Algérie - Contes et légendes d'Algérie


Le roi et le hibou (Conte kabyle)
«Amachahou rebbi ats iselhou Ats ighzif anechth ousarou» (Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).

Parmi les tabous qui existent en Kabylie, il y a celui du hibou (imiârouf) que personne n’ose transgresser, jusque de nos jours. On ne le tue pas et on ne mange jamais sa chair. On le considère comme un oiseau de malheur car dit-on quand il se met à hululer il faut s’attendre à ce qu’il y ait le lendemain un décès. D’un autre côté, on le considère comme l’animal le plus sage de la gent ailée. Ce qualificatif lui est donné suite à sa confrontation victorieuse avec le roi Salomon (ag’ellid’ Slimane). Cet ag’ellid’ dit la légende régnait sans partage sur tous les volatiles de la création. Et, à ce titre il peut exiger d’eux, tout ce qu’il veut. Ag’ellid’ Slimane, qui avait plusieurs femmes vient de se marier de nouveau avec une très jeune fille resplendissante de beauté. Comme cela ne lui est jamais arrivé il aime sa nouvelle femme à la folie. Il l’isole dans son palais, et met à sa disposition une armada de servantes qui doivent se plier à ses exigences de jour comme de nuit.
Consciente de l’ascendant qu’elle a, sur son roi de mari, un jour elle lui dit :
«-Vghigh amet’rah’
S-rich g-ifrakh
Bach thafkaou atsarthath’»
(je veux une couche de duvet pour que je puisse me reposer)
Les désirs de sa favorite étant des ordres ag’ellid’ Slimane bat le rappel de ses troupes ailées. En quelques minutes le palais est assiégé par tous les volatiles du pays, qui se demandent quel est l’objet d’un tel rassemblement. C’est la première fois que ag’ellid’ Slimane leur demande une chose pareille. D’habitude, il convoque quelques uns, mais convoquer tous les oiseaux à la fois est inhabituel et cela doit sûrement cacher quelque chose !
Une fois tous les oiseaux rassemblés ag’ellid’ Slimane prend la parole et dit :
«- Thamet’t’outh iou thevgha amet’rah’
Bach akken ats arthah’
Vghigh rich ennouen at’ot’ah’»
(Ma femme désire une couche faite de votre duvet pour qu’elle puisse se reposer).
Trop heureux de plaire à leur roi, les oiseaux s’arrachent avec leurs becs de fins duvets qu’ils mettent en tas sur une grande couverture de laine tissée (ah’aïk ou aâlaou).
«Ag’ellid’ Slimane profite de l’occasion pour faire inscrire par ses scribes, les noms de tous les oiseaux qui ont répondu présent à son appel.
On s’aperçoit avec dépit que seul le hibou (imiârouf) n’est pas venu. Il est aussitôt signalé à ag’ellid’ Slimane, qui accuse mal le coup. Il se met en colère et pense déjà à la punition qu’il devra lui infliger.
Ce n’est qu’après deux jours d’absence, que le hibou se présente au palais. On le ramène devant ag’ellid’ Slimane, les yeux injectés de sang, il lui dit furieux :
«- Achou ik it’fen armi d’thoura
Ay ghar our-d oussidh ara ?»
(Qu’est-ce qui t’a retenu jusqu’à maintenant, pourquoi tu n’es pas venu au bon moment ?)
«- Je m’excuse majesté, mais j’étais fortement absorbé dans certains calculs que je n’ai pas vu le temps passé !
– Et quels calculs faisais-tu ?
– J’ai compté sans discontinuer les jours et les nuits.
– A quel résultat es-tu parvenu ?
– Je suis arrivé à déterminer qu’il y a beaucoup plus de jours que de nuits.
– Comment ça ?
– Aux jours j’ai additionné les nuits de pleine lune (thiziri) car durant ces nuits on voit comme en plein jour.
– C’est effectivement vrai ce que tu dis. D’accord je t’excuse pour le premier jour de retard, et pour le second jour qu’as-tu à dire ?
– Après avoir fini mes premiers calculs sur les jours et les nuits, je me suis mis à calculer le nombre d’hommes et de femmes vivant sur la terre.
– Et, qu’est-ce que tu as trouvé ?
– Majesté sans vouloir vous offenser, j’ai trouvé que le nombre de femmes est supérieur à celui des hommes.
– Comment es-tu arrivé à ce résultat ?
– Par le constat majesté !
– Quel constat ?
– Pour moi lors d’un litige opposant un homme à une femme, je considère qu’à chaque fois qu’un homme s’avoue vaincu et baisse les bras il devient de fait une femme. A ce type d’homme, on peut rajouter tous les hommes, même s’ils sont rois, qui obéissent aveuglément, aux caprices de leurs femmes qui leur exigent des choses insensées comme cela a été ces temps derniers !
– L’allusion est flagrante !»
Se sentant visé, ag’ellid’ Slimane se tient la barbe et réfléchit. Les paroles du hibou sont justes et justifiées, il n’a aucun prétexte pour le châtier. Assis sur son trône il bat des deux mains le rappel de tous les volatiles inscrits. Quand ils sont tous rassemblés autour de lui, il invite chacun des oiseaux à reprendre le duvet qu’il a donné. Il ne donne aucune explication mais tout le monde a compris. Les duvets qui devaient tapisser la couche de la reine, furent mis depuis ce jour dans les nids des oiseaux pour assurer aux oisillons, chaleur et douceur. C’est pour cela qu’on voit encore de nos jours dans les nids, des duvets.
Our kefount eth h’oudjay inou our kefoun ir den ts emz’ine as n-elaid an en etch ak’ soum ts h’emz’ ine ama n g’a thiouenz’ iz’ ine».
(Mes contes ne se terminent comme ne se terminent l’orge et le blé. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).




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