Algérie

Le risque de banalisation



Deux marches populaires ont eu lieu à la fin de la semaine dernière à Beni Douala et Mechtras, suivies d’une opération «ville morte» au chef-lieu de wilaya.
Cette montée au créneau de la société civile n’a pas produit le déclic attendu des autorités politiques et des institutions en charge de la sécurité des biens et des personnes. Le spectre de la banalisation de ces actes criminels d’une extrême gravité plane avec insistance. Les villageois ont passé tous les paliers de la mobilisation : manifestations de rue, grève et déclarations remises aux autorités locales. Difficile d’imaginer d’autres formes d’action pour acculer les groupes des ravisseurs et, sur un autre plan, amener les pouvoirs publics à réaffirmer la présence politique et opérationnelle des institutions de l’Etat. Jusqu’à hier soir, le sort de deux citoyens de la région de Tizi Ouzou restait inconnu. Un jeune de 18 ans, de Beni Douala, et un septuagénaire de Mechtras ont été enlevés depuis près d’une quinzaine de jours. Le même mode opératoire a été utilisé lors de ces deux forfaits. Des individus armés, déguisés en éléments des services de sécurité et agissant à visage découvert, opèrent une descente ciblée sur la route, immobilisent le véhicule et s’emparent de leur victime.
Deux opérations de kidnapping perpétrées à quelques jours d’intervalle indiquent que les gangs spécialisés dans les rapts ont gagné en dangerosité et en impunité. Cette nébuleuse du rapt, qui enlève en moyenne dix citoyens par année dans la seule wilaya de Tizi Ouzou, semble avoir la certitude que la région est livrée à elle-même, où les appels de détresse de la population ne parviennent pas à changer le cours des choses.
L’inefficacité sécuritaire est doublée d’une communication officielle consternante. Le silence sidéral qui a entouré la mobilisation sans précédent enregistrée à Tizi Ouzou a été gauchement rompu par un représentant du gouvernement. Le ministre de l’Intérieur a indiqué lundi, au lendemain de la grève générale, que les kidnappings sont des cas isolés et que cela n’est pas propre à une région donnée. Cette déclaration ne peut pas représenter un soutien au moins psychologique aux familles touchées par les enlèvements, encore moins un engagement ferme pour mettre hors d’état de nuire ces «poches criminelles» qui font régner la terreur loin des grandes villes. Pourtant, la gravité de la situation ne peut pas échapper aux responsables les mieux informés du pays, vu que la logistique terroriste se montre capable de mener en parallèle deux kidnappings dans la même localité. Des zones de non-droit, où la liberté de circulation est en voie d’être bannie, ne peuvent pas être qualifiées de «cas isolés». «Personne n’est à l’abri», ont, à raison, mentionné dans leur déclaration les villageois de Beni Douala et de Mechtras, pour souligner l’ampleur du diktat imposé par les gangs des ravisseurs.
Les brigades anti-kidnappings, annoncées en juillet 2008 par le prédécesseur de Ould Kablia, ne sont toujours pas entrées en action. La machine du rapt n’a pas été démantelée et les enquêtes engagées ont rarement abouti. Une administration locale silencieuse, un soutien politique rare, et des services de sécurité qui peinent à moderniser leurs moyens d’investigation et d’intervention. Cette défection générale plonge la population dans une profonde solitude, avec cet intolérable sentiment d’être livrée à elle-même.


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