Algérie

Le rêve de Nkrumah



Pourquoi Kadhafi a-t-il choisi Accra, capitale du Ghana, pour parler enfin sérieusement des Etats-Unis d'Afrique ? L'idée est charmante, elle évoque le rêve des indépendances des nations africaines, elle pousse les gouvernants du continent à évaluer le fossé creusé par leurs ambitions militaires du pouvoir et les interpelle sur les facteurs qui les éloignent de leurs populations, confrontées aux affres de la misère et du mépris. A moins qu'ils n'aient rien compris ou qu'ils ne veuillent rien comprendre. L'idée que défend aujourd'hui le leader libyen n'est pas nouvelle. Ce n'est qu'une remise sur scène d'une pièce relookée, jetée aux archives de cette mondialisation qui balaie tout sur son passage. Tout. Avant lui, elle a été défendue par le surnommé Osageyfo (le sauveur, le rédempteur), ou encore Africahene (roi de l'Afrique), de son vrai nom Kwame Nkrumah, né le 21 septembre 1909 à Nkroful, dans le sud-ouest d'une colonie britannique de la Côte d'Or. Un géant, normalien et militant de la non-violence, dont il s'inspire pour fonder son parti, le CCP, en... 1949. Le 6 mars 1957, après avoir connu la prison et résisté à la corruption de l'Empire britannique, devenu Premier ministre, il proclame l'indépendance d'un nouvel Etat, le Ghana, qui emprunte le nom de l'ancien empire. Pour étudier aux Etats-Unis d'Amérique, où il débarque en 1935, il a vendu du poisson, travaillé comme ouvrier agricole ou dans des usines. Il a dormi dans les rues mais avait compris, lui, que les Américains n'étaient forts que par leur union. L'UE n'existait pas encore. Le 23 novembre 1958, Kwame Nkrumah propose à un autre géant africain, le Guinéen Ahmed Sékou Touré, l'union entre leurs deux pays. En décembre de la même année, la première conférence des peuples africains est organisée à Accra et met l'accent sur la nécessité d'ériger cinq fédérations sous-régionales, avant la naissance des Etats-Unis d'Afrique. Le Malien Modibo Keita les rejoint plus tard dans cette belle aventure africaine. L'Histoire est ainsi faite et, pour une génération d'Algériens, ces noms sonnent le rêve et le festival panafricain d'Alger, le plus beau d'ailleurs, où Myriam Makeba chantait « Africa » en balançant son corps plein de sourires, sentant la sueur du coton, du cacao et du café. Non contents des agissements de Nkrumah, les services américains montent une opposition de toutes pièces, le poussent à instaurer un parti unique et à se faire élire comme Président à vie. Le piège dans lequel tombent très facilement les gouvernants africains, même les plus honnêtes parmi eux. Il est renversé le 24 février 1966, alors qu'il était en visite en Asie, et décède des suites d'un cancer à Bucarest en avril 1972. Le milieu des années 60 se caractérise d'ailleurs par une série de coups d'Etat en Afrique: le nouvel ordre mondial se mettait en place et nulle place n'était réservée à ceux qui s'y opposaient. En Algérie, il a eu lieu en 1965. Aujourd'hui, parler des USA d'Afrique peut être considéré comme une reprise d'idées aussi nobles, mais il ne faut pas oublier que la mondialisation récupère aussi les idées nobles à son seul profit. Le soutien de Sarkozy aux idées de Kadhafi en est une preuve de plus. Le problème pour les Africains sera certainement de trouver un chef pour tous.


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