Algérie

«Le roman et l’écriture» débattu au Sila 2023 «L’écriture n’émane pas du néant…»


«Le roman et l’écriture» débattu au Sila 2023 «L’écriture n’émane pas du néant…»
Publié le 30.10.2023 dans le Quotidien l’Expression

«Pourquoi écrit –on un roman?» est le thème d’une table ronde qui s’est tenue samedi, en début d’après-midi, au niveau de la Safex, Pins maritimes, dans le cadre de la 26eme édition du Salon international du livre d’Alger.

La rencontre a été animée conjointement par les auteurs et anciens journalistes Habib Sayah, Abdelkader Djemai et Amine Zaoui. Intervenant en premier, Habib Sayah dira avoir de la difficulté à répondre d'emblée à la question tant celle-ci est complexe et n'obéit pas à une réponse précise et claire. Affirmant être un grand lecteur d'abord, notamment de Gogol comme le furent tous les auteurs de sa génération, il fera remarquer qu'il est arrivé à l'écriture d'abord par la voie de la nouvelle, qui, par la force des choses et de l'expérimentation a évolué vers le roman. Et d'indiquer deux noms de la littérature arabe qui l'ont marqué, à savoir Youcef Idriss et Zakarya Tamer. «Je dit ça, pour expliquer que notre génération n'est pas née du néant. Elle avait une base sur la notion d'écriture, partant de la nouvelle. Comment je suis venu au roman? J'avoue que je ne sais pas..». Pour sa part, Abdelkader Djemai qui parlera de ses débuts, notamment dans la littérature et dans la presse nationale, dira avoir profité à cette occasion, à l'époque pour publier des poèmes et autres nouvelles.
La nouvelle et la course de fond...
Et de confier: «J'adore la nouvelle. C'est un exercice absolument difficile. C'est un cent mètres, quand le roman est un 2500 m au marathon. Avec la nouvelle, on fait attention aux mots. C'est un travail et une discipline très importante. Le roman c'est un chantier. C'est une course sur 45 kilomètres. Dans le roman, on est dans la durée. Il faut créer les personnages, les lieux, l'atmosphère et quand la bâtisse est finie, il faut ajouter d'autres éléments... J'ai publié 25 romans. Ce n'est pas une performance, mais c'est le lieu de l'apprentissage, de la gestion du temps. Et quand on écrit un roman, on fait attention à ne pas se répéter. On est condamné à trouver un sujet particulier, des aspects, des nuances qu'on n'a pas à aborder dans les autres romans qui ont été faits et publiés auparavant. J'ai toujours voulu écrire des romans à l'adolescence. Pour écrire, il faut lire, j'ai beaucoup lu. Pour la nouvelle, j'ai lu Gabriel Garcia Marquez...l'écriture est un long apprentissage. C'est de la sculpture». Et de souligner encore sur la raison qui pousse un écrivain à écrire: «L'écrivain n'est pas un poisson d'aquarium. C'est un poisson de mer! On n'écrit pas pour faire le beau. On écrit parce qu'on a vécu, grandi et on a été façonné par la société dans laquelle on vit.. Dans tous mes romans, la société est là. On n'écrit pas pour rien. Mais il faut se méfier d'une chose: Il ne faut pas trop idéologiser.Un écrivain ce n'est pas un parti de chef politique. Ce n'est pas un éditorialiste. J'ai pratiqué le journalisme pendant longtemps ce qui m'a permis de connaître l'Algérie assez bien. Je me suis nourri comme ça pour faire oeuvre utile. On est aux aguets. Un écrivain est traversé par les flux, pas seulement de son pays, mais du monde, c'est une photo sensible, une fenêtre sur le monde.»
L'écrivain, cet être complexe qui interroge
Sur la même lancée, Amine Zaoui, estimera: «l'écrivain n'est pas une usine. L'écrivain est un être composé et complexe.». Et de s'interroger: «Comment la graine de l'écriture m'a été transmise?» je vais vous répondre!» Évoquant la notion de «sensibilité», à juste titre, mais aussi de l'«inconscient», il se rappellera son enfance lorsqu'il avait lu «La chèvre de monsieur Seguin», d'Alphonse Daudet. «Quand je l'ai lu, je ne l'ai pas trouvé extraordinaire et je suis parti le dire à mon maître d'école, en lui affirmant que les histoires orales et populaires que me racontaient ma mère et ma grand-mère, étaient nettement meilleures et compliquées, en indiquant que ma mère est un auteur plus grand que lui, autrement, ses récits étaient plus profonds que ceux d'Alphonse Daudet. Je pense que c'est à ce moment-là, inconsciemment qu'est née l'envie ou la pensée d'écrire. Mes premiers écrits se présentaient sous forme de carnets de note. Je voulais écrire les histoires de ma mère mais vite, je me suis retrouvé en butte à la question de la langue, ne sachant dans quelle langue j'allais retranscrire ses contes et histoires. Est-ce en langue arabe classique, en langue française? C'était difficile et il demeure toujours une trahison dans l'interprétation. C'est à ce moment -là, que j'ai saisi la question de comment vivre entre les langues et dans les langues. Depuis, j'écris dans les deux langues arabe et française. Depuis, inconsciemment je me considère comme l'écrivain de ma mère.» Et de souligner: «On écrit sur la base de notre vécu, après, vient notre culture générale et le savoir- faire, la lecture..» Et d'admettre qu'il ait été impressionné par l'écriture de Guy de Maupassant qu'il considère comme «un grand écrivain». Amine Zaoui ajoutera aussi l'expérience intellectuelle et politique et celle du vécu et des voyages. «Tout ceci, forme la personnalité de l'écrivain et le nourris.»Et d'estimer: «toutes tes convictions, tes idées, des objectifs, tu chercheras toujours à les partager avec l'Autre, le lecteur. Le partage est une mission importante à laquelle je crois. Le lecteur est une partie centrale dans l'écriture. On n'écrit pas pour écrire. C'est vrai qu'on écrit la mémoire et la société, mais notre complice dans l'écriture que ce soit de façon consciente ou inconsciente restera le lecteur dont les réactions peuvent être multiples, étonnantes. Au fond, je n'écris pas pour avoir des réponses. Le roman est avant tout une interrogation. Le roman doit susciter moult interrogations dans l'esprit du lecteur, cela veut dire que le texte a fonctionné. Car l'auteur est celui qui vient remettre en cause un nombres de considérations et de convictions chez le lecteur, le pousse à se poser des questions».
O. HIND

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