Algérie

Le rire noir et la dérision face à l'extrémisme



Le rire noir et la dérision face à l'extrémisme
Au fil des représentations, au Off d'Avignon, Moussa Lebkiri a trouvé son rythme. Il fallait que le public adhère à un texte poétique porteur d'un message positif.Au bout du périple en scène, l'impénitent chercheur de rêve, campé sur les planches par un comédien alerte, aspire aux étoiles. On a là un résumé de la tournure d'esprit de l'Algérien Moussa Lebkiri, qualifié de «Devos kabyle». Ecrivain et humoriste, il se définit lui-même comme «boniconteur». De fait, il sait chahuter les mots de la langue française. Dans son treizième spectacle, Maghrébien que mal, le Cyrano de Berbérac, fort d'un talent qu'il peaufine depuis plus de 30 ans, Moussa Lebkiri va plus loin qu'il n'a jamais été, parce que la société dans son malaise relationnel a dépassé les limites du vivre-ensemble, des limites au-delà desquelles l'impensable peut arriver.Alors, évidemment, dans la belle prosodie, l'essentiel est ailleurs. Il est question d'amener le spectateur à des interrogations pressantes sur les extrémismes qui agitent le pays et le monde. Le comédien veut prendre date : «J'ai écrit ce texte par réaction à ce qui se passe dans la société. Un artiste, c'est subversif. Un artiste, il est là pour défendre les choses. C'est un éveilleur. Si on fait du spectacle pour rien, gratuitement si on peut dire, ce n'est pas terrible. Il faut être dans l'engagement ; c'est ce qui m'intéresse dans le spectacle, les risques?».Alors, il tire à vue en aiguisant des mots ciblés. Il frappe indistinctement tous les dépassements, politiques, religieux ou de comportement, dans une jolie langue. «J'ai construit le spectacle de façon décousue. J'ai été attentif aux derniers événements de l'extrême droite, face à une gauche dont je ne sais même si elle existe pour réagir. Je suis dans l'humain, pas dans le politique.» Il agit de même pour les extrémismes religieux dont la planète entière souffre aujourd'hui. En tant qu'artiste, il fait tout passer par le rire noir et la dérision décapante.D'une certaine manière, il joue «un peu avec le feu. Je ne conçois pas de faire le métier autrement. Nous sommes des acteurs de la vie, des acteurs de la scène et on se doit d'être intègre.» Peu importe finalement si le spectacle vire à l'aigre. On s'y amuse avec sérieux, sur un rythme plus vif. La construction est menée sans précaution : «L'humour est un appât, nous confie Mousa Lebkiri. Il faut donner au spectateur quelque chose qui l'attire pour ensuite l'amener à des idées, faire passer un message.Le message est qu'il faut lutter, il faut se réveiller, agir ; il faut dire. On dit : ??oui, on a peur, ça fait peur l'extrémisme''. Chacun peut croire ce que bon lui semble, mais ce que je ne tolère pas, et là je suis intolérant, c'est l'extrême de ??la vérité c'est nous'' !» Et pourtant, Moussa Lebkiri avoue qu'il aurait «aimé rester dans la douceur, dans la poésie, faire exactement ce que je fais à la fin, une histoire d'étoiles rêvées, une légende.» Pour lui, c'est malgré tout «un registre engagé. Avec l'actualité difficile, je n'aurais pas toujours le public de mon côté. Je ne vais dans le sens du poil de l'air du temps. C'est plus confortable d'éviter ces sujets. Si on veut plaire à tout le monde, or je n'ai jamais cherché à plaire à tout le monde.» Nous, nous y avons trouvé notre comptant d'espoir.




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