut pas lui faire des réponses trop «rondes», répondis-je, en cafouillant.
- Et qu'êtes-vous venu faire ici ' Je veux vous parler de mon métier, même si les gens d'aujourd'hui courent après leur âge pour ne jamais rattraper l(heure) temps perdu (e).
- Ce n'est pas trop subversif, ce que vous racontez là ' Avec tout ce qui se passe dans le pays '
- Non, non, rien de tout de cela. Je suis venu vous parler de mon métier. Un job pas trop bien rémunéré mais chèrement payé.
- Moi, le journaliste, qui croit faire l'Histoire du présent, je suis miséreux, envié, suspect de tout et de rien, infréquentable mais quand même bien dans ma peau. Je suis même coupable. De tout et aux yeux de tous. Je suis même responsable de la pluie qui ne tombe pas. Le soleil qui ne veut pas afficher un grand sourire. La lune qui ne veut pas rejoindre sa cache. - Ça suffit, Monsieur le journaliste, trêve de balivernes ! Vos plumes n'ont jamais servi la bonne cause : la nôtre, à quoi sert votre métier sinon, «par des fois, à aider le petit peuple à dessiller les yeux. Garder l'oreille et les sens aiguisés. Tourner le dos aux diseurs de bonnes (mé) aventures. Aux vérités aseptisées, aux discours «stérilisés». Aux pièges bien tendus. Dans les villes, l'on ne voit de vous que vos canards qui ne servent à rien d'autre qu'à nettoyer les carreaux brisés. Emballer du poisson pourri. Essuyer «l'inessuyable»...


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