La liste des victimes du coronavirus est loin d'être exhaustive. La pandémie a touché plusieurs médecins et infirmiers décédés dans les mêmes conditions dans d'autres établissements de santé à Jijel. Quasiment tous les EPH et EPSP comptent leurs victimes. Les séquelles psychologiques sont toujours présentes malgré la décrue des contaminations.Février tire à sa fin. En ce samedi, un peu chaud, il est 11h lorsque Hadi passe presque en coup de vent et salue un malade en lui faisant signe de l'attendre. "J'arrive", lui lance-t-il. Infirmier cumulant une longue expérience au service des urgences médico-chirurgicales de l'EPH Bachir-Mentouri d'El-Milia (Jijel), Hadi passe pour l'incontournable homme des situations d'urgence. Dans ses interventions, il épaule ses collègues et est à l'écoute pour l'exécution de ses nobles tâches sous la supervision du staff médical des UMC. Très apprécié, il est sollicité pour la dextérité de ses gestes.
Sans tarder, il revient à son malade, après avoir accompli une tâche administrative au bureau des entrées. "J'ai besoin d'un prélèvement pour un bilan sanguin, mes veines sont difficiles à trouver", lui signifie le patient qui l'attend sur une table de consultation au pavillon des urgences. D'une main experte, l'expérimenté infirmier ne tarde pas à prendre la veine et envoie au laboratoire les prélèvements. Un soulagement pour le patient. Quant à Hadi, il s'en va vaquer à ses occupations.
Ainsi commence une longue journée dans cet établissement hospitalier mobilisé, à l'instar des autres structures sanitaires de la wilaya de Jijel, et engagé dans la lutte contre la quatrième vague de la Covid-19.
Sans faire trop de dégâts, le variant Omicron a toutefois laissé des séquelles sur un personnel épuisé, mais néanmoins déterminé à ne pas lâcher prise. "Il y a beaucoup de contaminés parmi le personnel, certains sont en arrêt de travail, d'autres ont repris, mais difficilement. Le rythme de travail est perturbé", confie-t-on dans cet hôpital. En dépit du rajeunissement du personnel, lequel a apporté un souffle nouveau à l'activité hospitalière, médecins et infirmiers frôlent le burn-out. Si la baisse des contaminations s'est répercutée sur le désengorgement des services hospitaliers, il n'en demeure pas moins que l'unité de consultation de la Covid-19 continue de recevoir les malades.
Les médecins au four et au moulin
Infatigable praticien, l'expérimenté Dr Boukhetouta est au four et au moulin. Dans son encombrante tenue anti-Covid-19, il ausculte ses malades et établit son diagnostic. Entre la signature de l'admission du malade et la prescription d'une ordonnance pour un traitement en ambulatoire pour un autre, il ne laisse rien au hasard pour prendre soin de ses patients. "Son bilan est perturbé, s'ajoute à cela sa maladie, il doit rester à l'hôpital", dit-il au fils du malade, qui a subi des prélèvements au service des urgences. Son avis est indiscutable. Le malade s'exécute. Au service où il est admis, ce dernier est installé sur son lit, en pneumo-phtisiologie où sont admis les malades atteints de la Covid-19. C'est là qu'une autre équipe médicale se relaie pour prendre soin de ce patient à surveiller de près en raison de son état jugé vulnérable. "Ce n'est pas vraiment grave, c'est juste les D dimers à stabiliser, la saturation d'oxygène est bonne", rassure, toutefois le Dr Boufayaya, un autre médecin d'expérience, affecté à ce service pour épauler le staff médical.
En tenue anti-Covid-19, l'équipe paramédicale se déploie pour accomplir les soins prescrits. L'activité dans ce service est rythmée par de nouvelles admissions. Il y a aussi des sortants après leur guérison. Comme partout ailleurs, l'hôpital a subi de plein fouet les effets de la pandémie, laquelle a fait des victimes parmi le staff soignant, qui vient juste de perdre, le Dr Seghair, partie à la retraite il y a peu de temps. Elle est décédée dans le pavillon des femmes, après avoir lutté durant plusieurs jours contre la maladie. Ce service garde encore le souvenir des victimes de la crise sanitaire majeure, où le personnel soignant a été endeuillé, éprouvé par la perte cruelle d'un des siens, l'été dernier, dans des conditions particulièrement dramatiques. Il s'agit du défunt Ammar Boussalem, infirmier au service de prévention. Il a payé de sa vie le prix de sa mobilisation dans la lutte contre la Covid-19. Sa mort a plongé dans l'émoi toute la corporation qui l'appréciait. Ce drame est encore vivace dans les mémoires.
Amel Zouikri, servante de salle, employée durant plusieurs années dans cet hôpital avant d'être affectée à l'EPSP de Sidi Marouf, est l'autre victime de cet atroce épisode. Elle est partie, emportée par un Delta particulièrement virulent cet été-là. La liste des victimes du coronavirus ne s'arrête pas là, puisqu'elle comporte plusieurs autres médecins et infirmiers décédés dans les mêmes conditions dans d'autres établissements de santé à Jijel. Quasiment tous les EPH et EPSP comptent leurs victimes. Les séquelles psychologiques sont toujours présentes malgré la décrue des contaminations.
Décrue
Désengorgé, cet hôpital "respire" mieux depuis quelques jours. "La situation s'améliore de jour en jour, les malades sont nettement moins nombreux, le service prend en charge juste quelques personnes, dont deux sont toutefois dans un état grave", confie Mouloud, chef de service paramédical de pneumo-phtisiologie. Comme à l'unité de consultation de la Covid-19, à l'entrée de l'hôpital, la pression a nettement diminué, permettant aux médecins un peu de répit durant leurs horaires de travail.
Le constat est tel que le nombre de malades sollicitant une consultation dans cette unité a diminué depuis l'amorce de la baisse des contaminations à l'échelle nationale. Le soulagement est visible sur les visages d'un personnel qui se remet à accomplir ses tâches sans panique ni pression. Et c'est l'essentiel dans cet établissement, sollicité par une population qui ne cesse de croître, alors que l'infrastructure est restée la même, avec les mêmes capacités depuis son inauguration, il y a plus de trente ans.
Alors que deux hôpitaux sont retenus à la réalisation à Jijel et Taher, après la levée du gel sur ces projets, à l'EPH d'El-Milia, on se concentre sur les travaux effectués au niveau du plateau technique. Des aménagements qui ont donné un nouveau visage à cet établissement, nécessitant toutefois d'autres efforts pour sa réhabilitation. "Le plateau technique sera refait, c'est le service des urgences médico-chirurgicales qui fera l'objet d'un réaménagement. Un bureau d'études est déjà sollicité pour cette opération", annonce-t-on.
Cette annonce ne peut que réjouir non seulement le personnel soignant appelé à travailler dans de meilleures conditions, mais aussi les malades sollicitant une prise en charge dans cet hôpital. Après avoir été doté d'un service de réanimation, inauguré après les réfections subies, cet établissement, également renforcé par une unité d'hémodialyse et un scanner, a besoin d'une réhabilitation de sa structure. Depuis les dernières peintures appliquées au début des années 2000, les façades externes restent délabrées.
Nécessaire réhabilitation
En attendant que les moyens financiers soient mobilisés pour cette opération, indispensable pour donner une meilleure image de cet établissement, c'est l'aménagement des services hospitaliers qui est à l'ordre du jour. Le jeune directeur, Salim Boulaaras, le souhaite vivement afin de remettre à neuf des services ayant besoin d'une intervention d'urgence pour leur réhabilitation. L'opération telle qu'espérée concerne des aménagements gelés depuis plus d'une décennie. De nombreux services sont dans l'attente d'une réhabilitation qui tarde. Encore au stade d'une annonce qui reste à confirmer, c'est le déblocage de quelque 7 milliards de centimes qui est indispensable au lancement de cette opération. Celle-ci serait de nature à faire de cet établissement un pôle de soins moderne et performant pour l'hospitalisation de malades ayant besoin de confort et d'une meilleure prise en charge.
Nonobstant ces opérations que d'aucuns espèrent voir exécutées dans les meilleurs délais, l'établissement hospitalier Bachir-Mentouri d'El-Milia reste l'un des plus importants de la wilaya de Jijel. Même s'il a injustement, déplore-t-on, été relégué à la catégorie C, il reste, avec les hôpitaux de Jijel et de Taher, un important pôle sanitaire, couvrant les besoins des populations de plusieurs communes. Au même titre que le reste des établissements de santé, il a joué un rôle important dans la lutte contre l'épreuve sanitaire majeure de la Covid-19, qu'il a affrontée dans la mobilisation et le dévouement de son staff soignant.
Son "armée blanche" sort plutôt triomphante de cette épreuve, en dépit des pertes enregistrées dans ses rangs. Une armée qui a fait preuve de patience et d'abnégation, méritant un renvoi d'ascenseur, ne serait-ce que par le paiement des primes instaurées par le président de la République à l'installation de la crise du coronavirus.
Quant aux malades pris en charge dans cet hôpital et ailleurs, aux EPH de Taher et de Jijel, ils ne sont que reconnaissants des efforts et de la mobilisation de cette "armée blanche" dans sa lutte contre la pandémie. "C'est agréable d'être témoin de ce qui se fait. Toutes les équipes soignantes sont à saluer, elles méritent reconnaissance et respect. Il n'y a plus à appréhender un séjour à l'hôpital", lance, à sa sortie de l'établissement, ce malade admis pour infection par la Covid-19, qui part rassuré de la prise en charge dont il a bénéficié.
Reportage réalisé par : ZOUIKRI AMOR
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Posté Le : 10/03/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Amor ZOUIKRI
Source : www.liberte-algerie.com